(Mont-Tremblant) 20 000 $. C’est la somme à débourser pour les athlètes de l’équipe nationale de ski alpin pour pouvoir vivre leur passion. Un paradoxe particulier, puisqu’ils doivent en fait payer pour pouvoir travailler.

Laurence St-Germain, Sarah Bennett, Simon Fournier et Valérie Grenier ont organisé au début du mois d’octobre une collecte de fonds sous forme d’encan silencieux pour être en mesure de skier tout l’hiver.

Au deuxième étage du chalet des voyageurs de la place St-Bernard, au pied du Mont-Tremblant, de l’équipement, des souvenirs et des pièces de collection étaient aux enchères.

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Valérie Grenier sur une piste de Tremblant, en avril dernier

Dans le monde du ski alpin québécois, les quatre athlètes sont de véritables vedettes. Laurence St-Germain porte le titre de championne du monde en titre et Valérie Grenier est devenue la première géantiste canadienne à remporter une coupe du monde depuis 1974.

Même si la saison 2023 a sans doute été la plus prolifique de l’histoire du ski canadien, rien n’a changé pour les athlètes.

Même s’ils ont dignement représenté la feuille d’érable partout sur la planète, ils doivent encore fouiller dans leurs poches pour représenter le drapeau sur les plus belles pistes du monde.

Un stress dont les meilleurs athlètes aimeraient bien pouvoir se débarrasser en début de saison. En plus de leur préparation physique et mentale, ils devaient s’occuper des préparatifs tôt le matin ou tard le soir. Difficile d’imaginer des athlètes professionnels s’investir autant pour amasser une somme d’argent aussi peu considérable pour plusieurs d’entre eux.

« Ça a été un gros stress, surtout en revenant du Chili, explique Grenier au sujet de l’organisation de la soirée. Tout le long qu’on était [en camp d’entraînement] au Chili, c’était pas mal occupé. On faisait du ski le matin, nos après-midis étaient occupés et après on envoyait des courriels. »

Heureusement, la mère de Simon Fournier était là pour assurer l’organisation de la soirée. Laurence St-Germain l’a même qualifiée de « MVP ».

« Une chance qu’on avait la mère de Simon. Sans elle, ce ne serait pas arrivé », a également tenu à préciser Grenier.

Pour plus de visibilité

D’ailleurs, Simon Fournier parle de « fardeau financier » lorsqu’il est question de la nécessité d’organiser ce genre de soirée.

Mais si les meilleurs skieurs au Canada doivent se fendre en quatre pour simplement pratiquer leur sport au plus haut niveau, c’est certainement parce qu’il y a un os quelque part dans la manière dont les athlètes d’ici sont financés, soutenus et suivis.

Ces skieurs ont choisi cette vie par passion et ambition. Mais aujourd’hui, ils doivent faire face annuellement à la difficulté d’être un athlète amateur au Canada.

Cette manière de toujours réussir à survivre en sortant la tête de l’eau en dit long sur la motivation des athlètes, croit Fournier : « Ça dit qu’on est très résilients. […] Après, tu vois des athlètes comme Laurence, comme Valérie, qui sont championnes du monde ou qui ont gagné des coupes du monde et tu te dis qu’elles ne devraient pas vraiment payer pour pratiquer leur sport. Mais c’est dur à dire, ça reste une structure de sport amateur et changer ça, ça peut être extrêmement compliqué. »

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Laurence St-Germain signe un autographe à Brossard, en avril dernier.

Selon St-Germain et lui, la complexité de trouver du financement s’explique notamment par le manque de diffusion et de visibilité. La majorité de leurs courses ont lieu en Europe et la diffusion de leurs descentes est soit impossible, soit trop coûteuse pour les médias nationaux ; parfois, elles sont simplement présentées à des heures impossibles pour le public canadien.

« C’est vraiment dur d’avoir des commanditaires […] et c’est dur de trouver un attrait pour notre sport », explique St-Germain.

Mais les skieurs québécois ont dû mal à se plaindre, car la couverture de leurs coéquipiers anglophones est encore plus dérisoire. « Au Québec, on est vraiment mieux que le reste du Canada. La couverture des autres provinces, ce n’est rien comparé au Québec. C’est étonnant comment, au Québec, on a un meilleur soutien et une meilleure visibilité, mais ça ne reste que le ski alpin », soutient St-Germain.

Communauté

Il n’existe toutefois rien de mieux qu’un peu d’ombre pour apercevoir la lumière. Et malgré tous les défis auxquels doivent faire face les athlètes, cette situation périlleuse fait ressortir le plus beau de la communauté du ski alpin québécois.

Comme dans un village, chacun réussit à émerger grâce à l’appui de son voisin.

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Sarah Bennett

Le genre d’évènement tenu à Tremblant est « important pour la communauté québécoise de ski. Pour voir que l’organisation fonctionne bien. Des clubs de ski à l’équipe du Québec, à ensuite l’équipe canadienne. C’est inspirant pour la province, qui est une grosse province impliquée dans le ski alpin », pense Sarah Bennett.

Fournier, de son côté, évoque « la force de la communauté ».

« Je pense que les fédérations font au mieux qu’elles peuvent pour essayer de trouver différentes structures qui font fonctionner les choses », lance-t-il.

Mais l’implication de la communauté demeure le meilleur moyen de survivre saison après saison : « C’est une communauté qui se tient très serrée au Québec. On veut essayer de prendre avantage de ça, mais aussi redonner. »

Pendant que les athlètes serraient des mains, les convives essayaient les casques et les bâtons utilisés par leurs idoles en compétition. Un beau moment de réunion et de communion, parce que même si ce ne sont pas ces donateurs qui dévaleront les pentes, il y aura un peu d’eux dans le succès du ski alpin québécois dans les mois à venir.