Ce n’était qu’une question de temps avant que Valérie Grenier ne monte de nouveau sur la plus haute marche du podium en Coupe du monde. Un pronostic devenu presque une certitude à force de la voir skier avec un aplomb et une confiance définissant dorénavant sa nouvelle normalité. À 27 ans, il n’est pas trop tard pour devenir la skieuse qu’elle a toujours voulu devenir.

La neige était trempée et le temps était maussade lorsque Grenier a signé sa deuxième victoire en carrière, samedi, au slalom géant de la Coupe du monde de Kranjska Gora. Un an auparavant, presque jour pour jour, la Franco-Ontarienne avait obtenu son premier titre sur cette même piste. Visiblement, elle est à ses aises dans la Haute-Carniole slovène.

Difficile d’expliquer pourquoi. C’est peut-être le tracé ou le dernier mur du parcours dans lequel elle excelle. Chose certaine, elle vit les meilleurs moments de sa carrière.

Jamais elle n’est sortie du top 8 en six courses de slalom géant cette saison. Elle figure au quatrième rang du classement de la discipline et au neuvième rang du classement général.

Avec sa victoire l’année dernière et son rendement depuis la Coupe du monde de Tremblant, son plus récent triomphe était devenu prévisible. Elle skiait avec trop de conviction pour que ça n’arrive pas.

« Je peux juste vraiment skier comme je le veux et comme je le fais. Et je sais que si je fais ça, c’est assez bon pour gagner. Je n’ai pas besoin de skier comme une folle pour couper la ligne, par exemple. Je peux juste faire mon ski à moi et je sais que c’est suffisant », a assuré la skieuse jointe à Soraga, dans le nord-est de l’Italie.

Soufflée par cet élan de confiance, Grenier est en mesure d’aborder chaque descente convenablement plus la saison progresse. « Je n’ai pas besoin de penser, c’est vraiment naturel et c’est comme instinctif. »

Une nette amélioration

Grenier a toujours été l’un des plus beaux projets de Canada Alpin. Mais quelque chose a changé cette saison. On pourrait expliquer ce déclic dans des termes plus techniques en évoquant sa prise de vitesse, sa gestion des virages ou encore sa capacité à limiter ses erreurs plus que jamais. Néanmoins, la principale intéressée préfère parler de confiance, tout simplement.

C’est fou comment tout va mieux. Quand on arrive à une course et qu’on ne se sent pas bien ou qu’on pense qu’on va mal skier, c’est sûr qu’on commence à -1.

Valérie Grenier

Depuis octobre, la Canadienne a été capable de faire abstraction de son principal démon, la deuxième manche. Trop souvent par le passé, Grenier a bousillé des premières manches de qualité à cause d’erreurs anodines et évitables en seconde manche. Cette saison, tout en contraste, elle excelle et peut même expliquer son rendement par son aisance en deuxième descente.

« Je suis capable de bien gérer le stress, peu importe mon rang dans la descente. La dernière course, j’étais quand même quatrième, ce qui est très bon. J’aurais pu sentir un stress ou de la pression, mais au contraire, je me sentais super bien et calme. Je savais que j’étais capable de bien faire. »

Dans la courbe de progression

Contrairement à certaines de ses rivales, Grenier a atteint le sommet de son sport plus tard, à 27 ans.

Des skieuses comme Mikaela Shiffrin et Alice Robinson ont gagné dès l’âge de 17 ans. Les médias et les amateurs sont friands d’histoires impliquant des prodiges ou de jeunes talents précoces. En réalité, la moyenne des athlètes perce beaucoup plus tardivement.

PHOTO JURE MAKOVEC, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Valérie Grenier

Comme Grenier, gagnante pour la première fois à 26 ans. Sa courbe de progression suit davantage la normalité que celle de certaines jeunes sensations du circuit.

C’est pourquoi les « enfin » et les « finalement » à la suite de ses deux victoires reflètent mal les attentes entretenues à l’égard des skieuses canadiennes. Par exemple, Laurence St-Germain est devenue championne du monde à 28 ans l’année dernière.

« C’est vrai que parfois, on regarde beaucoup l’âge, estime Grenier, mais je pense qu’il faut réaliser que les progressions sont tellement différentes pour tout le monde. »

Elle évoque notamment sa blessure subie aux Mondiaux d’Are en 2019. Ses quatre fractures au tibia, au péroné et au col de talus ont assurément ralenti son développement.

Ma blessure m’a quand même enlevé beaucoup de temps dans ma carrière. Donc c’est sûr que ça a pris plus de temps pour me rendre où je suis maintenant.

Valérie Grenier

Mais Grenier est là où elle souhaitait être. Et ce n’est que le début. Même si elle se sent parfois « un peu vieille » lorsqu’elle tourne la tête d’un côté vers ses coéquipières plus jeunes, la native de Saint-Isidore peut aussi trouver une source d’inspiration lorsqu’elle se tourne de l’autre côté.

« Fede [Federica Brignone] a 33 ans et elle est sommet de sa forme », lance-t-elle. Même chose pour Lara Gut-Behrami à 32 ans ou Sara Hector à 31 ans.

Grenier vit les meilleurs moments de sa carrière, si on se fie au sourire affiché sur son visage au terme de sa dernière descente en Slovénie et à son ton décontracté en entrevue. Tout tombe à point, il n’y a pas à dire. Maintenant, il suffit d’en profiter, car la montée vers le sommet a été trop exigeante pour redescendre de sitôt.

« Ça m’a peut-être pris plus de temps, mais [c’est] possible de rester là longtemps ! »