Ismaël Koné venait de rater un jeu que Wilfried Nancy s’époumonait à expliquer. L’entraîneur-chef du CF Montréal décide alors de mettre un frein à l’exercice pour corriger la jeune pépite du club.

L’entraînement avait lieu sur la pelouse du stade Saputo, vendredi. Une enceinte loin du bruyant transport de conteneurs du port de Montréal et de la passante rue Notre-Dame, les deux entourant le Centre Nutrilait. Les médias ont donc pu entendre assez clairement ce qui se disait entre les deux hommes. Et ce n’est pas comme si Nancy, à plusieurs mètres de Koné, chuchotait non plus.

Il demande au Québécois de ne pas baisser la tête. Puis donne l’exemple lui-même de ce qu’il sollicite des joueurs impliqués. Un jeu de passes bien précis qui permet d’envoyer le ballon rapidement du milieu vers l’avant.

Koné et ses coéquipiers s’exécutent ensuite. Et tout fonctionne. Sous les acclamations de Wilfried Nancy. Ce dernier se dirige ensuite vers le milieu de 20 ans pour lui parler tranquillement. Une discussion d’environ deux minutes. L’entraînement reprend dans l’allégresse. Les attaquants célèbrent leurs buts, les gardiens leurs arrêts.

Wilfried Nancy a été nommé finaliste au titre d’entraîneur de l’année en MLS, jeudi. Pour ses joueurs, il mérite d’en être le lauréat. Mais pas seulement parce que l’équipe a atteint des succès inégalés en 2022.

« Pour moi, c’est lui qui doit le remporter », a estimé Samuel Piette vendredi.

Tout le monde l’apprécie comme personne avant même qu’en tant qu’entraîneur. […] C’est quelqu’un qui est très, très bon pour gérer l’humain en premier.

Samuel Piette sur Wilfried Nancy

Kamal Miller abonde dans le même sens. Mais il encense aussi son « honnêteté ».

« C’est tout ce que les joueurs veulent, a indiqué le défenseur international canadien. Un entraîneur honnête qui va jouer franc-jeu avec eux et être constant dans ses décisions. »

De la « fierté » sans « s’enflammer »

Nancy lui-même a parlé de « fierté » et d’« humilité » après l’entraînement.

« Je sais d’où je viens », souligne celui qui a roulé sa bosse dans le soccer québécois depuis son arrivée avec les Citadins de l’UQAM, en 2005.

« Que je gagne ou que je ne gagne pas, le plus important, c’est qu’on reconnaisse le travail. Parce qu’il y a du travail, du sacrifice derrière. Mais il y a aussi beaucoup de plaisir. »

Jim Curtin, d’un Union de Philadelphie champion de l’Est, et Steve Cherundolo, qui a remporté le Supporter’s Shield avec LAFC, sont les deux autres finalistes. Nancy croit-il en ses chances de repartir avec le trophée ?

« Bien sûr », lance-t-il.

« C’est anormal ce qui se passe. Je suis depuis deux ans à la tête. Et voilà, maintenant je suis dans les trois [meilleurs]. »

Si la notion de « plaisir » est importante pour l’entraîneur-chef du CFM, son poste lui a tout de même appris à être « confortable dans une situation inconfortable ».

Il mentionne devoir être parfois « tranchant » et « froid » avec les joueurs.

« Ce n’est pas facile, parce que le joueur a envie de bien faire. Il a envie de jouer tous les jours. […] Des fois, je dois être derrière eux, d’autres fois je dois être dur et exigeant envers eux. »

Wilfried Nancy ne veut toutefois pas « s’enflammer » avec cette nomination.

« Peut-être que dans trois ans, j’entraînerai Chicoutimi ! », blague-t-il.

Un membre des médias pose la question qui nous traverse tous la tête à ce moment : est-ce justement un bon argument pour négocier un nouveau contrat ?

« D’abord, il y a les premiers matchs, se résout-il à dire. On verra après pour la suite. »

Le cas Quioto

Romell Quioto a participé à la plupart des exercices lors de l’entraînement. Le Hondurien est blessé à la cuisse depuis son retour de la trêve internationale, et n’a pas joué dimanche dernier.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Romell Quioto

Sa présence demeure incertaine pour le match éliminatoire de dimanche contre Orlando. Une situation qui embête le personnel d’entraîneurs du Bleu-et-noir.

« Il y a deux possibilités, explique Nancy. Est-ce qu’on prend un gros risque, que j’assumerai, lors du match contre Orlando ? Ou finalement, on sent [samedi] que c’est un peu trop juste, il ne participera pas et on essaiera de gagner pour lui ? »

Le technicien nous a habitué cette saison à une certaine nonchalance lorsque vient le temps de discuter des absents. N’importe qui peut entrer et bien faire dans le système de jeu du CF Montréal, aurait-il sûrement dit en temps normal.

Mais on sent que l’enjeu de dimanche, et l’importance de Quioto en attaque, le tracasse.

« C’est un match qui est quand même particulier. Et Romell, sa blessure est un peu bizarre. Ce n’est peut-être pas quelque chose de très grave, mais il faut faire attention. »

« Comme j’ai dit à Romell : je ne prendrai pas Romell s’il ne peut pas nous aider. »