Même s’il est monté sur le podium 122 fois en 142 courses de Coupe du monde, Mikaël Kingsbury persiste et signe : « Les gens ont l’impression que c’est super facile, mais ce ne l’est pas. »

Ce n’est pourtant pas l’impression que ça donne. Lors des sept courses disputées depuis le début de la saison, le bosseur de 31 ans a fait des heures supplémentaires à sept reprises pour aller chercher une médaille. Quatre fois pour agripper la plus convoitée.

Comme le veut un calque d’une mauvaise expression anglo-saxonne, Kingsbury a de la glace dans les veines. Son curriculum vitæ est sans doute la meilleure pièce à conviction dans le dossier. Reste que tout est à refaire chaque fois. Chaque semaine, il doit mériter sa place sur le trône, car personne ne la lui offrira sans se battre.

« Il y a beaucoup de gars qui peuvent monter sur le podium. C’est à moi d’être sharp », a souligné le champion en point de presse, mercredi après-midi, en vue de la Coupe du monde de Val Saint-Côme, qui aura lieu ce week-end.

Ses rivaux Ikuma Horishima, Filip Gravenfors et Walter Wallberg le talonnent au classement avec acharnement.

Le calibre est relevé, mais on s’étonne de moins en moins de voir combien le natif de Deux-Montagnes résiste à l’épreuve du temps. Les années passées à glisser, sauter et gagner ne semblent avoir aucun effet délétère sur ses performances. C’est sans doute l’élément le plus admirable dans le rendement de Kingsbury depuis le début de la saison.

« Je sais que je continue à progresser dans mon sport. Je ne sens pas que je suis en train de ralentir. Je sais que je suis encore capable de gagner, que j’ai du plaisir. Je suis aussi encore capable de sortir le meilleur de moi-même. Et quand ça arrive, je suis capable de gagner. »

Succès et attentes

À force de lever skis et bâtons en l’air en signe de célébration, Kingsbury a su créer des attentes. Ces appréhensions viennent surtout de l’extérieur. De ses amis qui lui envoient des messages pour le prévenir de leur présence au bas de la piste, de ses commanditaires et de ses coéquipiers.

La pression existe bel et bien dans son esprit. Il compétitionne sur la plus grande scène au monde contre les meilleurs bosseurs de la planète. Même un champion olympique ne peut en faire abstraction. La différence entre lui et ses rivaux, toutefois, réside quelque part entre l’expérience et la conviction profonde de n’avoir plus rien à prouver.

« J’ai pas mal vécu le maximum que ce sport peut donner en termes de pression en 2018 », dit-il à propos de sa médaille d’or olympique obtenue à PyeongChang.

Kingsbury ne considère pas son triomphe olympique comme une tulipe dans un champ de pissenlits. Mais en toute franchise, la pression d’une coupe du monde dans sa province natale, comme celle qui aura lieu cette fin de semaine, ne sera jamais comparable à la pression ressentie aux Jeux olympiques. Cela dit, il compte bien profiter de ce week-end à la maison.

PHOTO JEFF SWINGER, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Mikaël Kingsbury

« Je me souviens m’être dit après les Jeux que jamais plus je n’allais me stresser avec ce sport-là. Ou quand j’allais être stressé, juste me rappeler de ce moment-là, même si ça ne marche pas toujours. Je ne ressens pas de pression, parce que je pense que j’ai pas mal fait ma job dans ce sport », évoque-t-il de son condo de location, portant une veste blanche et une casquette noire.

Néanmoins, la Coupe du monde de Val Saint-Côme demeure la compétition la plus importante et la plus significative de la saison, tient-il à préciser : « C’est comme une bonne pratique de Championnats du monde, parce que je dois performer sur demande. S’il y a un évènement dans l’année où je veux bien faire, c’est à la maison. »

Passer le flambeau

Dans l’histoire plus ou moins récente du ski acrobatique canadien, il y a eu des hauts et des bas. Après la Jean-Luc Brassard mania, la fédération canadienne a connu un creux de vague du côté masculin.

Puis est arrivé Alexandre Bilodeau, double champion olympique. Ensuite, Mikaël Kingsbury, dont la liste de tous les titres serait aussi longue que la version intégrale d’Autant en emporte le vent.

Difficile de savoir quand ce dernier accrochera ses spatules, mais certains observateurs étaient inquiets de la relève canadienne.

Or, depuis un an, les bourgeons fleurissent. Julien Viel, 22 ans, Louis-David Chalifoux, 21 ans, et Elliot Vaillancourt, 24 ans, sont respectivement septième, huitième et dixième au classement général de la Coupe du monde.

« C’est sûrement la fois où j’ai les meilleurs coéquipiers autour de moi en termes de performances », explique Kingsbury au sujet de ses cochambreurs de cette semaine dans Lanaudière.

« Ils sont de plus en plus constants. Ils savent que là, ils font partie de la game. Ils ont confiance en eux et ils savent qu’ils peuvent s’approcher ou monter sur le podium à presque toutes les courses », poursuit-il.

D’une certaine manière, ce niveau de performance lui permet, en bon vétéran, de se faire pousser un peu plus à l’entraînement et c’est pour le mieux, car le Canada est le meilleur pays en matière de résultats cette saison.

Juste à temps pour Val Saint-Côme.