(Mont-Tremblant) C’était dimanche après-midi, et le dernier slalom géant du week-end à la Coupe du monde de Tremblant était terminé depuis environ 40 minutes. La neige continuait de tomber sur la tuque bleue de Mikaela Shiffrin, dernière à toujours signer des autographes.

Les partisans, des enfants dans la majorité, se bousculaient sur le bord de la barrière de sécurité pour pouvoir atteindre Shiffrin. Des cris, presque des pleurs, faisaient partie de l’ambiance, au même titre que la neige et l’odeur des queues de castor.

Soudainement, et pas seulement en raison de sa tresse blonde, la skieuse pouvait presque se comparer à Taylor Swift. En se dirigeant vers la droite, Shiffrin inscrivait ses initiales sur des gants, des casques et des casquettes à l’aide d’un crayon-feutre en phase terminale.

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La grande vedette du ski alpin Mikaela Shiffrin signant des autographes pour de jeunes partisans à Mont-Tremblant

À 28 ans, Shiffrin est déjà la plus grande skieuse de l’histoire. Sur le plan statistique et aussi sur celui du rayonnement et de la notoriété.

L’Américaine a terminé deux fois sur la troisième marche du podium au cours du week-end. Mais lors de la présentation des médailles, elle était applaudie comme si elle avait enchaîné les victoires. Alors qu’en réalité, elle n’a pas offert son meilleur ski.

Reste que Shiffrin est victime de son sport. Peut-être que pour bien des gens ayant ouvert leur tablette électronique ou leur téléviseur dans les derniers jours, Shiffrin était une inconnue. Le ski alpin n’a pas ici la popularité du hockey, du tennis ou du football.

Mais dans les faits, Shiffrin est au ski alpin ce que Connor McDavid, Novak Djokovic et Patrick Mahomes sont à leur sport respectif. Ils sont non seulement des références, des idoles et des modèles, mais ils sont surtout des marqueurs de temps. Nous vivons actuellement dans la même ère que la skieuse la plus prolifique de l’histoire, et les amateurs de ski québécois ont voulu imprégner ce privilège dans leur mémoire.

C’était l’hystérie au terme de la dernière course. Shiffrin, vêtue de son long manteau bleu-gris à l’effigie de l’équipe américaine et protégée par ses lunettes de soleil Oakley, a été disponible toute la fin de semaine. Elle a même croqué dans une pâtisserie chocolatée offerte par des partisanes.

La tenante de 90 victoires en Coupe du monde a été en mesure de confirmer la réputation qui la précédait avant de débarquer dans le Nord : elle est une ambassadrice parfaite.

D’abord vendredi, elle était la seule skieuse étrangère à prendre part à la conférence de presse d’ouverture. Samedi, elle est l’athlète ayant donné le plus de temps d’entrevue aux médias de la presse écrite. Puis dimanche, lors de son entretien seul à seul avec votre représentant de La Presse, elle a répondu à chacune des questions posées malgré le froid, le vent et la foule impatiente.

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Mikaela Shiffrin à la conférence de presse d’ouverture vendredi à Mont-Tremblant

À la différence de bien des athlètes de son statut, Shiffrin se démarque par sa véritable volonté de répondre le mieux possible à des questions auxquelles elle a déjà dû répondre sans doute un millier de fois.

À la fin de chaque question, elle prend un instant pour réfléchir. Lorsque sa pensée est organisée, ses réponses sont longues, complètes et articulées. Mais surtout, elle parle en regardant la personne avec qui elle échange directement dans les yeux. Comme si, à cet instant précis, cette personne était la plus importante de la galaxie.

Il faut côtoyer ces athlètes de près pour comprendre leur magnétisme.

Et au cours de ce week-end, l’adage selon lequel il ne faut jamais rencontrer ses idoles, de peur d’être déçu, est devenu une totale absurdité.

En français, s’il vous plaît

Deux athlètes, autres que Shiffrin, se sont démarquées sur la montagne de Tremblant. Pas nécessairement en raison de leur agilité sur la piste Flying Mile, mais plutôt par leur souci du français.

Federica Brignone a été époustouflante tout au long de la fin de semaine en arrachant deux victoires. Si son titre était plus prévisible samedi au terme de la première manche, son triomphe de dimanche a été surprenant.

Sixième au terme de la première descente, la championne du Globe de cristal de la discipline en 2020 était allée prendre un bain de foule entre les deux manches, sachant probablement que ses chances de revenir plus tard grâce à un podium étaient minces.

Or, le ski de l’Italienne a été impeccable malgré la quantité de neige tombée et les bourrasques.

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L’Italienne Federica Brignone a signé deux victoires le week-end dernier à Mont-Tremblant.

Elle est redevenue gagnante et elle a charmé le public grâce à quelques pas de danse. Et grâce à son français impeccable.

Sur la grande scène ou dans la zone mixte, la Milanaise a conversé en français toute la fin de semaine. Un français justement avec des influences et une touche du sud-est de la France, semblable à celui des Suisses.

La plus grande surprise de la fin de semaine est toutefois venue du camp canadien.

Contrairement à dame Nature, la jeune et menue Cassidy Gray a été capable d’amener lumière et chaleur dans ce week-end gris et froid.

Gray a terminé 24e samedi et dimanche et à chaque fin de course, elle se présentait devant les médias en disant « en français ? »

Venant d’une athlète de 22 ans originaire d’Invermere, en Colombie-Britannique, ce souci du détail était plutôt étonnant. Rares sont les athlètes canadiens étant aussi volontaires pour s’exprimer dans la langue de Félix Leclerc.

PHOTO FRANK GUNN, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La Canadienne Cassidy Gray

« On est au Québec, c’est important de me forcer à parler en français », a-t-elle répondu samedi lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle voulait s’exprimer dans sa seconde langue.

Et d’ajouter le lendemain : « j’ai eu de bons professeurs à l’école », lorsqu’elle s’est fait demander pourquoi elle était si à l’aise.

La rouquine a charmé les Québécois par ses performances, son sourire et sa générosité.

La neige continuait de tomber au sommet de la place Saint-Bernard et tout le monde était ravi. Le panorama composé des commerces aux façades colorées et des arbres des Laurentides était splendide.

Et bonne nouvelle, Shiffrin, Brignone et Gray seront de retour l’an prochain.

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