David Testo a choisi de briser l'omerta qui règne dans le monde du sport. L'ancien joueur de l'Impact a révélé publiquement son homosexualité jeudi, espérant inciter d'autres athlètes à sortir du placard et à cesser de vivre dans la peur.

Mais si l'orientation sexuelle du joueur était un mystère pour le public, elle était parfaitement connue de ses coéquipiers et de ses adversaires. Testo a même plus d'une fois été la cible d'insultes homophobes alors qu'il évoluait dans l'uniforme montréalais, a révélé à La Presse l'un de ses anciens entraîneurs.

Marc Dos Santos a été témoin à au moins deux reprises d'épisodes où le milieu de terrain américain s'est fait traiter de «fucking faggot» - «sale tapette» en français - par des joueurs d'équipes adverses. Pour Dos Santos, il ne fait aucun doute: ceux qui ont insulté Testo savaient très bien qu'il était gai.

«Tout le vestiaire de l'Impact le savait, et une fois que le vestiaire le sait, c'est facile que le mot se passe dans les autres équipes. Dans la Ligue, de 60 à 80% des joueurs étaient au courant», a expliqué Dos Santos jeudi.

L'ancien entraîneur de l'Impact a travaillé aux côtés de David pendant trois ans et demi. Il note que s'il a lui-même été témoin de deux épisodes, plusieurs autres ont pu survenir sans qu'il ne le sache. À ces deux occasions, David Testo n'a rien dit à son entraîneur.

«D'autres personnes en auraient fait un gros deal, mais pas David. Les deux fois, il a tourné le dos au joueur, a raconté Marc Dos Santos. Mais après, s'il y avait un challenge sur un ballon entre lui et le joueur qui l'avait insulté, il rentrait très fort. C'est quelqu'un de fier et de très mature. Il n'allait pas raconter ça à gauche, à droite, il réglait ça sur le terrain.»

Les incidents que raconte Dos Santos illustrent à quel point le monde du sport est resté largement fermé à l'homosexualité. Encore aujourd'hui, peu d'athlètes sont ouvertement gais et notamment dans les sports d'équipe.

Seuls deux joueurs de soccer professionnels actifs sont sortis du placard dans l'histoire, le plus récent des deux étant le jeune joueur suédois Anton Hysen. David Testo, qui est à la recherche d'une équipe après avoir été remercié par l'Impact en octobre dernier, pourrait devenir le troisième.

Le retraité de la NBA John Amaechi est devenu le premier joueur de basketball à sortir du placard, en 2007. Le rugbyman gallois Gareth Thomas a aussi révélé son homosexualité deux ans plus tard.

Un secret lourd à porter

David Testo a quant à lui décidé de briser le silence car le secret était trop lourd à porter. Pendant les cinq saisons qu'il a évolué à Montréal, le public n'a jamais connu son orientation sexuelle.

«Je regrette vraiment de ne pas l'avoir dit publiquement plus tôt. Je me suis battu avec ça toute ma vie, toute ma carrière, a expliqué Testo en entrevue à Radio-Canada. Vivre la vie d'un athlète professionnel et être gai est incroyablement difficile. C'est comme porter un secret dans ses valises sans jamais être soi-même.»

«Le sport est l'un des derniers endroits dans la société qui s'adaptent à l'homosexualité, a encore dit Testo. Ce n'est pas fait consciemment, par manque de respect. C'est en raison de la peur et de l'ignorance.»

Si le public ignorait tout de l'homosexualité de David Testo, ses coéquipiers étaient quant à eux au courant. Le joueur Antonio Ribeiro lui a servi de confident quand il était à Montréal. «Il me parlait de ses peines d'amour, moi je lui parlais de ma copine», a raconté Ribeiro.

L'Impact était aussi au courant au moment même de recruter Testo, en 2007, alors qu'il jouait pour les Whitecaps de Vancouver. «Cette sortie n'est pas un élément de nouvelle pour nous, nous connaissions l'homosexualité de David, a expliqué le vice-président de l'Impact, Richard Legendre. Nous sommes surpris de l'ampleur qu'ont pris ses déclarations, mais ça témoigne du tabou que représente encore l'homosexualité dans le sport.»

Pourquoi l'Impact n'a pas décidé de dénoncer publiquement les insultes homophobes dont était victime l'un de ses joueurs? Des cas similaires arrivent fréquemment avec des injures raciales et les équipes se portent souvent à la défense de leurs athlètes.

«On respectait tous le coté privé que David avait choisi de garder à cet égard. Ce n'était pas à nous de faire quoi que ce soit dans ce sens-là, a précisé Richard Legendre. Je pense que c'est pour ça que Marc Dos Santos n'a pas ébruité l'affaire.»

Antonio Ribeiro dit admirer le courage de son ami. «J'espère que d'autres joueurs vont faire des sorties comme ça, parce que je suis sûr que Testo n'est pas une exception», a-t-il dit.

David Testo a évolué comme milieu de terrain avec l'Impact de 2007 à 2011. Il a connu sa meilleure saison en 2009, quand l'Impact a remporté le championnat et qu'il a lui-même été nommé joueur le plus utile à son équipe. Il est aujourd'hui sans contrat et se cherche une nouvelle formation.

«J'aurais aimé faire le saut en MLS avec l'Impact et montrer que c'est possible d'être gai et d'être un athlète professionnel, a confié Testo. Tout ce que je peux faire maintenant, c'est d'être la personne que je suis. C'est important d'être soi-même.»