(Columbus) « J’étais seul. Il n’y avait que le pilote et l’agent de bord. J’étais assis, et j’écrivais sur mon ordinateur. Et j’étais incapable d’arrêter de pleurer. »

Evan Bush aimait, aime et aimera Montréal. Mais son départ de la métropole québécoise, après une dizaine d’années avec l’Impact, il l’a vécu difficilement.

L’ancien geôlier du Bleu-blanc-noir en a parlé longuement avec La Presse il y a deux semaines, lors d’une rencontre de près de 30 minutes dans les locaux du Crew, à Columbus.

En 2020, lorsqu’il a pris la direction de Vancouver pour se joindre brièvement aux Whitecaps, Bush a écrit une lettre d’amour à la ville et au club qui l’ont accueilli dans les « moments charnières du début de [sa] vie adulte ».

C’était pendant la pandémie de la COVID-19. Les Whitecaps lui avaient nolisé un vol pour les rejoindre à Portland, où était situé leur camp de base. Le message, qu’il a publié le 29 septembre 2020 sur Instagram, est très chargé émotionnellement, et fait de dix diapositives.

« Je pensais à ma famille, se rappelle-t-il. Mes trois enfants y sont nés, ma femme et moi nous sommes mariés là-bas. J’étais très émotif. »

Il se rappelle avoir fait une entrevue à la télé après son atterrissage à Portland. C’était avec Patrick Friolet, de RDS. « Et j’ai craqué encore pendant l’entrevue. J’étais comme : “Merde !” »

« Un bon moment » pour partir

Evan Bush commence par dire que son départ de Montréal a été « aigre-doux ». Puis il se rétracte. « Non, c’était juste aigre, à ce moment. »

Et il ne parle pas de son échange vers Vancouver, qu’il avait accepté en sachant qu’il rejoindrait le Crew en Ohio, d’où il est natif, après cette saison-là.

Mes 6 à 12 derniers mois [à Montréal] n’ont pas été les plus confortables, je dirais.

Evan Bush

Il évoque une « situation toxique », impliquant des gens « qui ne sont plus au club maintenant ». Il ne nomme personne. À l’époque, Thierry Henry était l’entraîneur-chef, et Rémy Vercoutre était l’entraîneur des gardiens. Clément Diop lui avait été préféré à titre de gardien titulaire.

« Je suis parti en très bons termes avec la famille Saputo, et je suis vraiment fier de la relation que j’ai avec eux. […] J’ai été là pendant 10 ans, et je ne voulais pas que ce soit terni par la façon dont je suis parti. »

« On s’ennuie de Montréal, de certains aspects du club et de la base de partisans, ajoute Bush, en incluant sa femme. Mais c’était un bon moment pour moi de partir. »

« Je ne pourrais pas faire ce qu’il fait »

À Vancouver, avec Marc Dos Santos et Youssef Dahha, deux hommes qu’il connaissait déjà de Montréal, Bush dit avoir « retrouvé le plaisir de jouer ».

En quelque sorte, le fait qu’il me restait 16 mois à mon contrat s’est avéré une bénédiction. Ça m’a permis d’arriver [au Crew] et de prendre mes aises dans le club. J’ai pu organiser certaines choses pour mon après-carrière.

Evan Bush

On sent que la question vous brûle les lèvres, cher lecteur. À 37 ans, quel rôle a Evan Bush à Columbus ?

Laissons son entraîneur Wilfried Nancy répondre. « Pour être honnête avec vous, il était troisième gardien au début de l’année », dit-il, expliquant qu’il est aujourd’hui deuxième.

« Très rapidement, j’ai vu le potentiel d’Evan. Il est un peu plus ouvert maintenant, il est un peu plus vieux. Sa carrière est derrière lui. Du coup, je peux lui faire faire des choses qu’il n’aurait pas acceptées auparavant. »

PHOTO PAUL VERNON, ASSOCIATED PRESS

L’entraîneur du Crew, Wilfried Nancy, le 21 octobre dernier à Colombus

Patrick Schulte, qui n’avait jamais joué en MLS avant cette saison, est devenu titulaire devant Eloi Room en début de saison. Room a depuis été transféré à un club de première division néerlandaise, mais le professionnalisme et l’ardeur au travail de Bush l’ont fait monter dans la hiérarchie. « La façon dont il prend soin de lui, c’est un exemple », dit Nancy.

Et surtout, il est devenu le mentor du portier recrue.

« Je savais, au fil de mes conversations avec le club, qu’ils allaient vouloir se rajeunir à cette position, explique Bush. J’ai compris que je devais penser à la prochaine étape dans ma vie, avec ma famille. Le fait de jouer de façon constante n’était plus une priorité. […] J’ai eu beaucoup de plaisir à aider les gars qui jouaient à performer à un haut niveau. »

Rudy Camacho admire celui qu’il a lui aussi côtoyé à Montréal.

C’est quelqu’un qui bosse, qui bosse et qui bosse, mais qui ne joue pas. Pour être honnête avec toi, je ne pourrais pas faire ce qu’il fait.

Rudy Camacho, à propos d’Evan Bush

Evan Bush a eu « carte blanche » pour faire son mentorat avec Schulte, dit Nancy. « Si Pat a eu une belle année, c’est parce qu’Evan a été derrière lui. »

« En paix »

Bon, alors, devenir entraîneur lorsqu’il accrochera ses crampons (ou ses gants) semble la voie évidente, non ?

« C’est ce que j’ai pensé pendant toute ma carrière », souligne Bush.

« C’est peut-être le Montréalais en moi, en ayant vu tellement d’entraîneurs arriver et repartir, pour encore changer de club dans les années subséquentes. Ils doivent déménager leurs familles, ou les laisser à un endroit pour aller entraîner ailleurs. Ce n’est pas quelque chose que je veux. »

En visant une « stabilité », il pense plutôt se diriger vers un rôle un peu plus haut au sein de l’organisation du Crew. Titulaire d’un MBA, il aimerait notamment aider à « construire des équipes ».

Sinon, il va « rester en Ohio et faire autre chose », conclut Evan Bush.

Du reste, l’ancien résidant d’Hochelaga estime que le retour dans son patelin lui a permis de « prolonger [sa] carrière d’au moins deux ans ».

« Je pense à la retraite depuis un certain nombre d’années. Je me suis préparé. Alors je suis en paix, peu importe quand le moment viendra. »