« Je sais que j’aime ce sport, mais il y a quelque chose à l’intérieur de moi qui est un peu brisé. »

C’est ce qu’écrivait Florence Brunelle dans une publication Instagram en janvier dernier. Dix mois plus tard, la patineuse de vitesse sur courte piste va « réellement bien ». « Réellement », oui, parce qu’elle a souvent fait semblant au cours des dernières années.

« Quand on me demandait comment ça allait, je disais que ça allait bien alors que ça n’allait pas si bien que ça », a raconté la Trifluvienne, mardi matin, après la conférence de presse de l’équipe canadienne en vue des deux Coupes du monde de Montréal.

Brunelle le dit elle-même : depuis son jeune âge, elle performe dans son sport. Rarement a-t-elle vécu l’échec. Elle n’avait d’ailleurs que 16 ans lorsqu’elle a fait son entrée dans l’équipe nationale senior. « J’étais encore une enfant », note-t-elle.

Déjà, elle était considérée comme une des prochaines vedettes canadiennes du sport. En 2021, elle a fait sa place dans l’équipe pour les Jeux olympiques de Pékin. Là-bas, la jeune athlète n’a pas mal fait, mais elle n’a pas eu les résultats attendus. Elle a notamment chuté en finale du relais mixte, privant l’équipe d’une médaille de bronze. « L’erreur est humaine, ce n’est rien de grave », rappelle-t-elle, mais elle n’a pas livré la performance qu’elle aurait aimé.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Florence Brunelle est de retour en pleine forme.

Dans l’année qui a suivi, donc, elle a ressenti le besoin de prendre un pas de recul. Tout d’un coup, elle se sentait dépassée par les évènements, par tout ce qu’elle avait vécu dans les deux années qui venaient de passer.

« J’avais besoin de prendre le temps de m’asseoir, de bien décortiquer ce qui s’était passé, de comprendre en profondeur, pour après ça avancer. Me reconstruire un peu, aussi. Grandir en tant que personne. »

Au même moment, elle a vécu ce qu’elle qualifie de « petite crise d’adolescence ». « Je me suis remise un peu en question. C’est quelque chose de super normal, c’est juste que là, le moment où tout ça est arrivé, ça faisait beaucoup. »

Comme bien des adolescents ou jeunes adultes, Brunelle devait comprendre qui elle est et qui elle « envisage de devenir un jour ». Elle a consulté un psychologue. Elle s’est demandé si elle voulait réellement être une patineuse de vitesse. « La question, je pense, est légitime. Mais là, j’ai une bonne réponse : j’adore ça, patiner, et j’ai hâte de voir à quoi vont ressembler les prochaines années. »

Échec et réussite

Florence Brunelle est donc de retour en pleine forme. Elle rayonnait, mardi matin, à l’aréna Maurice-Richard.

« Là, ça va réellement bien ! a-t-elle lâché dans un sourire. Je suis vraiment dans un bon état d’esprit. Je suis heureuse. J’aime ce que je fais. »

L’époque où elle disait faussement que « tout était beau » et qu’elle « comprenait tout » est révolue.

« Concrètement, tu ne connais pas tout. Tu ne connais absolument rien. C’est vraiment normal de passer à travers plein d’émotions. Mais j’étais jeune. Je voulais juste sentir que je contrôlais quelque chose alors que je ne contrôlais pas nécessairement tout. Je pense que ça m’effrayait. »

Maintenant, je me sens vraiment plus prête à m’affirmer, à dire ce que je pense réellement et à rester intègre envers moi-même.

Florence Brunelle

Elle a aussi développé une relation « plus saine et belle » avec la réussite et l’échec. Comme elle n’a participé qu’à une compétition l’année dernière, elle n’a pas fait sa place dans l’équipe nationale, mais elle fait partie de l’équipe NextGen. Elle a néanmoins obtenu sa place dans l’équipe qui prend part aux quatre premières Coupes du monde de la saison, dont les deux premières à Montréal.

« Je pense que la relation que j’ai avec moi-même, peu importe dans la réussite ou l’échec, s’est vraiment améliorée. Il n’y a rien qui m’effraie par rapport aux résultats, j’ai plus hâte de voir ce que je suis capable de faire.

« J’ai cette nouvelle phrase que je me dis souvent quand j’embarque : “Va juste faire ce que tu sais que tu es capable de faire.” Je sais que, comme ça, je ne serai pas déçue de ce qui peut se passer. »

L’entraîneur de l’équipe canadienne, Sébastien Cros, prône la patience avec la jeune femme, qui n’a encore que 19 ans.

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Sébastien Cros

« Il faut [qu’elle retrouve] ce niveau de compétition, note-t-il. […] C’est de continuer à accompagner, à être patient, et ne pas forcer les choses. Le talent est là, la forme est là, ça va arriver. »

Toujours est-il que la situation vécue par Brunelle rappelle qu’un jeune athlète est, justement, jeune avant d’être athlète.

« Je recommanderais à n’importe quel jeune athlète de créer cette très bonne relation avec le fait de se sentir un peu perdu et pas nécessairement en contrôle, dit Brunelle. Ça ne veut pas dire que tout est en train de dérailler : c’est juste normal, parce qu’on expérimente tout pour la première fois. »

Qui est Florence Brunelle ?

  • 19 ans
  • Originaire de Trois-Rivières
  • En 2021, elle est devenue la plus jeune Canadienne de l’histoire à prendre part aux Jeux olympiques en patinage de vitesse sur courte piste.
  • Elle a remporté trois médailles d’or aux Championnats du monde junior de l’ISU en 2022.