(Mont-Tremblant) Comme celui du roi d’Angleterre, le royaume de Mikaela Shiffrin s’étend sur presque tous les fuseaux horaires.

Partout où elle est passée, l’Américaine a dominé et vaincu. La skieuse la plus victorieuse de l’histoire est de passage pour la première fois de sa vie au mont Tremblant ce week-end et elle a bien l’intention d’étendre son règne. De conquérir un nouvel endroit.

L’année dernière, Shiffrin est devenue l’athlète la plus prolifique de la riche histoire du ski alpin en battant le record absolu de 86 victoires d’Ingemar Stenmark, établi plus de trois décennies plus tôt.

La skieuse de 28 ans a maintenant 90 victoires et elle est présentement au premier rang du classement général de la saison, avec deux victoires en cinq courses.

Shiffrin a tout gagné. Elle détient ce record, mais aussi deux triomphes olympiques, sept titres de championne du monde et cinq globes de cristal. Elle n’a pas d’égal sur le circuit de la Coupe du monde.

Mais pour la principale intéressée, il y a toujours place pour le progrès, même après avoir atteint le plus haut des sommets. Tout est une question de progression.

D’abord, elle définit le succès comme n’étant « pas vraiment dans les récompenses que tu gagnes ou les éloges que tu reçois, mais plutôt dans la progression, quand tu améliores ton potentiel », a-t-elle expliqué en répondant à une question de La Presse, vendredi après-midi, lors d’un court point de presse à Mont-Tremblant.

Ensuite, au-delà des médailles et des éloges reçus partout où elle est passée, elle doit se sentir en constante progression pour être rassasiée. Et c’est ce qui semble la maintenir toujours aussi vivante et affamée. « En commençant ma carrière, skier comme je le faisais, c’était déjà très bien, mais je sens que dans les 13 dernières années, j’ai progressé et je suis devenue une meilleure skieuse, une athlète plus forte, une femme plus forte. Pour moi, c’est beaucoup plus un signe de succès que gagner une course. »

Probablement que sa capacité d’émerveillement est aussi un gage de succès. Elle est aussi utile pour conserver la flamme. Personne ne pourrait lui reprocher d’être blasée après autant de succès. Surtout depuis que gagner est devenu presque un automatisme. Shiffrin demeure cependant en admiration devant le travail de ses rivales.

« Quand tu vois quelqu’un bien skier sur le circuit de la Coupe du monde et que tu vois des gens avec un mental solide comme Val connaître du succès de manière de plus en plus constante, surtout en connaissant leur potentiel, c’est grisant, parce que je peux m’associer et comprendre ces sentiments inoubliables, dit-elle en regardant Valérie Grenier assise à sa droite. Je suis une immense fan des bons skieurs. »

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Les skieuses Valérie Grenier et Mikaela Shiffrin lors de leur point de presse à Mont-Tremblant, vendredi

Cette affection transcende parfois même le résultat des courses. Pour Shiffrin, si ses rivales ont réussi à s’épanouir un tant soit peu, c’est l’essentiel. Elle est souvent la première à les féliciter après une course ou à les mettre en lumière dans ses publications sur Instagram une fois la poussière retombée.

Cette marque de leadership, même à l’égard de ses rivales, explique pourquoi Shiffrin est une si bonne ambassadrice pour son sport, pense Grenier : « Je ne pense pas que je peux dire que Shiffrin est une rivale, a lancé à la blague la Canadienne. C’est bien de pouvoir skier à la même époque qu’elle, car je peux m’en inspirer. Elle est si gentille avec tout le monde, elle prend toujours le temps de féliciter tout le monde. »

Une première visite

Shiffrin en sera à une première expérience à la montagne laurentienne. L’idée d’y présenter une course de la Coupe du monde pour la première fois depuis 1983 est un immense soulagement, mais surtout un fardeau de moins, croit-elle.

La semaine dernière, le Cirque blanc s’est arrêté à Killington, au Vermont, et cette proximité avec la frontière québécoise est un cadeau, selon la native du Colorado.

PHOTO ERICH SCHLEGEL, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Mikaela Shiffrin lors du slalom de Killington, la semaine dernière, lors du passage de la Coupe du monde au Vermont

C’est incroyablement important et significatif d’avoir ce bloc de courses nord-américain. Surtout coup sur coup, sur des sites aussi emblématiques. Ça permet de mettre encore plus en lumière l’histoire nord-américaine du ski.

Mikaela Shiffrin

Shiffrin a déjà fait glisser ses spatules au Québec, au mont Sainte-Anne, lorsqu’elle étudiait à la Burke Mountain Academy, au Vermont.

Jusqu’à présent, l’Américaine adore l’expérience et surtout la proximité des installations. « C’est merveilleux de skier dans des endroits où la piste et la montagne sont si près des hébergements. “Pratique” ne serait pas le bon mot, mais c’est celui que j’utiliserais. Pendant la saison, on voyage énormément, il y a beaucoup de déplacements, beaucoup de vols. C’est chouette pour nous de pouvoir sortir de l’hébergement et marcher jusqu’à la piste. »

Shiffrin, comme Grenier, a quitté la salle de réception de la place St-Bernard au bout de 17 minutes pour vaquer à ses occupations.

Les chances sont bonnes, cependant, de revoir la plus grande vedette du circuit pendant le week-end, quelque part sur le podium. En 254 courses en carrière, elle est montée sur le podium à 141 reprises, dont 39 fois en slalom géant.

Les statistiques lui sont favorables. Et les amateurs présents seront choyés.