Évelyne Viens et ses coéquipières de l’équipe canadienne entreront en scène à la Coupe du monde jeudi soir à titre de championnes olympiques. Elles représenteront l’une des nations favorites du tournoi disputé en Australie et en Nouvelle-Zélande. Et pourtant…

Même si elles ont remporté la compétition la plus prestigieuse à l’international, à l’exception du Mondial, les Canadiennes ne sentent pas qu’elles sont tenues en aussi haute estime qu’elles le mériteraient. Viens en parlait d’ailleurs à ses coéquipières de club en Suède, soulignant à quel point les joueuses arborant la feuille d’érable sont « constamment sous-estimées ».

« Plusieurs personnes croient que notre victoire aux Jeux olympiques était de la chance. Je crois aussi que les joueuses, de façon individuelle, on n’est pas autant respectées que certaines joueuses d’autres pays. On a tellement de joueuses qui débordent de talent et on en parle à peine. Même Christine [Sinclair], la meilleure marqueuse internationale, hommes et femmes confondus, n’a qu’une fraction du respect qu’elle devrait inspirer. Il y a un manque de respect », laisse tomber l’attaquante québécoise.

Par ailleurs, l’entraîneuse-chef du Canada, Bev Priestman, a opté pour une formation semblable à celle qui a triomphé à Tokyo. Naturellement, la retraite de la gardienne de but Stephanie Labbé, la blessure de la percutante milieu de terrain Janine Beckie et la non-sélection de la vétérane Desiree Scott vont changer la dynamique du groupe.

Or, il n’y a pas que de mauvaises nouvelles dans le camp canadien, selon Viens.

Les filles ont pris beaucoup de maturité et on a de nouveaux leaders. C’est sûr qu’avec Sinc, Sophie Schmidt et Jessie [Fleming] – qui est là depuis des années –, on a un groupe fort. Ce sont les mêmes valeurs que par le passé, avec beaucoup des mêmes joueuses. La différence n’est pas immense.

Évelyne Viens

Si c’est un groupe plus expérimenté et plus mûr qui prendra d’assaut les terres de Steve Irwin, le constat est tout aussi valable pour l’attaquante de L’Ancienne-Lorette.

Ne pas laisser la tête enchevêtrer les pieds

« Moi, moins j’overthinke, mieux je joue », explique l’attaquante de 26 ans.

À propos de quoi exactement ? Un peu de tout. Viens dit avoir assurément progressé dans les deux dernières années en ce qui concerne la gestion des attentes, et c’est un peu ce qui la mène de nouveau en équipe nationale.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE

Évelyne Viens

Juste avant les Jeux olympiques, Viens a été en grande forme avec le Paris FC, ce qui lui a valu une convocation pour le tournoi estival. Or, après la compétition, elle a eu de la difficulté à s’imposer quand elle est revenue avec le Gotham du New Jersey/New York, son club mère en NWSL.

Puis les appels en équipe nationale se sont faits moins fréquents. Jusqu’à ce qu’elle rejoigne le Kristianstads DFF, en Suède, et que les valves s’ouvrent derechef. En 43 rencontres, sur deux saisons, elle a inscrit 33 buts et obtenu 14 passes décisives. Un rythme pratiquement insoutenable.

La leçon est donc fort simple : « À partir du moment où je me mets à penser que je dois performer en club pour aller en équipe nationale, ça ne va pas bien pour moi, note-t-elle. Mais quand je me concentre sur mon club, sur la manière dont je peux performer et marquer des buts, ça aide, ça m’a aidée à réintégrer l’équipe et à vraiment être dans la majorité des camps. »

Viens a aussi profité de cette période d’accalmie pour parfaire plusieurs aspects de son jeu. Elle souligne qu’elle est plus « calme » et « dominante » dans la surface de réparation et que cette progression lui a permis de « performer » davantage avec les Rouges.

À la chasse aux minutes

La Québécoise a assurément été digne de se faire appeler pour la grand-messe du soccer. Cependant, elle n’est pas la seule. L’Unifolié comptera sur huit attaquantes pour la compétition, alors que la formation de Priestman demande que trois rôles soient pourvus.

Dans les derniers mois, Viens a été utilisée à toutes les sauces, comme titulaire ou à titre de remplaçante. Son rôle pour cette Coupe du monde n’est pas coulé dans le béton et même si la compétition est féroce – et surtout nombreuse –, elle devrait fouler le terrain.

Qui plus est, elle le voit comme l’une des forces du Canada, et encore, elle ne veut pas trop se casser la tête à imaginer différents scénarios.

« Les attaquantes, on a tous des profils tellement différents. On apporte toutes une force, alors [Bev Priestman] peut utiliser différentes joueuses pour différents matchs. Ça va aussi dépendre de la forme des joueuses qui réussissent à performer », admet-elle.

Les Canadiennes auront besoin de buts pour s’imposer. La stratégie des troupières de Priestman ne sera indéniablement pas axée sur l’attaque, l’aspect le moins reluisant de l’équipe canadienne, mais tout de même, Viens et ses homologues devront fournir leur part d’efforts pour que la défense souffle un peu. Surtout considérant le nombre de joueuses disponibles.

« Je ne vais pas arriver avec la pression de devoir marquer dans chaque match, mais je veux apporter offensivement », conclut-elle.

Les prochaines semaines diront si ses pieds, ses buts et ses victoires lui offriront enfin le respect qu’elle et ses coéquipières méritent de tout un chacun.

Nigeria c. Canada, ce jeudi à 22 h 30 (heure du Québec)