(Paris) L’international français Paul Pogba a été confronté vendredi pendant cinq heures à cinq de ses proches, amis d’enfance et vieilles connaissances soupçonnés d’avoir joué un rôle dans sa séquestration en mars 2022, lors de laquelle deux braqueurs lui ont réclamé 13 millions d’euros.

Cette confrontation a eu lieu devant deux juges d’instruction parisiens.

Suspendu cette semaine par son club de la Juventus de Turin pour des soupçons de dopage, le joueur est sorti en voiture du tribunal judiciaire de Paris, à l’abri des regards.

La confrontation constitue une étape cruciale dans l’information judiciaire ouverte en septembre 2022, tant le récit du champion du monde diffère des interrogatoires des cinq suspects, inculpés pour séquestration, extorsion en bande organisée commise avec une arme et participation à une association de malfaiteurs.

« La confrontation s’est bien passée et a apporté de la lumière sur la relation entre Paul et Boubacar » C., a déclaré devant la presse Me Saïd Harir, avocat de cet ami d’enfance de Paul.

Elle a éclairé « des zones d’ombre », a abondé Me Karim Morand-Lahouazi, avocat d’Adama C., autre ami d’enfance et frère de Boubacar C.

« Ambiance apaisée »

Les échanges se sont déroulés dans « une ambiance apaisée », a renchéri Steeve Ruben, avocat de Mamadou M., autre relation de Paul Pogba. « Je pressens que d’autres confrontations seront réalisées pour encore faire la lumière sur d’autres incertitudes », a-t-il ajouté.

L’agente de Paul Pogba, Rafaela Pimenta n’a pas souhaité commenter. Pas plus que sa mère Yeo Moriba et sa compagne Maria Zulay, présentes également au tribunal.

Seule personne inculpée non convoquée et absente vendredi : Mathias Pogba, le frère aîné de Paul.

Il est soupçonné d’avoir fait pression pendant des mois sur son cadet pour qu’il paie les 13 millions d’euros – ce qu’il conteste – mais n’était pas présent la nuit de la séquestration.

Vendredi, les échanges se sont concentrés sur cette nuit, selon des sources proches du dossier.  

Qui était présent au dîner précédant la séquestration, le 19 mars 2022 ? Paul Pogba a-t-il ensuite été contraint, comme il le raconte, de se rendre dans un autre appartement ? Roushdane K., principal suspect, lui a-t-il confisqué son téléphone ou était-ce bien une « habitude » de ce groupe d’amis d’éteindre leurs portables, comme le mis en cause l’affirme ?

« Couper les vivres »

Dans une synthèse policière dont l’AFP a eu connaissance, et qui date d’avant la confrontation, les enquêteurs font état d’« une équipe criminelle formée d’amis d’enfance, renforcée d’un individu au profil criminel bien établi, Roushdane, ayant pour objectif de soutirer 13 millions d’euros à Paul, lequel avait coupé les vivres en début d’année ».

Les cinq nient catégoriquement.

« Je suis une victime », a ainsi déclaré, en mars 2023 lors de son interrogatoire Roushdane K. Il a affirmé avoir été blessé par balle, car Paul refusait de payer.

Paul Pogba, entendu comme partie civile, a précisé avoir « déjà aidé » financièrement les suspects : « J’ai grandi avec eux. Moi ça me faisait plaisir ».

Il raconte que cette nuit-là, après avoir dîné chez la mère d’un de ses camarades, Roushdane K. lui a intimé de les suivre dans un autre appartement où les personnes inculpées lui ont notamment reproché de ne plus les soutenir assez financièrement.

Paul dit avoir été menacé de fuites dans la presse : une clef USB contiendrait la preuve qu’il payait un marabout pour envoûter Kylian Mbappé – ce que le joueur et le sorcier ont nié lors de leurs auditions, expliquant que les dons étaient destinés à de « bonnes actions en Afrique ».

Après ces reproches, Paul Pogba affirme que Roushdane K., « énervé », a demandé à certains de sortir. Le footballeur est resté dans l’appartement avec Adama C. et Roushdane K.

Deux hommes cagoulés et armés de fusils, non identifiés à ce jour, ont alors fait irruption dans le salon.  

Roushdane K. aurait alors ordonné à Paul de les payer. Ces derniers lui ont affirmé avoir assuré sa sécurité pendant plusieurs années, un service qu’ils ont évalué à 13 millions d’euros.

En mars 2023, ce suspect a démenti « les sottises » de Paul. L’homme, en détention provisoire, dit avoir été sollicité par deux « connaissances » pour organiser un rendez-vous avec le footballeur afin qu’il finance un de leurs projets. Il assure avoir été surpris par la présence des braqueurs et avoir « eu peur que ça dégénère ».