La patineuse de vitesse sur courte piste néerlandaise Suzanne Schulting est l’une des athlètes les plus dominantes de la planète. Elle amorce la défense de son titre à Montréal ce week-end dans l’espoir de mettre fin à son sevrage. Sa carrière, elle veut la vivre médaille au cou.

Schulting a terminé au sommet du classement mondial de patinage de vitesse sur courte piste chaque saison depuis 2019. Elle est intouchable.

La saison 2022-2023 sera une occasion supplémentaire de le prouver. Chaque saison, la pression s’accentue. Plus le temps passe, plus elle a de titres à défendre.

Toute la semaine, la préparation en vue du premier rendez-vous de la campagne s’est déroulée sans accroc. Lorsqu’elles n’étaient pas sur la patinoire de l’aréna Maurice-Richard, ses coéquipières et elle ont exploré la métropole québécoise à vélo, dans différents parcs, ou à pied, lors de sorties au centre-ville.

« Il fait tellement chaud ! D’habitude, il fait froid quand on vient ici », évoque-t-elle en riant dans l’un des vestiaires de l’aréna, en bordure de la surface glacée.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE SUZANNE SCHULTING

Suzanne Schulting dans un parc montréalais

Tout juste après l’entraînement sur patins de l’équipe néerlandaise, elle s’est présentée avec un survêtement aux couleurs de son équipe, gourde jaune à la main.

Athlète élancée qui paraît plus grande que sa fiche ne l’indique, Schulting maintient une condition physique exceptionnelle. À tout juste 25 ans, elle est probablement dans la meilleure forme de sa vie.

Si elle est armée d’une confiance inébranlable, il s’est écoulé beaucoup de temps depuis la dernière fois qu’elle a pris part à une compétition, au printemps dernier. La première journée de la Coupe du monde sera l’occasion pour elle de se comparer de nouveau aux autres patineuses.

L’art de dominer

La plupart du temps, la Néerlandaise écrit l’histoire entre le moment où elle attache ses patins et celui où elle les délace. Depuis le début de sa prolifique carrière, elle compte six médailles olympiques, dont trois en or. Aux plus récents Jeux, à Pékin, elle a éclipsé quatre records olympiques et un record du monde.

En championnats du monde, elle a gagné sept fois l’or. En 2021, chez elle aux Pays-Bas, elle a raflé toutes les médailles d’or qui étaient à l’enjeu.

« L’or me motive à me lever et à m’entraîner, parce que gagner est le meilleur sentiment au monde », souligne-t-elle en jouant avec les bagues en or qui décorent ses doigts.

L’année dernière sur le circuit de la Coupe du monde, elle a été exclue du podium seulement deux fois, mais elle a embrassé sa médaille sur la plus haute marche du podium à sept occasions.

Pour elle, « gagner est une drogue », mais le succès n’arrive pas par hasard. Il est le résultat d’un heureux mélange de discipline et d’émerveillement.

Dans ma tête, je suis encore la jeune de 20 ans qui patine en Coupe du monde pour la première fois.

Suzanne Schulting

Elle a consacré sa vie au patinage de vitesse, à l’excellence. Son quotidien se résume à s’entraîner, bien manger et bien dormir. « J’aime ce mode de vie », tient-elle à préciser.

Il y a aussi cette quête de dépassement, au cœur de la démarche des plus grands athlètes. Même si Schulting peut parfois être sévère envers elle-même, elle est aussi capable de reconnaître ses bons coups. Comme le fait d’avoir déjà vécu la course parfaite, celle que certains pourchasseront en vain leur carrière entière.

Selon elle, cette course parfaite a eu lieu aux Jeux olympiques de Pékin, lors des quarts de finale du 1000 m. C’est à cette occasion qu’elle a battu le record du monde en parcourant les neuf tours en 1 min 26 s 514.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Suzanne Schulting aux Jeux olympiques de Pékin

« Ça arrive de faire la course parfaite, mais ça n’arrive pas souvent… Je peux même dire qu’en finale du 1000 m, même si j’ai gagné l’or, je n’ai pas fait une course parfaite. »

Schulting a de grandes qualités, mais deux facteurs font d’elle la meilleure patineuse au monde. D’abord, sa capacité à générer énormément de vitesse en quelques poussées. Puis, sa manière de défendre une avance. Elle ne laisse aucun espace à ses rivales, tout en maintenant une cadence de TGV.

« Je suis dans mon état naturel lorsque je suis en tête », lance-t-elle lorsqu’il est question de la gestion de course.

Le temps passe rapidement entre le coup de départ et la ligne d’arrivée. Malgré le bruit des lames qui mordent dans la glace, la respiration de ses rivales et leurs mains qui touchent parfois son dos pour éviter les chutes, elle explique que les patineuses n’ont pas vraiment le temps de réaliser ce qu’il se passe autour d’elles. Il faut faire confiance à son instinct et surtout à sa préparation.

Ce qui est le plus difficile à gérer pour Schulting est davantage ce qui gravite autour de la compétition que la compétition elle-même. Lucide, elle admet qu’il est parfois ardu d’être la patineuse la plus rapide au monde.

« Le plus dur, c’est de garder sa concentration toute l’année. Avec le stress et la pression qui vient de toute part, ajoutés à la pression que je me mets moi-même sur les épaules, c’est plus difficile à assimiler que de mener une course. La préparation est plus exigeante que l’exécution. »

Néanmoins, la pression qu’elle s’inflige est nécessaire, car sans ce désir de faire toujours mieux, elle pense qu’il serait impossible de gagner autant de médailles. Schulting carbure davantage au sentiment d’avoir gagné que de patiner pour gagner : « C’est la sensation que je recherche. Chaque course, je veux gagner pour ça. »

S’ennuyer pour mieux revenir

L’an dernier, elle a dû faire une croix sur les Mondiaux de fin de saison, à Montréal, puisqu’elle avait contracté la COVID-19 quelques jours avant la compétition. « J’étais vraiment triste de ne pas pouvoir participer. » La Néerlandaise connaissait la meilleure saison de sa carrière et elle avait l’ambition de défendre ses cinq titres.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE SUZANNE SCHULTING

Suzanne Schulting

« Ç’a été difficile mentalement, parce que je voulais ramener l’or à la maison à tout prix. C’est la chose la plus importante pour moi. »

« J’aime vraiment ce sport. J’aime cette vie. Et là on m’enlevait ça. C’était vraiment frustrant. Mais ça m’a permis de réfléchir et de m’en ennuyer », dit-elle en tapant délicatement sur la table, prise par la passion qui l’habite.

« Je suis en manque de compétition actuellement. »

À 25 ans, Schulting arrive dans ce qui pourrait être l’apogée de sa carrière. Elle est dans une phase où tous les éléments sont réunis pour qu’elle brille encore plus qu’auparavant. « Ils disent que lorsqu’on arrive à 26 ans, on est au sommet de notre art. Je me sens très bien. »

Avec presque 1 million d’abonnés sur Instagram, Suzanne Schulting soulève les passions et inspire des gens aux quatre coins du monde à s’intéresser au patinage de vitesse.

La patineuse qui a grandi « au milieu de nulle part » dans le nord des Pays-Bas a maintenant le potentiel de devenir non seulement l’une des plus grandes athlètes de l’histoire du patinage de vitesse, mais aussi de l’histoire du sport. Reste qu’elle n’y pense pas outre mesure. Pour le moment. « Quand je vais me retirer, les gens décideront dans quelle catégorie je suis, mais pour l’instant, tout ce qui m’importe est de gagner. »