« Je n’aime pas perdre. » C’était une remarque lancée comme ça, pendant le point de presse virtuel de Josef Martínez, mercredi matin. Un simple fait, formulé avec conviction et sourire en coin, sans agitation. Mais pour le CF Montréal et son nouvel attaquant, c’est peut-être là que se trouve la clé.

Souvenons-nous de la fin de saison 2023 en queue de poisson à Columbus, où l’équipe a semblé baisser les bras en deuxième mi-temps alors que tout était encore à jouer. Une absence de ferveur et d’émotion qui a laissé pantois autant le directeur sportif Olivier Renard que le président Gabriel Gervais au bilan, quelques jours plus tard.

A priori, ça ne risque pas d’être un enjeu pour Martínez. Au contraire.

« C’est peut-être mon problème, parfois, a-t-il souligné lorsqu’il a été interrogé sur le désir de grinta chez le CFM. Je deviens trop émotif. Je n’aime pas perdre. […] J’espère que je ne perdrai pas mon sang-froid de sitôt. C’est du soccer, et j’essaie d’être une meilleure personne, alors on va voir. »

Laurent Courtois n’a pas encore eu la chance de commenter l’acquisition du Vénézuélien. Mais si on se fie à ses propos énoncés lors de sa présentation au début du mois de janvier, on est porté à croire que l’entraîneur-chef devrait trouver son compte avec son nouvel attaquant.

« On aime tous le jeu élaboré, avait lancé Courtois. Mais il y a quelque chose sur lequel je suis intransigeant : c’est le cœur, l’énergie, la combativité, la gagne, la niaque, tu l’appelles comme tu veux. »

La grinta, comme on l’appelle à Montréal, Martínez n’en a pas manqué au cours de sa carrière.

« J’ai bien hâte de le voir courir »

Josef Martínez a 30 ans. C’est un vétéran en MLS. Il a tout gagné, notamment avec Atlanta United de 2017 à 2022. Ses saisons de 31 et de 27 buts, en 2018 et 2019, figurent parmi les meilleures campagnes offensives de l’histoire du circuit. Ce n’était qu’une conférence de presse d’une quinzaine de minutes, mercredi matin, mais son expérience, elle se sent.

« C’est un joueur sur lequel le club mise beaucoup », souligne Gabriel Gervais dans un extrait d’une entrevue réalisée et partagée par le club en matinée. Le CFM a déboursé de l’argent d’allocation ciblée pour faire son acquisition pour un an, une entente munie d’une année d’option. Un pari qui pourrait payer.

« C’est quelqu’un qui vient bonifier notre projet sportif, ajoute le président. Qui vient nous aider à compter des buts et atteindre nos objectifs, qui sont clairement de rentrer dans les séries et de remporter le championnat canadien. Mais au-delà de ça, c’est un vétéran qui peut aider nos jeunes à continuer de progresser. J’ai bien hâte de le voir courir sur le terrain. »

Il n’est pas le seul. Martínez a atteint des sommets stratosphériques au chapitre offensif au cours de son épopée américaine. On parle quand même de 77 buts en 83 rencontres, de 2017 à 2019. Mais il a subi une grave blessure à un genou en 2020, et a été ennuyé par différents soucis de santé depuis. Il a remporté la Coupe des ligues avec Lionel Messi et l’Inter Miami l’an dernier, mais autrement, Martínez ne semble plus être l’artilleur qu’il a été. Depuis 2021, il a enfilé 28 buts en 77 matchs. Ce qui demeure respectable, sans être éclatant.

« Depuis ma dernière opération, il y a deux ans, je n’ai plus de problème avec mon genou, assure-t-il. La dernière année a été difficile, on a joué beaucoup de matchs, ce qui réduit le temps de récupération. J’essaie d’être en santé et de me tenir prêt pour ce qui va venir. »

« Prêt à apprendre »

Gervais a parlé d’un projet sportif « bonifié » par l’arrivée du Vénézuélien. Comment peut-on le quantifier ?

Déjà, Martínez, c’est 161 matchs en MLS, 58 en Serie A italienne (avec Torino), 55 en Suisse avec Young Boys, c’est aussi 66 rencontres avec le Venezuela à l’international. Pour venir épauler un jeune groupe d’attaquants chez le CFM, difficile de trouver mieux. Ce leadership a grandement fait défaut l’an dernier, notamment en l’absence de Romell Quioto, blessé la majeure partie de la saison.

« Nous avons une jeune équipe, a rappelé le Soulier d’or de 2018, mercredi. Je voulais venir ici et aider à bâtir la culture. Et poursuivre mes rêves. J’ai encore de l’énergie et je veux continuer à écrire l’histoire ici. »

Lui-même se dit toujours « prêt à apprendre ». Ce qu’il a fait l’an dernier au côté de Messi à Miami.

PHOTO REBECCA BLACKWELL, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Josef Martínez

« Chaque fois que nous allions dans le vestiaire, on était tellement impressionnés, raconte-t-il. Ce gars a tout gagné, et il avait encore l’envie de conquérir. »

À Montréal, Martínez aura la chance de retrouver ses repères. Et il devra le faire tout en se battant pour son poste avec un certain Matías Coccaro qui, du moins en surface, semble posséder une combativité semblable à celle de celui que l’on surnomme « El Rey », le Roi.

« J’ai vu quelques vidéos, je sais que c’est un joueur dur, allègue Martínez. C’est important dans cette ligue. J’espère qu’on saura bien s’adapter. Je pourrai l’aider, parce que j’ai un peu plus d’expérience en MLS. Nous sommes dans un groupe, et on va se battre ensemble. »

« Frère »

Le nouveau venu disait plus tôt vouloir éviter de perdre son sang-froid, malgré sa propension à l’émotivité sur le terrain. Ça nous rappelle une certaine altercation avec le Montréalais Victor Wanyama à Atlanta, en 2021 : le Kényan l’avait pris à la gorge au terme d’un conflit musclé près du filet du CFM.

Tout comme Wanyama lundi, Martínez a assuré que les deux joueurs sont rapidement passés à autre chose à l’époque. La vidéo publiée par le CF Montréal mercredi le prouve avec candeur.

On peut y voir le nouvel attaquant s’amener dans la salle de déjeuner du club dans son hôtel à Orlando, serrer la main du personnel et des joueurs, et saluer chaleureusement le joueur désigné montréalais. S’ensuit une discussion aux allures conviviales.

Gabriel Gervais, en voix hors champ : « Tu peux être ennemi sur le terrain avec un adversaire, mais quand cet adversaire te joint, c’est ton frère. »