La Coupe du monde de soccer qui se déroule en Afrique du Sud pourrait bien réanimer l'idée, évoquée il y a près de 10 ans, de tenir cet événement un jour au Canada. Dans le petit monde de la FIFA, on doute toutefois fortement de sa concrétisation prochaine.

Le député libéral et ancien ministre du Sport qui avait lancé ce projet en 2001, Denis Coderre, a l'intention de le raviver sitôt la compétition terminée en Afrique du Sud (la finale a lieu dimanche), a appris La Presse.

En juin 2001, après des mois de rencontres exploratoires et d'études, M. Coderre, alors ministre junior des Sports dans le gouvernement Chrétien, et l'Association canadienne de soccer avaient officiellement fait savoir à la FIFA que le Canada souhaitait organiser la Coupe du monde.

Selon nos informations, une entente préliminaire avait alors été signée avec le président de la FIFA, Joseph Blatter, et l'un des patrons du foot français de l'époque, Michel Platini. Des pourparlers avaient également eu lieu avec des équipes professionnelles françaises et avec des télédiffuseurs.

Le projet prévoyait par ailleurs une entente avec la Ligue canadienne de football (LCF) pour l'utilisation des stades dans tout le pays. Il aurait fallu par ailleurs construire de nouveaux stades (dont un à Halifax) ou rénover ceux déjà utilisés par la LCF.

Le plan Coderre prévoyait aussi une ouverture et une finale à Montréal, au Stade olympique.

En pleine euphorie des finales de la présente Coupe du monde, l'idée de tenir cet événement planétaire au Canada en fera peut-être rêver plusieurs, mais il serait sage, selon les initiés, de ne pas trop s'emballer.

«Une Coupe du monde au Canada, aujourd'hui, ça me semble impossible», dit le Montréalais Walter Sieber. Plus expérimenté des coordonnateurs généraux de la FIFA, M. Sieber était responsable sur le terrain lors de la finale de la Coupe du monde en 1998 et 2002.

«Depuis 1986, l'équipe nationale ne s'est jamais qualifiée pour la Coupe du monde, souligne-t-il. La FIFA ne donnera jamais la Coupe du monde à une équipe nationale qui n'a pas au moins une petite chance de se rendre au deuxième tour. Le Canada n'est pas là du tout. Quand vous n'êtes même pas capable de vous qualifier dans la CONCACAF, il y a un problème.»

La CONCACAF est l'association continentale de soccer dont fait partie le Canada. Elle regroupe l'Amérique du Nord, l'Amérique centrale et les Caraïbes. Trois places, parfois quatre, lui sont réservées à la Coupe du monde. Les États-Unis et le Mexique en monopolisent deux depuis plusieurs années. Le Honduras et le Costa Rica figurent parmi les autres pays à s'être qualifiés, tandis que le Canada a été blanchi à ses trois matchs lors de sa seule présence au Mondial, il y a 24 ans.

Selon M. Sieber, la plupart des stades de la Ligue canadienne de football, qui seraient selon toute vraisemblance utilisés dans le cadre d'une éventuelle Coupe du monde, ne répondent pas aux normes actuelles de la FIFA. Leurs terrains n'ont pas une largeur suffisante et devraient être rénovés.

«Ce n'est pas un problème majeur, mais depuis 1986, le minimum international, c'est 68 m sur 105 m. Au Canada, on a deux ou trois stades qui frôlent les 68 m, mais il faut aussi ajouter au moins 2 m de chaque côté pour les joueurs et les officiels.»

Par ailleurs, une Coupe du monde canadienne ne pourrait pas se matérialiser avant 2026, au plus tôt. La FIFA décidera en décembre quels pays organiseront les Mondiaux de 2018 et 2022 et les prétendants sont déjà connus. Les États-Unis, qui ont déjà présenté le Mondial en 1994, sont en lice et ne ménagent pas leurs efforts pour convaincre la FIFA.

«Bill Clinton n'est pas venu en Afrique du Sud juste pour voir les joueurs américains», note M. Sieber au sujet de l'ancien président américain, qui a assisté à plusieurs matchs dans les dernières semaines. «Si les États-Unis obtiennent la Coupe du monde de 2018 ou 2022, vous pouvez oublier l'Amérique du Nord pour au moins 10 ans, même si le principe de rotation continentale (qui a aidé l'Afrique du Sud à obtenir le Mondial 2010) a été abandonné.»

Si les espoirs d'obtenir la «vraie» Coupe du monde sont à peu près nuls, il en va autrement des autres tournois de la FIFA. Le Canada a organisé avec succès la Coupe du monde U-20, en 2007, attirant notamment des foules de 55 000 personnes au Stade olympique de Montréal.

Vers la fin de l'année, l'Association canadienne de soccer présentera la candidature du pays pour la Coupe du monde féminine de 2015, a indiqué M. Sieber. Le tournoi quadriennal oppose 24 pays.

«Je vais pousser pour que la finale ait lieu cette fois à Montréal (et pas à Toronto, comme en 2007, pour le U-20). Et il faut que le quartier général de la FIFA soit à Montréal. Pour moi, c'est clair. Il n'y a aucun doute là-dessus», conclut M. Sieber.