À moins de deux mois des Jeux olympiques de Pékin, l’équipe canadienne de patinage de vitesse sur courte piste a été secouée par une éclosion de COVID-19 qui a touché presque la totalité de ses membres, a appris La Presse.

Au total, 11 des 12 patineurs appelés à représenter le pays dans la capitale chinoise ont reçu un test positif antigénique (rapide) ou PCR à partir de la mi-décembre, forçant leur isolement pour une période de 10 jours.

Après cette période de confinement obligatoire, ils ont tous pu retourner sur la glace dans les derniers jours. Depuis la vague qui a commencé à la mi-décembre, les mesures sanitaires ont été resserrées dans l’environnement de l’équipe.

« On n’y a pas échappé, comme plusieurs équipes professionnelles et de sport amateur depuis plusieurs semaines », a confirmé le directeur haute performance courte piste pour Patinage de vitesse Canada (PVC), Marc Schryburt.

En entrevue mardi après-midi, M. Schryburt a d’abord évoqué « de multiples cas » avant d’admettre que « 50 % de l’équipe, au moins », avait été frappée « progressivement ».

Relancé en soirée, le directeur haute performance n’a pas nié le chiffre de 11 sur 12 dont La Presse a pris connaissance.

« Il y a des gens qui étaient positifs sur des tests rapides et des gens qui étaient positifs sur des tests PCR, a-t-il précisé. On a suivi la charge virale et on a considéré qu’au moins la moitié ont testé positif avec un PCR. […] À un moment donné, certains étaient positifs au test rapide et ça ne sortait pas positif au PCR. C’est difficile à dire ce qui s’était passé. »

Mardi, tous les patineurs sur la glace du centre national de l’aréna Maurice-Richard ont obtenu un résultat de test PCR négatif, a affirmé M. Schryburt.

Plus personne n’a de charge virale et tout le monde est en mesure de se préparer pour les Jeux.

Marc Schryburt, directeur haute performance courte piste pour Patinage de vitesse Canada

Le directeur a souligné que les athlètes vivaient sous « un stress assez énorme » et qu’ils avaient « sacrifié » beaucoup de choses pendant la période des Fêtes.

« On a été chanceux »

Actuellement, 12 athlètes, 6 femmes et 6 hommes, composent le groupe admissible aux Jeux de Pékin, qui s’ouvriront le 4 février. Les 10 patineurs qui ont obtenu leur billet pour la capitale chinoise avaient déjà été choisis. Leurs noms devaient être dévoilés le 21 décembre à Montréal. Or, l’éclosion de COVID-19 a forcé PVC à reporter l’évènement de presse à la mi-janvier.

Aucun des patineurs atteints n’a subi de « complications », a assuré M. Schryburt. Tout au plus, certains ont ressenti de légers symptômes comme des maux de tête et de gorge pendant une journée.

« Je suis en contact avec les coachs tous les jours et les athlètes disent qu’ils se sentent bien. […] Pour l’instant, ça n’a pas d’impact au niveau de la glace. »

Par respect pour la vie privée, PVC ne dévoile pas le nom des membres de l’équipe qui ont été infectés.

Le patineur Jordan Pierre-Gilles a néanmoins fait paraître une photo de lui, il y a deux jours, où il annonce son retour sur la patinoire de l’aréna Maurice-Richard. « Après avoir été à l’extérieur de la glace pendant presque deux semaines, j’ai réalisé à nouveau à quel point je suis accro à ce feeling, a-t-il écrit. Je suis si reconnaissant de pouvoir pratiquer ce sport de nouveau. »

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE JORDAN PIERRE-GILLES

Jordan Pierre-Gilles

Kim Boutin a pour sa part publié sur Instagram une photo où elle s’entraîne sur un vélo à l’intérieur, il y a une semaine. Selon une source au courant des personnes ayant subi au moins un test positif, la triple médaillée olympique est l’une des 11 athlètes touchées. Jointe à ce sujet mardi, son agente a indiqué ne pas savoir si sa cliente avait été infectée.

Après avoir participé aux quatre étapes de la Coupe du monde en Asie et en Europe, en octobre et en novembre, les patineurs canadiens ont pris part à un camp de deux jours au nouveau Centre de glaces de Québec, à la mi-décembre. Selon Marc Schryburt, ils ont été testés avant leur départ.

Avec les entraîneurs et les membres du personnel, ils ont ensuite participé à des activités extérieures dans le but de resserrer les liens. Le groupe était divisé dans trois chalets de la région : un pour les patineuses, un pour les patineurs et un pour le personnel.

« Les règles étaient les mêmes que lors de nos voyages à l’extérieur », a précisé M. Schryburt, qui a parlé d’une « bulle de protection ». « Tout le monde avait sa chambre dans de grands chalets. On a reproduit ce qui nous attend aux Jeux olympiques. Dans le Village, ce seront des appartements avec quatre ou cinq chambres. »

Ce volet du camp a été écourté d’une journée en vertu d’une recommandation du personnel médical de PVC, inquiet de la propagation fulgurante du variant Omicron, a indiqué le directeur haute performance.

À son retour à Montréal, « une journée ou deux plus tard », une athlète a ressenti des symptômes. Un test PCR a révélé qu’elle avait la COVID-19. Les autres cas sont survenus dans les jours suivants. Ils concernent tant des femmes que des hommes. Aucun membre du personnel n’a cependant été infecté.

« Avec le temps des Fêtes, il y avait déjà des pauses prévues. Si on avait une mini-éclosion à avoir, on a été chanceux qu’elle se produise à ce moment-là. Au moment où on se parle, tout le monde est de retour [sur la glace] et a terminé à 100 % le protocole de retour. »

Pas dramatique, mais…

Les « préoccupations » sont néanmoins grandes alors que l’équipe doit s’envoler pour Pékin le 25 janvier. Des « mesures extra strictes » ont donc été implantées : tests rapides quotidiens, tests PCR hebdomadaires, masque en tout temps, y compris lors d’efforts intenses sur la glace.

Les liens avec l’extérieur sont également réduits au strict minimum. Tous les patineurs du groupe de performance – ils sont une vingtaine en comptant les partenaires d’entraînement – doivent limiter leurs activités à l’aréna et à leur résidence. Certains ont été relogés dans des locations à court terme pour éviter qu’ils ne soient en contact avec des gens de l’extérieur de la bulle.

« Ce sont des sacrifices pour s’assurer que ça ne se reproduise pas avant notre départ », a souligné Marc Schryburt.

Comme d’autres athlètes canadiens susceptibles de partir pour les JO, les patineurs de courte piste ont également commencé à recevoir leur dose de rappel du vaccin.

Entraîneur adjoint de l’équipe canadienne de courte piste, Marc Gagnon s’est fait rassurant.

« Ce n’est pas dramatique, mais ce n’est pas une situation parfaite, on va se le dire, a-t-il admis mardi. En même temps, quelqu’un aurait pu se fouler la cheville et être sept jours en dehors de la glace. Ce n’est pas le meilleur timing quand c’est arrivé il y a quelques semaines. Mais le timing est franchement mieux que si ça arrivait maintenant ou la semaine prochaine. »

Les athlètes isolés ont reçu de l’équipement à la maison pour poursuivre leur préparation. « Un bon entraînement sur le vélo peut te défoncer autant sinon plus qu’une pratique sur la glace », a assuré Gagnon. Le retour à la position de base du patineur a cependant exigé un ajustement.

« Si tu me demandes s’ils seront tous à 100 % pour les Jeux, je leur souhaite, parce que c’est possible. Est-ce que ce sera le cas de tout le monde ? Je ne sais pas. C’est quand même la dernière ligne droite. Mais honnêtement, ils ont tous été très professionnels dans leur retour. »

L’équipe canadienne de bobsleigh a elle aussi été frappée durement par la COVID-19 à la fin de décembre. En tout, 14 membres, dont 11 athlètes, ont dû se placer en quarantaine en Lettonie après des tests positifs. L’équipe féminine de hockey a également subi une éclosion et ne disputera aucun match d’ici les Jeux de Pékin.

Un effet en longue piste

La découverte de cas de COVID-19 au sein de l’équipe canadienne de courte piste a coïncidé avec l’annulation des sélections olympiques de longue piste prévues entre Noël et le jour de l’An au Centre de glaces de Québec. « C’est vraiment l’un des éléments les plus forts [qui ont provoqué l’annulation] », a fait savoir Robert Dubreuil, directeur général de la Fédération de patinage de vitesse du Québec, organisatrice de la compétition qui avait obtenu de haute lutte le feu vert de la Santé publique du Québec. « Je ne dis pas que c’est juste ça, mais ça a ébranlé la fédération nationale. C’est la réalité. Je n’ai pas de blâme à donner, c’était une décision difficile. » Des participants étaient déjà arrivés à Québec, d’autres étaient en avion et certains étaient sur le point de partir au moment de la prise de décision, le 20 décembre. Faute d’épreuve de sélection finale, Patinage de vitesse Canada s’est rabattu sur les résultats des championnats canadiens et des quatre Coupes du monde de l’automne pour pourvoir les postes encore disponibles.