(Orlando) Si l’acquisition de « l’ennemi » Ruan a surpris bien des partisans du CF Montréal, en janvier dernier, nul n’a été plus décontenancé que le joueur lui-même.

« Quand j’ai reçu l’appel, ça a été un peu difficile », raconte le Brésilien à La Presse, par l’entremise d’un interprète pour traduire ses propos du portugais. Nous sommes assis dans le hall de l’hôtel où réside le club à Orlando, un peu plus d’une heure après la conclusion de l’entraînement.

Ruan Gregório Teixeira, de son nom complet, vient de déposer la boîte qui contient son lunch sur la table d’à côté. C’est une rare entrevue qu’il est en train de donner, la première depuis la transaction qui l’a mené vers Montréal en échange d’Aarón Herrera, en décembre dernier. De nature réservée, avec une maîtrise de l’anglais approximative, le latéral droit n’est pas particulièrement à l’aise dans les échanges avec les médias. Il se prête néanmoins au jeu et, malgré les obstacles de communication, se tire bien d’affaire.

Voyez-vous, c’est que Ruan, âgé de 28 ans, est nouvellement papa. Sa petite fille Chloé, dont les photos ont joyeusement envahi son fil Instagram depuis sa naissance en novembre, le remplit visiblement de fierté. Mais c’est aussi ce qui a rendu son passage du DC United à Montréal quelque peu anxiogène.

« Ça m’a pris un peu de temps pour assimiler l’information, raconte-t-il. Ça a été un moment dans l’inconnu. »

Une fois que les choses ont été réglées, j’étais content. Je connaissais un peu la ville, je savais que c’était une bonne organisation pour laquelle travailler.

Ruan

Au fil d’une discussion avec le représentant de votre journal, l’entraîneur adjoint Laurent Ciman, père près de sa famille s’il en est, a convenu que Ruan doit « prendre ses marques » par rapport à sa nouvelle vie de papa.

Il note que la présence de l’équipe à Orlando, aux États-Unis, a ça de bon : la femme et l’enfant du Brésilien ont pu le suivre sous le soleil floridien. « Je pense qu’ils vont revenir avec lui [à Montréal] après le match contre Orlando » le 24 février, ajoute Ciman.

« Maintenant que je suis avec le club, je m’adapte très bien, souligne Ruan. […] Je suis heureux de la situation dans laquelle je me trouve actuellement. »

Un lien particulier avec Montréal

Ruan, un ancien de l’Orlando City SC justement, disait qu’il connaissait bien Montréal. Montréal aussi le connaît bien.

En 2019, à la première de ses quatre années en MLS, c’est lui qui a mis le pied sur la jambe d’Ignacio Piatti, causant une blessure qui allait entraîner une absence prolongée de l’Argentin cette saison-là. « L’ennemi », que l’on disait. Ce terme a été utilisé par plusieurs partisans du CF Montréal depuis.

On lui rappelle ces souvenirs et l’informe de ce surnom, et Ruan ne peut s’empêcher de sourire.

« Malheureusement, ça fait partie du football, dit-il. Quand tu as un très bon joueur devant toi, tu dois tout faire pour l’arrêter. C’est ce que j’ai fait, mais je n’avais aucune intention de le blesser. Maintenant, je suis à Montréal. »

C’est un nouveau chapitre. Je vais tout donner pour le maillot, aller chercher la victoire, la gloire et l’honneur que le club mérite.

Ruan

Il y a une autre raison qui rend la relation de Ruan avec Montréal particulière : c’est contre le CFM que le latéral a marqué le tout premier but… de sa carrière professionnelle. C’était en septembre 2021.

Il s’en souvient très bien.

« C’est un moment qui tombait bien puisqu’on perdait le match, raconte-t-il avec précision. Mon but a créé l’égalité. J’ai vu que le filet était ouvert, et j’ai tiré. Ça fait toujours du bien de marquer contre Montréal. »

Un latéral « complet »

Ruan est né à Rio de Janeiro. Sa passion pour le foot, il l’a acquise en suivant son père à ses matchs le week-end pendant sa jeunesse.

« Je voulais jouer au football comme mon père quand j’allais être grand », souligne le Carioca expatrié, qui a appris à botter le ballon « dans la rue, avec les amis de [son] quartier ».

Quel genre de joueur ça a fait de lui ?

Puisque le Brésilien se remet d’un pépin physique après le match présaison disputé contre Atlanta mercredi, il s’est entraîné à l’écart du groupe principal, vendredi. N’ayant donc pu l’observer, laissons plutôt le nouvel adjoint de Laurent Courtois, David Sauvry, vous le décrire.

PHOTO FOURNIE PAR LE CF MONTRÉAL

Ruan en action lors du match présaison du CF Montréal contre Atlanta mercredi

« Avant le joueur, je trouve que c’est un super mec, très à l’écoute, ouvert, calme, gentil et travailleur, énumère l’ancien du LA Galaxy II. Mais après, quand on passe sur le terrain, on voit la différence de personnalité. C’est le compétiteur qui arrive. »

Sauvry parle de « qualités de prise d’espace », de « centres », de « dernières passes » qui seront « intéressantes » pour le onze montréalais. Un profil comme le sien, « c’est une plus-value énorme pour l’équipe », estime-t-il. Des propos corroborés par son collègue Laurent Ciman.

Le principal intéressé souligne que sa priorité et sa « principale qualité », c’est de « bien jouer défensivement ». Mais il se plaît aussi à appuyer l’attaque.

Dès son arrivée en MLS, Ruan a été décrit comme l’un des joueurs les plus rapides du circuit. Si tant Ciman que Sauvry complimentent chacun à leur façon sa capacité à « attaquer l’espace », ce dernier veut faire attention de ne pas le « cataloguer ».

« Je pense que c’est un latéral complet qui est capable de faire pas mal de choses », souligne le Français.

Comme devenir l’ami des partisans montréalais ? Si tout se passe bien, ça ne saurait tarder.