Dans le sud-ouest de l'Allemagne, les habitants d'Hoffenheim apprécient le calme revenu après l'agitation folle des débuts triomphants de l'équipe de football du village en Bundesliga, qui resteront comme la belle histoire de la saison 2008/2009.

Dans sa maison attenante à l'église du XIXe siècle, le pasteur Werner Bär, en sandales Birkenstock, souffle enfin un peu. «Au début ici, c'était l'euphorie générale, mais maintenant ça s'est normalisé», explique-t-il. «On continue de parler foot, mais quand même un peu moins», poursuit cet homme qui officie comme défenseur dans l'équipe de la communauté protestante du village.

Hoffenheim, un village allemand de 3.200 habitants à priori comme un autre, coincé entre Heidelberg et Karlsruhe. Deux boulangeries, un vendeur de kekabs, une boucherie, des maisonnettes à colombages. Et un club de foot, le TSG Hoffenheim 1899, catapulté en tête du classement dès ses premières semaines dans l'élite du football, à l'automne dernier.

«Je ne pouvais pas sortir de la mairie sans tomber sur une équipe de télévision» venue, caméra à l'épaule, explorer ce phénomène unique dans le football européen, rigole le maire adjoint, Karlheinz Hess, agriculteur de profession.

Tous fans de foot

Dans son bureau repeint aux couleurs bleue et blanche du club, il apprécie lui aussi la sérénité retrouvée. «J'ai toujours dit qu'on ne pouvait pas rester éternellement dans une phase ascendante», souligne-t-il. De fait, le club financé par le milliardaire Dietmar Hopp, originaire du village, a connu une phase retour catastrophique, enchaînant 12 matches sans victoire.

Peu importe, le village continue de vibrer pour son équipe passée en l'espace de deux saisons de la troisième à la première division.

«Vous ne trouverez personne ici qui ne soit pas fan de foot», prévient M. Hess. «Même la grand-mère de 80 ans sait maintenant comment s'appellent nos joueurs et quand ils jouent».

L'une de ces vieilles dames a récemment débarqué dans son bureau, toute chamboulée. «Je viens de voir nos jeunes en train de faire leur jogging!», s'est-elle exclamé. Des «jeunes» qui viennent pour certains du Nigeria, du Brésil ou de Bosnie-Herzégovine, ne parlent pas allemand et n'habitent pas dans le village...

«Sans exagération aucune, je peux dire que le club de foot a complètement bouleversé la cohésion sociale à Hoffenheim», poursuit le maire adjoint.

Toutes les maisons ou presque arborent sur leur fronton un fanion du club. Dans les jardins, entre les sculptures d'angelots et les massifs de pétunias, des drapeaux «TSG Hoffenheim 1899» en haut des mâts indiquent pour qui roule le propriétaire des lieux.

Un nouveau stade de 30 000 places

Quant au maçon de la rue principale, il a carrément repeint la façade de sa maison en bleu et blanc.

Entre les promos sur la viande de veau et les présentoirs de saucisses, la maison Erwin Hess, bouchers de père en fils depuis 1930, a étalé une grande bannière aux couleurs de... devinez qui? Le samedi, la boutique ferme à 13h00. Parfait pour les matches du championnat à 15h30. La secrétaire de la mairie est aux anges depuis qu'elle s'est offert un abonnement pour assister à tous les matches à domicile. Enfin plutôt à Sinsheim, la commune voisine à 6 km.

Le stade du village était trop petit pour un club de Bundesliga. Un nouveau, le Rhein-Neckar-Arena a dû être construit plus loin. Il peut accueillir plus de 30 000 spectateurs, dix fois le nombre d'habitants d'Hoffenheim.

En revanche, les rencontres le samedi, ça n'arrange pas vraiment le pasteur. «C'est le jour des mariages pour nous!». Alors le dimanche, il se rattrape pendant l'office: dans ses sermons, il évoque «de temps en temps» le foot «quand je veux prendre un exemple ou faire un parallèle».

Sur son mur, il a collé un poster: «Ce qui est impossible pour l'homme est possible pour Dieu». Et pour Hoffenheim.