Wilfried Nancy. Romell Quioto. Victor Wanyama. Si les choses restent telles qu’elles sont, les contrats de ces trois acteurs importants du CF Montréal viendront à échéance en décembre prochain.

Mais Olivier Renard prône la patience. Notamment parce que de toute façon, Nancy et Quioto ont des options d’un an annexées à leurs ententes.

« On a le temps », explique le directeur sportif et vice-président du club lors d’un entretien d’une quarantaine de minutes avec La Presse, jeudi.

Nous sommes dans une des salles de classe du Centre Nutrilait. À l’extérieur, l’entraînement du club vient de commencer. Renard discute de son ton posé qu’on a appris à connaître pendant plus de trois années passées à Montréal.

C’est ce que j’ai dit à Romell, comme à plusieurs autres joueurs : je ne discute pas de contrats avec les joueurs maintenant. Je connais les joueurs, j’ai été comme eux. Si tu discutes maintenant, tu vas changer tes idées.

Olivier Renard

Il souhaite que « tout le monde termine bien la saison pour aller le plus loin possible ».

« On aura le temps dans l’entre-saison de voir ce qu’on fait avec X, Y, Z. Ils ont des options. Avoir une option, c’est un contrat. »

Il applique la même logique pour son entraîneur-chef. Même si ce dernier a mené cette équipe montée avec un budget restreint à une troisième place dans l’Est, au moment de publier.

Il ne faut pas croire que Wilfried et moi, on ne se parle pas. Bien sûr qu’on se parle. Il connaît ma vision pour le futur, je connais la sienne. Il est relax. Je suis relax moi aussi. […] Il sait que je suis très content de son travail.

Olivier Renard

Pourquoi alors ne pas confirmer cette satisfaction en prolongeant son contrat au-delà de son option d’un an ? C’est ce que ce même Olivier Renard avait fait en 2021, après deux défaites consécutives, alors que Wilfried Nancy avait encore l’étiquette d’entraîneur-chef intérimaire.

« Ce n’est pas parce qu’on est très content du staff maintenant que tout d’un coup, je vais donner cinq ans de contrat, souligne-t-il. Je ne le ferai jamais. Voyons ce qui va se passer. On est très confiants et contents. […] Moi, je veux voir l’effectif qui s’améliore. Le potentiel des joueurs qui s’améliore. Et après on en discute. Il n’est pas en fin de contrat.

« Dans le passé, le club a eu des situations où il a dû payer plusieurs entraîneurs en même temps à cause des licenciements. Je ne suis pas en train de dire que Wil va être licencié. Ce n’est pas ça du tout. Mais dans le futur, on ne sait jamais. »

Victor Wanyama, « une personne adorable »

Le dossier de Victor Wanyama est un peu plus compliqué. Il n’a pas d’option à son contrat de joueur désigné. Son salaire pèse lourd sur la masse salariale. Et malgré son statut de pilier au poste de milieu défensif, à 31 ans, il ne rajeunit pas non plus.

PHOTO JOE NICHOLSON, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Victor Wanyama

« Ce sont des discussions que je dois avoir avec lui, assure Renard. Ça va bientôt se faire. Victor est une personne adorable dans le vestiaire. Il a apporté beaucoup de choses. »

Si le directeur sportif note avec contentement que Wanyama « joue 95 % des matchs », il nuance en parlant de son « âge » et de son « prix d’investissement ».

« Est-ce que le club préfère investir encore pour cette même position alors qu’on a peut-être déjà d’autres joueurs qui peuvent jouer ? Est-ce qu’on garde Victor parce qu’il est une personne importante dans le vestiaire ? On a déjà pesé le pour et le contre là-dessus. Après, c’est à moi et Victor d’en parler. »

« Il y a plusieurs clubs sur Ismaël »

Notre entretien avec Olivier Renard a lieu quelques minutes à peine après qu’Ismaël Koné a confirmé l’intérêt de Norwich à son égard en conférence de presse. Une rumeur qui avait fait surface il y a quelques semaines.

Le directeur sportif persiste en affirmant ne pas pouvoir parler de Norwich. Même s’il ajoute dans la foulée qu’il n’a « jamais eu d’accord avec un club ».

PHOTO GARY A. VASQUEZ, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Ismaël Koné

Koné se disait quant à lui « reconnaissant » de cette première offre reçue d’un club européen. Renard le corrige.

Je sais que ce n’est pas le premier club, déjà. Il y a plusieurs clubs sur Ismaël, comme il y a plusieurs clubs sur d’autres joueurs chez nous.

Olivier Renard

« Le mercato n’est pas fermé encore, avise le directeur sportif, faisant référence au fait que des joueurs peuvent encore quitter la MLS. […] On a eu d’autres propositions pour lui d’autres clubs aussi. Ça, c’est la vérité. »

Il ajoute qu’il n’empêchera jamais un joueur de « faire ses rêves », « parce que tout le monde [en serait] perdant ».

« Mais le joueur sait qu’il ne partira pas pour le prix d’une bouteille d’eau pétillante. »

« Prendre le temps de ne prendre personne »

Olivier Renard a été discret sur le marché des transferts estival. Mais il a tout de même acquis un attaquant, Chinonso Offor du Fire de Chicago, à la date limite la semaine dernière.

« C’est un joueur que je connaissais de l’Europe avant, affirme le directeur sportif. Il aurait pu venir ici avant même Chicago. Mais il y avait un prix de transfert qui avoisinait le million de dollars. Et là, c’est devenu une opportunité parce que le transfert est presque entièrement payé par Chicago. »

Il le décrit comme un attaquant « costaud », « plus grand » et peut-être « plus explosif » que Romell Quioto. « Il va vite, aussi. »

On l’a déjà écrit : l’arrivée d’Offor s’inscrit dans un projet à plus long terme que la simple fin de saison ici. Entre autres parce que le groupe d’attaquants est déjà bien garni. Ce qui veut dire que l’équipe de Wilfried Nancy ne s’est pas nécessairement améliorée avant les séries.

« Si on pose la question à l’entraîneur, évidemment qu’il aimerait bien avoir des joueurs qui font plus la différence, ou une position bien précise. On le sait et je le sais. Mais aller chercher peut-être un joueur moyen, avec le budget qu’on avait actuellement, dans une position où on pourrait se renforcer pour l’année prochaine, je préférais prendre le temps de ne prendre personne. Sauf le dernier jour, où il y a eu l’opportunité d’Offor. »

Le développement selon Olivier Renard

« Je m’en fous, de ce que les autres font »

Olivier Renard persiste et signe : ça ne vaut pas la peine pour le CF Montréal de rejoindre la MLS Next Pro, ce nouveau circuit de développement organisé par la MLS.

Et ce, même si le Bleu-et-noir deviendra l’an prochain la seule équipe de la ligue à ne pas en faire partie.

« Je vais être un peu cru, mais je m’en fous, de ce que les autres font, lâche le directeur sportif lors d’un entretien avec La Presse. Je sais combien ça coûte pour faire cette catégorie-là, alors qu’on peut très bien former nos joueurs d’une autre façon et que ça nous coûte moins cher. »

La saison inaugurale de la MLS Next Pro est en cours. On y compte 21 équipes, dont une quinzaine sont les formations de réserve de clubs MLS. L’âge moyen des joueurs est de 21 ans.

Le CF Montréal, quant à lui, choisit de faire jouer ses jeunes joueurs dans sa cour. Son équipe U23 évolue dans le championnat de la Première Ligue de soccer du Québec (PLSQ), un circuit semi-professionnel.

Une décision qui a fait sourciller au départ, rappelle Olivier Renard. Mais il n’en démord toujours pas aujourd’hui. D’autant que l’équipe montréalaise ne domine pas outre mesure : elle se classe au 5e rang sur 12, avec 7 victoires en 13 matchs.

Tout le monde rigolait de la PLSQ. Moi, j’ai vu quelques matchs où nos jeunes joueurs ont été ridicules. Avant de croire que tu t’en vas jouer contre des amateurs, et bien, d’abord, il faut gagner tous tes matchs. Ensuite, peut-être que le club va dire que cette catégorie-là n’est pas une catégorie pour nos jeunes.

Olivier Renard

Il renchérit.

« Il faut dire la vérité. On n’a pas 25 talents dans les U23 qui vont tous devenir titulaires en MLS.

« Les bons joueurs, on les suit. Je sais que ce n’est pas la plus grosse compétition. Mais nous, en tant que club, ça nous coûte déjà quelques millions de moins de ne pas organiser la MLS Next Pro. Même si ça ferait un retour d’argent aussi, si je suis honnête. »

Olivier Renard affirme même que certaines équipes lui disent aujourd’hui qu’il a « peut-être fait le bon choix ».

« Tu deviens une autre personne »

Le directeur sportif parle d’argent pour justifier sa décision. Mais pas que.

Outre la PLSQ, il y a aussi la Première Ligue canadienne (PLC), où il peut envoyer certains bons talents en prêt. Une avenue intéressante, qui permet notamment à ces joueurs d’acquérir une « personnalité ».

« Mon choix vient aussi du fait que je sais que nous n’avons pas 25-30 joueurs prêts à faire la première équipe. Il y en a cinq ou six qu’on peut prêter en PLC. Avec ce fait-là, de déménager. C’est ce que les gens oublient. Parce qu’avec la MLS Next Pro, les gens resteraient ici, à Montréal. »

Moi, j’aime bien qu’ils aillent se forger un caractère à quelque part d’autre. Qu’ils ne deviennent pas seulement des joueurs professionnels, mais des adultes.

Olivier Renard

Il donne l’exemple du défenseur Karifa Yao, prêté au Cavalry de Calgary. Du gardien Jonathan Sirois, avec le Valor de Winnipeg. Et de l’attaquant Sean Rea, dans ce même club du Manitoba. Ces trois joueurs pourraient faire leur marque à Montréal dès l’an prochain.

  • Sean Rea

    PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

    Sean Rea

  • Karifa Yao

    PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

    Karifa Yao

  • Jonathan Sirois

    PHOTO ROBERT REYES ONG, FOURNIE PAR LA CPL

    Jonathan Sirois

1/3
  •  
  •  
  •  

« Le Sean Rea de maintenant n’est pas le Sean Rea de l’année dernière, souligne Renard, un propos qu’il accole aussi aux deux autres. On lui a demandé d’être plus décisif, avec plus de passes et plus de buts. »

« Des joueurs comme ça, qui sont de Montréal, toujours chez papa et maman, toujours dans le petit cocon, ils deviennent des hommes en partant là-bas. Devoir s’arranger pour manger tout seul, être seul le soir, sans la famille. Tu deviens une autre personne. »

Le cas Woobens Pacius

Et puisqu’on parle de PLC, il y a un autre talent montréalais qui fait tourner les têtes actuellement. L’attaquant Woobens Pacius, qui évolue avec le Forge de Hamilton, y compte 10 buts cette année et se classe ainsi au deuxième rang des meilleurs buteurs.

PHOTO JOJO YANJIAO QIAN, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Woobens Pacius

Pacius est un ancien de l’Académie de l’Impact qui avait été invité au camp d’entraînement avant la saison 2021, sans toutefois parvenir à une entente avec le CF Montréal.

« On connaissait les qualités de Woobens, assure Renard. Je vais même dire la vérité : j’ai participé à essayer de trouver un club pour lui. Il revenait de deux blessures assez importantes et méritait d’aller jouer. »

À l’image d’un Joel Waterman, premier joueur à faire le saut de la PLC à la MLS, Pacius a-t-il le potentiel de rejoindre la grande ligue ?

« Est-ce qu’il va revenir chez nous un jour ? Peut-être. On verra. Est-ce qu’il va continuer dans un autre club MLS ? On garde les droits du joueur. […] Mais tout le monde ne peut pas jouer chez nous non plus. »