(Mont-Tremblant) Personne n’était dupe dans le monde du ski alpin : Valérie Grenier a toujours eu le potentiel nécessaire pour accomplir de grandes choses. Et elle l’a prouvé la saison dernière.

« Ils ont réalisé que je commençais à faire partie des meilleures », a-t-elle souligné à l’occasion d’une collecte de fonds organisée pour payer les frais d’équipe de la saison à venir. L’évènement, sous forme d’encan silencieux, a eu lieu il y a deux semaines au chalet des voyageurs de Mont-Tremblant.

L’athlète de 26 ans avait troqué bottes et manteau contre des souliers à talons hauts et une robe de soirée.

L’équipe canadienne était revenue d’un camp d’entraînement au Chili en pleine nuit. Et quelques heures plus tard, la skieuse repartait en Europe pour préparer la nouvelle saison.

La Franco-Ontarienne abordera d’ailleurs cette nouvelle campagne avec une confiance renouvelée. Si on savait qu’elle bénéficiait des outils pour un jour espérer monter sur un podium en Coupe du monde, elle l’a prouvé l’an passé en y grimpant deux fois. Dont une fois sur la plus haute marche, au géant de Kranjska Gora, en Slovénie. Une première pour une skieuse canadienne depuis 1974, faut-il le rappeler.

« Je me sens plus confiante que jamais, mais en même temps, je sens un petit peu plus de pression. Je ne la ressens pas nécessairement, mais je sais que c’est là. Je sais que je suis capable de bien faire et j’ai envie de continuer à bien faire, d’avoir d’autres podiums », explique-t-elle, assise à une table située du fond de la salle de réception.

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Valérie Grenier a remporté le slalom géant de la Coupe du monde de Kranjska Gora, le 7 janvier dernier.

Plus de constance

N’eût été un léger manque d’opportunisme, Grenier aurait pu ajouter au moins trois médailles à sa collection l’hiver dernier, affichant une cinquième place et deux sixièmes places.

Même si ça peut paraître cliché, elle devra skier avec plus de constance si elle espère de nouveau boire du champagne ou s’asseoir dans la grosse chaise de la meneuse le plus souvent possible.

J’en suis au point où ma technique va quand même assez bien, mais je veux être à mon maximum à chaque descente.

Valérie Grenier

Dans le passé, Grenier a souvent joué de malchance, comme si elle était poursuivie par un mauvais karma. La Canadienne est souvent irréprochable en première descente. Et même si elle est bien positionnée pour la seconde, un pépin d’équipement, un enfourchement ou un manque de concentration sont souvent venus saboter son travail amorcé en première moitié de journée.

Mais elle a su minimiser les faux pas, l’année dernière, même si elle a été incapable de terminer trois de ses cinq premières courses.

Elle a néanmoins trouvé le moyen de s’ajuster en cours de saison. Et c’est ce qui caractérise les grandes championnes.

« La grosse différence, c’est que je fais moins d’erreurs, explique-t-elle sur sa tendance à bousiller ses fins de course. Maintenant, je suis constante, je sais que je le répète souvent, mais c’est ça. Je sais que je peux me faire confiance. »

Elle amorcera la saison 2024 plus forte physiquement, plus stable et en santé, assure-t-elle. « Je pense que c’est un mélange de tout ça qui fait que je suis capable d’être solide sur mes skis. »

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Valérie Grenier à Mont-Tremblant

Direction Tremblant

Quiconque a suivi de près ou de loin le parcours de Grenier sait combien ses possibilités sont presque infinies. Malgré de sérieuses blessures à une jambe qui l’ont ralentie par le passé, entre autres, la skieuse a toujours conservé un appétit immense pour la compétition et le goût de triompher.

En finissant au septième rang du classement de la Fédération internationale de ski et de snowboard (FIS) en slalom géant, Grenier s’est non seulement frayé un chemin dans l’élite de son sport, mais elle a aussi gagné le respect de ses pairs. « Je l’ai senti et je l’ai remarqué d’une belle façon. Les filles du top 7 étaient toujours contentes pour moi quand j’avais de bons résultats », estime-t-elle.

Ce succès aura certainement des effets sur la vente de billets de la Coupe du monde de Tremblant, les 2 et 3 décembre.

Pour une très rare fois, les meilleures skieuses au monde seront de passage au Québec.

« Pour vrai, je capote ! On dirait que je n’en reviens pas encore, mais j’ai extrêmement hâte ! », lance Grenier, enjouée.

Même si elle a grandi à Saint-Isidore, en Ontario, elle skie sur la montagne laurentienne depuis belle lurette. Elle n’est pas native de Tremblant, mais l’endroit est devenu sa deuxième maison. Comme Félix et son île.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Entraînement de l’équipe canadienne féminine de ski alpin sur la piste de Mont-Tremblant en avril dernier

Elle ne s’en cache pas : « Il y aura un petit stress, parce que c’est à la maison, mais c’est la course cette saison où j’aimerais le mieux faire. »

La Place St-Bernard sera bondée et tout le monde n’en aura que pour elle. Comme Mikaela Shiffrin à Killington ou Sofia Goggia à Cortina.

Elle préfère toutefois parler de privilège plutôt que de pression : « Je suis consciente que ce sera un peu plus stressant, mais je vais essayer de l’utiliser à mon avantage. »

Grenier a d’ailleurs passé tout l’été à Tremblant. Une routine inhabituelle. Elle a l’habitude de voir la montagne recouverte de neige, mais l’apercevoir dans son duvet verdoyant a eu son effet.

Le simple fait de décrocher, en faisant du ski nautique, du vélo de route et du vélo de montagne, lui a permis de se ressourcer. « J’aime passer du temps loin de mes skis et faire autre chose. Pratiquer tous les autres sports sauf le ski, au fond ! »

Sur le circuit de la Coupe du monde, les saisons sont longues et parfois étouffantes. Pour Grenier et ses coéquipières, une nouvelle campagne s’amorcera ce week-end. Au moins, quand elle y plongera, elle pourra prétendre à gagner à chaque course. Parce qu’elle l’a déjà fait. Et parce qu’elle a le talent et la hargne pour le faire à nouveau.

Qui est Valérie Grenier ?

  • Née le 30 octobre 1996 à Ottawa, mais a grandi à Saint-Isidore, dans l’Est ontarien.
  • Skie sur les pistes du Mont-Tremblant depuis l’âge de 7 ans.
  • A participé aux Jeux olympiques de PyeongChang en 2018 et de Pékin en 2022.
  • A remporté ses deux premières médailles en Coupe du monde en 2023, dont l’or au slalom géant de Kranjska Gora, en Slovénie.
  • Première Canadienne à gagner une course en slalom géant en Coupe du monde depuis Kathy Kreiner en 1974