(Ottawa) L’ancien président de Canada Soccer, Nick Bontis, dit avoir fait acte de contrition auprès de la joueuse étoile Christine Sinclair pour des mots qu’il ne se souvient pas avoir prononcés, qu’il ne conteste pas, mais qui le font sentir « terriblement mal ». Il soutient par ailleurs n’avoir aucune idée de la raison pour laquelle il a été poussé vers la sortie, en février dernier.

L’éléphant dans la pièce du Comité permanent du patrimoine canadien a été identifié d’entrée de jeu par l’ex-dirigeant de la fédération, selon qui « peu ont fait autant » que Christine Sinclair pour le ballon rond, et le sport féminin en général, au pays.

« C’était une erreur, j’en prends la responsabilité et je la regrette », a-t-il plaidé jeudi.

Il y a trois semaines, à la table du même comité, la numéro 12 a raconté une anecdote impliquant Nick Bontis qui a choqué les députés.

PHOTO DARRYL DYCK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Nick Bontis, ancien président de Canada Soccer

L’ex-dirigeant aurait fait référence à des propos tenus par l’athlète pendant une réunion en les décrivant de manière peu élogieuse. « Il a fait référence à mes propos en disant : “À quel sujet est-ce que Christine chialait ?” », a relaté la médaillée d’or des Jeux de Tokyo.

Les représentantes de l’équipe féminine venaient d’apprendre, à leur grande stupéfaction, l’année de leur triomphe olympique au Japon, en 2021, qu’elles étaient cinq fois moins payées que les joueurs de l’équipe masculine.

Le comité des Communes qui se penche sur l’enjeu de la « pratique sécuritaire du sport au Canada » avait convoqué Nick Bontis il y a un peu plus d’une semaine, mais celui-ci ne s’était pas présenté, se désistant pour des motifs personnels.

À la fin de sa déclaration d’ouverture, le principal intéressé a justifié cette absence, un trémolo dans la voix : sa femme, ses trois enfants et lui ont fait l’objet de « harcèlement continu » d’un individu aux prises avec des problèmes de santé mentale, et il devait gérer cette affaire portée à l’attention des tribunaux.

Loin de s’en émouvoir, le conservateur Kevin Waugh lui a demandé pourquoi il avait démissionné de son poste de directeur de Canada Soccer, en février dernier, ce à quoi son interlocuteur a répondu qu’on lui avait demandé de prendre la porte.

Les deux équipes nationales avaient exigé des changements à la tête de la fédération. « Je leur ai demandé de me fournir des raisons. Je voulais qu’on m’explique pourquoi. On ne m’en a pas donné, alors j’ai présenté ma démission », a expliqué Bontis au député.

L’entente avec CSB

Parmi les motifs d’irritation : l’entente intervenue sur les droits commerciaux et télévisés entre la fédération sportive et Canadian Soccer Business (CSB). Celle-ci n’a pas été paraphée par Nick Bontis, mais elle bénéficiait de son appui.

Les dispositions financières du pacte, qui arrive à échéance en 2027, mais pourrait être prolongé jusqu’en 2037, ont encore été critiquées jeudi par les élus.

Quand on regarde l’accord, ça sent mauvais.

Rachael Thomas, députée conservatrice

Son collègue libéral Anthony Housefather a tiré dans la même direction.

« Il y a un montant [de base] garanti, mais il ne peut pas augmenter ! Malgré le fait que l’équipe masculine se soit qualifiée pour la Coupe du monde [au Qatar], que les femmes aient remporté l’or olympique, vous n’avez aucune majoration par rapport au montant négocié pour les 10 premières années », a-t-il insisté.

« Et pour les 10 années suivantes, si vous ne vous entendez pas sur un montant avec CSB, il y a un montant fixé au contrat qui est à peine plus élevé », a martelé l’élu au sujet de cette entente que les dirigeants ont dit vouloir travailler à « moderniser »1 devant le même comité.

Et l’iniquité salariale ?

Canada Soccer planche aussi sur les négociations d’une nouvelle convention collective, dont elle a dévoilé les propositions aux équipes féminine et masculine le 9 mars dernier, quelques heures avant le passage à Ottawa de Christine Sinclair et de ses complices Janine Beckie, Sophie Schmidt et Quinn, qui porte un seul nom.

« Pourquoi l’équité salariale n’était pas présente ? », s’est enquis le conservateur Richard Martel.

« L’équipe féminine avait une convention collective en place […], alors que les hommes n’en avaient pas ; ils s’entendaient par camps. Promettre l’équité salariale, maintenant, ça complique les négociations, car les trois parties doivent s’entendre », lui a répondu Bontis.

Le Comité permanent du patrimoine canadien poursuit ses travaux sur les conditions dans lesquelles évoluent les sportifs au pays, et pas seulement chez Canada Soccer : les élus continuent d’étudier le dossier de Hockey Canada, éclaboussé par de multiples allégations de scandales sexuels qui ont entaché l’organisation.

1 Lisez l’article « Vers une révision du contrat sur les droits commerciaux et télévisés »