(Mont-Tremblant) Subir ou ne pas subir l’opération ? Là est la question.

Au début du mois de janvier, quelque part sur une pente européenne, Sarah Bennett serpentait à vive allure entre les portes à l’occasion d’une descente en slalom.

Et comme ces athlètes filent à une vitesse trop éloignée de la raison pour permettre aux skieurs du dimanche de même imaginer les risques encourus, le moindre contact, ou la moindre déviation, peut être fatal.

Et en passant trop près d’une tige, son épaule a encaissé toute la force de l’impact.

La skieuse de 22 ans, en plein cœur de sa première saison au sein de l’équipe nationale, venait de subir une déchirure de l’articulation de l’épaule (acromio-claviculaire).

« J’ai mis ma main et au début, je pensais que c’était une dislocation de la clavicule », raconte Bennett, dans le chalet des voyageurs de Mont-Tremblant.

« J’ai dit à tout le monde : ‟Remettez-moi-la, ça fait mal !” Parce que j’avais la clavicule sortie. Et là, ils me disaient : ‟Non, on ne peut pas”. »

Les options étaient donc limitées pour l’athlète de Stoneham. « Soit me faire opérer et mettre fin à ma saison ou ne pas me faire opérer et avoir des risques de complications, mais de pouvoir skier la semaine d’après. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Sarah Bennett lors d’un entraînement sur la piste de Mont-Tremblant en avril dernier

Complètement déboussolée, elle a sondé à peu près tous les noms de son carnet d’adresses. Famille, amis, coéquipiers, médecins. Et aucun des deux choix n’a fait l’unanimité. Jusqu’à ce que sa coéquipière Kiki Alexander la raisonne.

« [Elle] s’était blessée quatre jours avant moi. Je lui ai demandé ce qu’elle ferait. Et elle m’a dit de penser au long terme et qu’à ma place, elle ferait l’opération », se souvient Bennett.

En route pour une consultation médicale vers Ottawa, assise à côté de son père dans la voiture, la skieuse s’était finalement décidée : « On a conduit une heure et j’ai regardé mon père. Je lui ai dit que je pensais qu’on devrait faire l’opération. On a viré de bord et deux jours plus tard, je me suis fait opérer. »

Prise deux

Pour Bennett, la saison à venir est donc « un nouveau commencement ». L’année dernière, comme recrue, elle a pris part à seulement trois Coupes du monde et jamais elle n’a survécu au couperet de la première manche.

« On dirait presque que j’avais besoin de cette blessure-là pour me réveiller de la chance que j’avais. Avant ma blessure, je n’avais aucun résultat auquel m’accrocher. Donc j’étais juste dans le néant. »

La géantiste est le plus beau projet du ski alpin québécois depuis qu’elle est en âge de compétitionner et elle compte bien répondre positivement à ces attentes plus tôt que tard.

Pour y parvenir, elle compte s’appuyer davantage sur son indépendance. Si tout était nouveau l’an passé, elle est dorénavant en mesure de savoir ce qui lui convient.

« C’est de rester dans mon indépendance et dépendamment de qui m’entoure, de rester vraie et fidèle avec moi-même et à ce dont j’ai besoin. De faire confiance au processus, même quand ça va mal. C’est plus d’indépendance que l’année dernière, où j’ai vraiment été plus dépendante envers mes coachs que moi-même. »

Par exemple, comme elle s’est bien remise de son opération, elle a décidé par elle-même, et grâce à des commanditaires, de partir en Californie pendant la saison morte pour retrouver la neige le plus tôt possible dans son processus de réadaptation.

« Sinon, il y aurait eu un trop grand écart avec les filles en arrivant au camp de l’équipe au Chili, pense-t-elle. C’était pour la recherche d’indépendance. La seule personne qui a le contrôle, c’est moi-même. »

Maîtriser son environnement

Bennett aura aussi le luxe de pouvoir évoluer dans un environnement plus convenable pour elle. Depuis quelques mois, elle s’entraîne hors piste avec Charles Castonguay, le même entraîneur que Laurence St-Germain.

« Il m’a vraiment aidée. Sur le plan physique, il y a beaucoup de choses qui ont changé et dès que je suis retournée sur neige, je l’ai senti. »

Puis sur la neige, justement, la promotion de Francis Royal, l’ancien entraîneur de l’Équipe Québec, comme responsable de l’équipe féminine canadienne de slalom est une bénédiction pour Bennett. Elle a côtoyé Royal pendant quatre ans sur la scène provinciale et les deux se comprennent presque sans avoir besoin de se parler.

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Francis Royal (à gauche), nouveau responsable de l’équipe féminine canadienne de slalom

La Québécoise excelle dans plusieurs, voire toutes les disciplines. Son souhait est toutefois de progresser dans les épreuves techniques, et Francis Royal le sait. Elle entamera la saison en slalom géant, mais « on me donne l’opportunité de m’entraîner beaucoup plus en slalom. Et avec Francis, il sait que c’est super important pour moi de continuer à faire du slalom ».

Inspirée par Petra Vlhová et Laurence St-Germain, Bennett a réellement les aptitudes pour espérer connaître du succès en slalom, comme dans toutes les catégories où elle est passée auparavant.

Avec la saison historique de la formation canadienne l’année dernière, les « standards d’équipe sont extrêmement élevés », précise-t-elle.

Et même si elle est complètement remise de sa blessure, pour quelqu’un ayant été mis sur la touche pendant une période considérable, « ce n’est pas idéal ».

Mais au fond, qu’est-ce que l’idéal ?

Selon l’écrivain Bernard Werber, c’est un mélange de trois éléments : le travail, la chance et le talent. Bennett raffole du premier et déborde du dernier. Ne manque plus que la chance.

Et elle compte saisir la sienne le plus rapidement possible.

Qui est Sarah Bennett ?

  • Née le 17 juin 2001 et a grandi en skiant sur les pistes du club de Stoneham.
  • A fait ses débuts en Coupe du monde à Lake Louise, en décembre 2021.
  • S’est jointe à l’équipe nationale en 2022.
  • Étudie à l’Université Concordia en communications.
  • Son modèle est la Slovaque Petra Vlhová.