(Paris) Chambres surpeuplées, sanitaires insalubres, droits sociaux bafoués : des images des conditions de vie de travailleurs migrants au Qatar, diffusées jeudi par France Télévision, ont conduit la Fédération française de football à annoncer une mission de vérification sur place, à environ un mois du Mondial-2022.  

Diffusées dans un contexte de vives critiques sur le respect des droits humains dans l’émirat gazier, notamment ceux des travailleurs migrants, ces images ont été filmées en caméra cachée « avant l’été » selon la chaîne française, dans le cadre d’une enquête sur l’attribution contestée du Mondial au Qatar, menée par son émission Complément d’Enquête et la cellule investigation de Radio France.

On y voit en particulier des logements d’employés de sociétés de sécurité privée, une sous-traitante de l’hôtel qui doit servir de camp de base aux champions du monde sortant, et une autre travaillant pour le géant français du secteur, Accor, choisi pour superviser l’offre d’hébergements pendant le tournoi.  

Sont montrées des chambres exiguës infestées de cafards, où les travailleurs s’entassent sur des lits superposés, des sanitaires insalubres et sales, des murs tachés d’humidité, des cuisines sommaires avec un évier et deux réchauds à gaz comme seul équipement, ou encore une climatisation en panne dans l’une de ces chambres où la température est de 35 degrés. Certains travailleurs racontent travailler sans quasiment aucun jour de repos ni paiement des heures supplémentaires.

Ces logements se trouvent dans l’« Industrial Area », quartier périphérique, un « endroit strictement interdit aux caméras », dépourvus d’espace vert et d’infrastructures de transports, décrivent les journalistes.  

Le Qatar est l’objet de nombreuses critiques d’ONG sur le respect des libertés fondamentales et des droits humains, notamment ceux des travailleurs étrangers, venus notamment d’Afrique et d’Asie du Sud, qui composent la majorité de sa population.  

Ne pas fermer les yeux

Doha souligne avoir réformé ses lois : abolition en grande partie le système de la « kafala » (nécessité d’obtenir un permis pour sortir du pays, autorisation requise pour changer d’employeur) ; vérification du versement des salaires ; instauration d’un salaire minimum mensuel d’environ 250 euros ; durée maximale de travail de 60 heures hebdomadaires et jour de repos obligatoire.

Les travailleurs n’ont toutefois pas le droit de former des syndicats et le droit de manifester n’est pas respecté à la hauteur des standards internationaux.

Sollicité par Complément d’Enquête, la FFF a annoncé, dans un courrier du 2 octobre produit par l’émission, l’envoi d’une « mission » sur place « mi-octobre » et assuré avoir déjà « mis en œuvre une série de vérifications concernant les six prestataires en contrat avec le groupe hôtelier, camp de base » de l’équipe de France, à Doha.

Elles « ont permis d’écarter la société de sécurité » en raison de « nombreuses irrégularités inacceptables », « non-respect des conditions de logements décentes, rétention des passeports, non-respect des jours de repos… », explique la FFF qui promet qu’elle « est et restera vigilante ». Le Mondial « constitue une opportunité de progrès, mais participer ne signifie pas fermer les yeux », assure dans ce courrier la fédération.  

Dans un premier temps, dans un entretien accordé aux journalistes, son président Noël Le Graët avait expliqué qu’il y avait « des progrès immenses à réaliser, mais s’il n’y avait pas eu le foot, cela aurait été pire, nettement pire ». Confronté aux images des logements, il avait dit que l’hôtel serait contacté : « C’est pas insoluble ça, c’est des coups de peinture. Il y a encore le temps de réparer ça ». « Je peux vous montrer plein d’images comme ça dans plein de pays, même peut-être pas loin d’ici », dit-il encore dans son bureau parisien.  

Sollicité par l’AFP, Accor a relevé que la société mise en cause « ne travaille qu’avec un seul hôtel du groupe au Qatar », qu’« un audit a été réalisé par un tiers et les équipes Accor en local se sont également rendues sur les lieux ». Un rapport a mis « en lumière un certain nombre de points manquants aux règles de la charte éthique du groupe », des « actions de mise en conformité ont alors été exigées ».