Erik Guay avait 12 ans quand il a assisté à la victoire d’Alberto Tomba à la Coupe du monde de Stoneham, le 5 décembre 1993.

Depuis, les meilleurs skieurs au monde n’ont plus jamais posé les planches sur la neige québécoise pour une compétition du Cirque blanc.

Cela changera quand Mont-Tremblant présentera deux courses de la Coupe du monde féminine de ski alpin, les 2 et 3 décembre 2023, soit 30 ans presque jour pour jour après le succès de La Bomba au Québec.

Guay chérissait ce rêve depuis sa retraite en 2018. À l’époque, l’ancien champion mondial a rencontré des dirigeants de Mont-Tremblant, son alma mater, et de la Fédération internationale de ski (FIS), mais le fruit n’était pas mûr.

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Erik Guay

Aujourd’hui administrateur de Canada Alpin (ACA), il a accompagné la présidente-directrice générale d’ACA, Therese Brisson, aux réunions techniques de la Fédération internationale de ski et de snowboard (FIS) qui se sont déroulées au début du mois à Zurich.

Le duo a reçu la confirmation que la FIS, aujourd’hui présidée par Johan Eliasch après un règne de 23 ans de feu Gian-Franco Kasper, s’engageait à mettre Mont-Tremblant dans son calendrier à long terme de la Coupe du monde pour trois ans à partir de décembre 2023. Ce soutien est conditionnel à l’amélioration de la piste où les courses seront disputées et à la tenue d’une épreuve test l’hiver prochain.

En d’autres termes, l’affaire est dans la poche pour ACA et Mont-Tremblant, qui ont conclu un protocole d’entente pour l’organisation de la compétition.

Guay a pris soin de donner tout le mérite à sa PDG et à la station. « Therese a pris la balle et elle est partie avec en courant », a précisé le Québécois de 41 ans, mardi midi, quelques minutes après l’annonce. « On avait besoin de quelqu’un pour travailler main dans la main avec la FIS. »

L’ex-skieur a remercié Patrice Malo, président et chef de l’exploitation de la Station Mont-Tremblant, pour la rapidité avec laquelle il a réagi avec son équipe.

« De mon côté, ça me fait rêver, a souligné Guay en visioconférence. On a déjà des champions et des championnes de la région, mais de pouvoir voir Valérie Grenier compétitionner à la maison dès l’année prochaine, je trouve ça excitant. J’ai hâte de voir comment ça va alimenter nos athlètes. »

Grenier, qui a aussi appris à skier à Mont-Tremblant, était évidemment emballée à l’idée de pouvoir s’exécuter devant les siens à l’occasion de deux slaloms géants, sa spécialité. Incrédule en entendant les premières rumeurs, elle a « capoté » quand Brisson lui a confirmé la nouvelle il y a quelques jours.

« J’en reviens pas encore ! », s’est réjouie la Franco-Ontarienne, jointe au téléphone en Italie, où elle se prépare pour la première Coupe du monde de la saison, à Sölden, en Autriche, samedi.

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Valérie Grenier

« Je me sens tellement chanceuse. Ça arrive à un moment parfait. Les choses vont très bien en ce moment en slalom géant. Là, on va en avoir deux à Tremblant. Le fait que c’est comme ma montagne à moi, ça me fait vraiment chaud au cœur. J’ai toujours un peu rêvé de ça en voyant les Européennes avoir des courses à la maison. Ça avait l’air tellement malade ! Je suis extrêmement contente de savoir que j’aurai la chance de vivre ça. »

De longue haleine

Brisson a travaillé sur ce projet pendant 18 mois. « On organise cela pour faire grandir le sport et notre base de partisans », a indiqué la PDG avant d’ajouter : « On a une fantastique équipe technique féminine. Nous sommes donc très heureux d’accueillir des épreuves techniques dans l’Est à Tremblant. La région a de nombreux partisans ainsi que des bénévoles engagés et une communauté de passionnés de ski de compétition. C’était très important pour nous. »

La présentation de deux slaloms géants les 2 et 3 décembre s’inscrira logiquement dans le calendrier de la Coupe du monde, une semaine après le slalom géant et le slalom programmés à Killington. La station vermontoise accueille une manche depuis 2016, ce qui représentait un retour du circuit dans le nord-est de l’Amérique du Nord après une absence de 23 ans.

« Il y a beaucoup plus de skieurs dans l’Est que dans l’Ouest », a noté Guay pour appuyer l’intérêt d’ACA d’organiser une activité majeure dans cette portion du pays.

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Erik Guay

Si tout se déroule comme prévu, la Coupe du monde de Mont-Tremblant sera donc la première présentée au Québec depuis celle de Stoneham en décembre 1993. La dernière épreuve féminine a eu lieu à Bromont en mars 1986, un slalom géant remporté par la Slovène Mateja Svet au lendemain d’un slalom masculin.

Mont-Tremblant a été le théâtre d’une seule Coupe du monde de ski alpin, en mars 1983. La Canadienne Laurie Graham avait alors signé la première victoire de sa carrière en descente.

Erik Guay pense que l’évènement pourra « faire rêver les jeunes ». « Un jeune qui vient de Saint-Sauveur, la Coupe du monde, c’est loin. Ça se passe à Lake Louise, mais surtout en Europe. Ils suivent Mikaela Shiffrin et les autres, mais c’est comme des gens qui font leur sport ailleurs. En l’amenant dans les Laurentides, les jeunes pourront aller voir des championnes comme Valérie Grenier, Shiffrin, Petra Vlhová, et faire de la compétition sur la même piste. Le rêve paraîtra moins loin. »

Les géants se tiendront sur la piste Flying Mile avec une arrivée en plein cœur du village piétonnier. La configuration de la pente ne permettait pas l’organisation d’une épreuve de slalom sans engendrer des coûts importants pour le déplacement de l’aire d’arrivée, a fait savoir Malo, de la Station Mont-Tremblant.

La station a déjà entrepris des travaux d’élargissement pour satisfaire aux normes de sécurité de la FIS. Le système d’enneigement, dont la capacité a récemment doublé, sera également refait de bas en haut sur la Flying Mile, ce qui limitera les risques imputables à la météo incertaine à cette période de l’année.

« On parle probablement d’un investissement sous le demi-million de dollars pour être capable d’arriver à répondre à ces standards [de la FIS] », a précisé le président Patrice Malo.

L’expansion de la piste servira aussi au club de compétition local, qui pourra tenir des entraînements beaucoup plus aisément. « On pourra installer deux géants de largeur sans mettre de clôtures et facilement quatre parcours de slalom », a évalué Erik Guay, qui agit maintenant comme entraîneur.

Canada Alpin et Tremblant pourront mesurer le chemin parcouru dans le cadre d’une compétition test masculine du circuit de développement Nor-Am, du 27 février au 2 mars.

« J’ai hâte à ma prochaine visite des lieux pour constater l’avancement des travaux et les préparatifs en vue de l’épreuve test », a fait savoir Peter Gerdol, directeur des courses de la Coupe du monde féminine de la FIS, dans un communiqué.

Quid pour Lake Louise ?

L’annonce d’une Coupe du monde à Mont-Tremblant au début de décembre 2023 a mis en lumière la fragilité de la Coupe du monde de vitesse disputée à Lake Louise depuis 1989 dans la même portion du calendrier.

« Ce n’est pas encore déterminé à quoi ressemblera le calendrier de la vitesse féminine en Amérique du Nord de la part de la FIS », a indiqué Therese Brisson. La station albertaine est la seule en Amérique du Nord à accueillir des épreuves féminines de vitesse (descente et super-G).

« Il y a beaucoup d’éléments à tenir en compte, mais nous sommes absolument engagés à trouver une solution dans l’Ouest et on verra si la vitesse féminine en fera partie », a ajouté la PDG de Canada Alpin (ACA).

Le prix très élevé de l’enneigement et de l’entretien mécanique représente un frein pour la fédération, a souligné Erik Guay. « C’est une piste de 5 km de long, a rappelé l’ex-skieur. Imagine l’enneigement, les bénévoles, les clôtures, la machinerie pour préparer la piste que ça demande. Ça coûte énormément cher. Au Mont-Tremblant, on va préparer une piste de 300 mètres. Ça représente une fraction des coûts. »

Avec la disparition de Winterstart Events, qui organisait les courses de Lake Louise depuis une décennie, ACA a été forcé de prendre le relais. Sa priorité est d’assurer la tenue à long terme d’épreuves de vitesse masculines dans l’Ouest. « Plusieurs stations ont levé la main, incluant Lake Louise », a assuré Brisson. Cette année, la Coupe du monde de Lake Louise aura lieu comme prévu pour les hommes et les femmes. La saison de vitesse doit toutefois être lancée à Zermatt (départ en Suisse) et Cervinia (arrivée en Italie) si l’enneigement le permet. Les courses masculines sont programmées les 29 et 30 octobre tandis que les épreuves féminines doivent se dérouler une semaine plus tard.