(Québec) Nathan, le poupon de 2 semaines de Laurent Dubreuil, a eu une mauvaise nuit de mercredi à jeudi. Andréanne, la maman, s’est donc « sacrifiée » et s’est installée sur le sofa dans le salon avec le petit.

« Si elle était restée dans notre chambre, j’aurais été un peu plus lent, d’après moi… »

Ah ! Ce qu’une bonne nuit de sommeil peut faire ! Quelques heures plus tard, Dubreuil a réussi ce qu’il considère « possiblement comme [la] meilleure course de [sa] carrière » aux Championnats canadiens de patinage de vitesse de Québec.

Son temps de 34 379 s au 500 m a jeté tous les connaisseurs par terre au Centre de glaces Intact Assurances. Y compris son auteur.

« C’était vraiment bon », a convenu Dubreuil, qui a pris soin de remercier sa conjointe en quittant le podium. « J’avais de la difficulté à croire le temps quand j’ai traversé la ligne. Finalement, c’est un dixième plus lent que ce qui a été affiché initialement, mais 34,37, j’ai fait mieux une seule fois au niveau de la mer. Et c’était sur la plus belle glace au monde, à Heerenveen. »

En décembre, le sprinteur de Lévis s’était installé au troisième rang de l’histoire au 500 m avec un chrono canon de 33,77 s à la Coupe du monde de Calgary, donc en altitude. Dans le milieu, il est convenu de retrancher six dixièmes de seconde à un temps réussi au niveau de la mer, comme à Québec, pour obtenir un point de comparaison.

En somme, sur le strict plan chronométrique, les deux courses sont équivalentes. De quoi faire réfléchir Dubreuil, qui s’était approché à 16 centièmes du record mondial en décembre 2021.

PHOTO YAN DOUBLET, LE SOLEIL

Je serais curieux de savoir ce que ça aurait donné à Salt Lake City ou à Calgary. Je pense que ça n’aurait pas été loin. C’est dur à dire, mais honnêtement, ça aurait été dans les eaux du record du monde ou, à la limite, mon record personnel. C’était donc exceptionnel comme course.

Laurent Dubreuil

Son ouverture (les 100 premiers mètres) de 9,47 s, sa deuxième meilleure à vie par un centième, est peut-être ce qui l’a le plus surpris, considérant qu’il avait été ralenti par des douleurs dorsales pendant une bonne partie de l’été.

« Les départs, c’est ce qui me faisait le plus mal sur la glace, a-t-il noté. Objectivement, c’est mon meilleur départ à vie que je viens de faire. Réussir ma meilleure ouverture dans une année où j’ai eu de la misère à en faire avant le milieu du mois d’août, c’est quand même assez incroyable. C’était spécial comme journée. »

« Au sommet de sa carrière »

Dubreuil aura deux occasions de s’attaquer à la référence mondiale de 33,61 s du Russe Pavel Kulizkhnikov lors des deux Coupes du monde programmées à Calgary, en décembre.

« Je suis excité justement parce que je pense que je suis capable de faire mieux. J’ai hâte de le prouver. Je suis bon quand j’ai beaucoup de repos, et ça ne fait pas si longtemps qu’on se repose. […] Avec un autre mois d’entraînement léger, à peaufiner ma technique, mon explosivité, qui sait ce que je peux faire ? »

« Pas étonné » de la performance de son protégé, l’entraîneur Gregor Jelonek estime qu’il « est sur la bonne voie » pour faire tomber le record en décembre.

« Laurent est au sommet de sa carrière », a souligné Jelonek.

Il est fort, il s’entraîne bien, ses priorités sont à la bonne place. Il patine pour les bonnes raisons. Aussi, le fait d’avoir été aux Olympiques, de gagner une médaille, d’avoir été champion du monde, ça fait en sorte que toute cette pression baisse. Il en profite et il se laisse aller.

Gregor Jelonek, entraîneur

Si le record le titille, Dubreuil a cependant rappelé que son véritable objectif de la saison était de conquérir un deuxième titre de champion mondial aux Pays-Bas l’hiver prochain. « J’aimerais mieux être champion du monde pour la deuxième fois que recordman du monde. »

L’athlète de 30 ans s’élancera vendredi au 1000 m, une épreuve où il souhaite se poser en prétendant constant au podium mondial cette année. Sa médaille d’argent aux Jeux olympiques de Pékin, l’hiver dernier, avait représenté une surprise.

« Je veux arriver en Coupe du monde avec des chances de médaille dans les deux distances et des chances de victoire au 1000, ce qui n’était pas le cas la saison dernière. J’ai très hâte parce que je me sens mieux au 1000 qu’au 500 par rapport à l’automne dernier. »

Brunet délivré, Fiola prudent

Dubreuil semblait aussi heureux de sa prestation que de la qualification pour les Coupes du monde de ses deux partenaires d’entraînement. Cédrick Brunet (35,50 s) et Christopher Fiola (35,54 s) ont pris respectivement les deuxième et troisième rangs de ce 500 m.

PHOTO YAN DOUBLET, LE SOLEIL

Cédrick Brunet (2e rang), Laurent Dubreuil (1er rang) et Christopher Fiola (3e rang), à la remise des médailles des Championnats canadiens de patinage de vitesse de Québec, jeudi

Pour Brunet, très démonstratif après sa course disputée au côté de Dubreuil, ce résultat est une véritable « délivrance ».

Troisième à la même compétition l’an dernier, le patineur originaire de Gatineau croyait avoir décroché sa sélection. Or il avait raté le standard par quelques centièmes. Un appel en arbitrage d’Alex Boisvert-Lacroix l’avait finalement privé d’une première tournée complète en Coupe du monde.

Les contraintes de la pandémie ont également empêché le jeune homme de 21 ans de disputer une épreuve en Allemagne et ont entraîné l’annulation des essais olympiques prévus à Québec.

J’ai juste approché la course normalement, sans penser à un temps. Vous avez vu ma réaction… C’est la délivrance, il n’y a pas d’autres mots.

Cédrick Brunet

Brunet dit avoir connu son « meilleur été à vie » à l’entraînement. « J’ai pris 10 livres de muscles. Je n’ai jamais été aussi puissant. J’ai eu des conversations avec mon coach et mon préparateur physique. Ils me répétaient : “Ced, tu es puissant, ça va venir, patience, ne panique pas.” Aujourd’hui, j’ai été récompensé. »

Même s’il s’agit pour lui d’un retour en Coupe du monde après trois ans d’absence, Fiola était plus circonspect que son jeune coéquipier. Son chrono l’a laissé sur son appétit.

« J’ai fait un temps deux dixièmes plus rapide, il y a à peine un mois, a regretté le Montréalais d’origine. Je m’attendais à beaucoup mieux, c’est certain. Au moins, je pourrai me reprendre et montrer ce que je suis capable de faire en Coupe du monde. »

Une première Coupe du monde pour Rose Laliberté-Roy ?

Du côté féminin, Carolina Hiller, une nouvelle venue, s’est imposée devant les olympiennes Brooklyn McDougall et Ivanie Blondin, respectivement deuxième et troisième.

LE SOLEIL

Carolina Hiller lors de la finale du 500 m aux Championnats canadiens de patinage de vitesse de Québec, jeudi

Rose Laliberté-Roy s’est glissée au quatrième rang avec un temps de 39,05 s, ce qui lui permet de réaliser le standard de qualification. En théorie, elle devrait donc prendre part à ses premières Coupes du monde.

« À suivre, j’attends le courriel de la fédération… », a souligné la jeune femme de 23 ans, « encore un peu sur un nuage » devant les journalistes.

Ça a été au-delà de mes attentes. Tout était là : la famille, le fait d’être à la maison… Je n’ai jamais été aussi prête pour une course. Je pense que ça a paru. Je suis vraiment, vraiment satisfaite.

Rose Laliberté-Roy

Surprise d’obtenir son standard, ce qui était son but cette saison, Laliberté-Roy se réjouit de se rapprocher des meneuses après des années de persévérance.

« J’essaie de me fixer des objectifs réalistes. Aujourd’hui, ça a juste montré que je peux rêver. »

Pour bien finir, la native de Saint-Étienne-de-Lauzon a révélé que son premier coach était… Laurent Dubreuil !

Maltais reste sur son appétit

Sans surprise, Isabelle Weidemann, Ivanie Blondin et Valérie Maltais, les trois médaillées d’or olympiques de la poursuite, ont terminé dans cet ordre au 3000 m. La Québécoise n’était pas pleinement satisfaite de son exécution sur la glace de l’anneau Gaétan-Boucher. « Tu dois être plus relaxe », lui a glissé son entraîneur Gregor Jelonek. « J’étais juste trop crispée », a reconnu Maltais, qui estimait s’être un peu laissé emporter par son duel avec Blondin, sa voisine de couloir qui l’a devancée d’une seconde. « J’étais en jambes, je me sentais encore bien à la fin, c’est juste que je peux encore mieux patiner techniquement. [Vendredi], au 5000 mètres, je n’ai rien besoin d’inventer. C’est seulement d’amener de la relaxation et de patiner de façon plus centrée… »

Au 5000 m masculin, l’ancien détenteur du record mondial Ted-Jan Bloemen a réalisé un impressionnant chrono de 6 min 16 s 61 pour l’emporter devant le Québécois d’adoption Jordan Belchos (6 min 23 s 78) et Graeme Fish (6 min 24 s 93). Bloemen a vanté la qualité de la glace, la comparant à celle de Calgary où il s’entraîne. À son premier essai en trois ans sur la distance, Antoine Gélinas-Beaulieu a fini en force pour prendre le cinquième rang en 6 min 32 s 01, à 10 secondes de son sommet personnel réussi à Calgary en 2017.

Kim Boutin vise les Jeux olympiques de Milan

Ce n’est pas une promesse, mais l’intention semble assez ferme : Kim Boutin a le désir de se rendre jusqu’aux Jeux olympiques de Milan en 2026. « Les Jeux [de Pékin] étaient pour moi une transition, a rappelé la médaillée de bronze au 500 mètres, jeudi après-midi. Tourner la page des Jeux de PyeongChang et savoir que je peux aller aux Jeux en m’amusant sans craindre des menaces de mort. C’était une étape que je devais mettre derrière moi. Ça va être une année à la fois, mais j’ai le désir de continuer pour les quatre prochaines années. » Un peu plus tôt, son entraîneur Sébastien Cros avait exposé le plan. Comme sa super vedette avait déjà pris une pause de compétitions à l’hiver 2021 pour préserver sa santé mentale, ils ont convenu de reprendre à plein régime en cette première année du cycle olympique. À l’automne 2023, elle devrait cependant se consacrer davantage à ses études en technique d’éducation spécialisée.