(Saint-Côme) Julien Viel est un grand mélomane. Mais il n’écoute jamais de musique les jours de compétition. « Sinon, je suis trop dedans et j’oublie de me concentrer sur mon ski. »

La rencontre avec le skieur acrobatique de 22 ans s’est déroulée dans le chalet principal de la station Val Saint-Côme. Le ressenti était de - 16 °C, jeudi, en milieu d’après-midi. Son coéquipier Elliot Vaillancourt se promenait quand même en short entre la piste et le chalet. « Welcome to Québec ! », a-t-il lancé à ses rivaux américains le regardant un peu de travers.

Ce fut au tour de Mikaël Kingsbury d’ensuite entrer dans le complexe en bois rond. Avec son long manteau rouge et blanc, tous les regards se sont tournés vers lui. Un effet de foule inévitable.

Puis, entre les bénévoles et les organisateurs, émerge Viel. Dans un survêtement gris et noir, il se dirige vers le fauteuil en cuir mou ayant l’effet d’un sable mouvant au moindre dépôt du fessier. Et fidèle à ses habitudes, l’athlète originaire de Québec s’installe avec un calme déconcertant.

Même si dans ses oreilles, par les temps qui courent, ça se bouscule un peu plus. « En ce moment, j’écoute beaucoup de Jimi Hendrix, parce que j’ai recommencé à jouer de la guitare acoustique et électrique. Ça faisait cinq ans que je n’avais pas joué, et là, je joue chaque jour », explique Viel.

C’était sa résolution pour la nouvelle année. Et à ce jour, il la tient. L’histoire ne dit pas s’il gratte de la gauche comme l’interprète de Voodoo Child, mais comme lui, il entre en phase lorsqu’il est à la montagne.

Viel a trouvé sa « zone » cette saison. Cela explique sans doute pourquoi il est posté au septième rang du classement général des bosses avant la première journée de la Coupe du monde de Val Saint-Côme.

Il a trouvé un rituel lui permettant d’être en adéquation avec le moment présent. Grâce à ça, il a réussi quatre top 10 en sept courses.

« En haut de la piste, je regarde les montagnes et les maisons autour. Je me dis que je suis chanceux d’être là, que je suis chanceux de faire du ski et que je fais ça pour moi. Après, je regarde vers la foule, je regarde les bénévoles, je visualise mon saut, il y a le décompte et ça part. Donc je suis vraiment dans une zone tranquille, sécuritaire, je suis détendu, bien et reconnaissant d’être là. »

Pour lui, ça a fait toute la différence.

La progression

Les résultats de Viel sur le circuit depuis le début de la campagne sont probants et un indicateur de progression assez clair.

Au-delà de ses bonnes statistiques, le skieur semble aussi plus à l’aise, plus en contrôle et même plus déterminé lorsqu’il zigzague entre les bosses. Est-ce seulement une impression ?

« Je suis content que tu me le demandes, répond-il à votre représentant de La Presse, parce que les résultats, je mets ça de côté. Je le vois plus comme une progression. De développer les habiletés et de s’améliorer en tant que skieur. […] »

Quand je suis en haut de la piste, je sais que je vais faire une bonne descente, je sais quoi faire, je n’ai pas besoin de pousser nécessairement plus ou de faire quelque chose d’imprévisible. Quand je descends, je sais quel genre de résultats je peux avoir.

Julien Viel, skieur acrobatique québécois

Champion nord-américain en 2022, Viel a soif d’apprendre. Un an seulement depuis son éclosion en Coupe du monde, justement à la montagne de Lanaudière, il constate une énorme différence, surtout lorsqu’il retombe sur des vidéos de lui datant d’il y a quelques mois. L’expérience acquise a déjà un effet considérable sur ses performances. « Je n’ose même pas imaginer Mik [Kingsbury] avec tout le bagage d’expérience qu’il a ! »

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Julien Viel à la Coupe du monde de Val Saint-Côme, en janvier 2023

En équipe

Un vrai leader ne dira jamais qu’il est un leader. C’est pourquoi Viel a pris un détour assez spectaculaire pour tenter d’expliquer son rôle au sein de l’équipe canadienne.

Il est le meilleur skieur canadien derrière Kingsbury. Lors de l’éventuel départ du champion bosseur, Viel est en ce moment le mieux placé pour prendre sa relève au sommet de la pyramide de l’équipe nationale.

Je ne suis pas encore prêt techniquement.

Julien Viel, skieur acrobatique québécois

Avant même d’avoir la prétention d’avancer qu’il pourrait un jour être une sorte de successeur, il préfère travailler sur lui. « Il me reste encore beaucoup à apprendre sur le plan technique. Je veux m’améliorer encore plus et si j’ai à endosser ce rôle-là, je veux que ça arrive lorsque je serai prêt. Mais avec l’équipe qu’on a en ce moment, on aura vraiment une équipe remplie de leaders. »

Cette équipe, elle est notamment composée Louis-David Chalifoux et Elliot Vaillancourt, eux aussi au début de la vingtaine.

Le gigantesque creux annoncé après l’ère Kingsbury n’aura finalement jamais lieu d’être.

Puis, le calibre est tellement relevé sur le circuit – Viel cite Ikuma Horishima, Walter Wallberg et Ben Cavet – qu’il devra nécessairement compter sur la force du collectif pour obtenir du succès. « Pour aller chercher la première marche du podium, et la deuxième et la troisième, ça prendra une équipe qui pousse ensemble. »

Le Québécois croit d’ailleurs devoir s’inspirer du modèle suédois. « Ils ont une belle gang de jeunes. On pense à Walter puisqu’il a gagné les Jeux, mais il y a Filip [Gravenfors], Rasmus [Stegfeldt] et Albin [Holmgren]. »

Avant d’ajouter : « Ce n’est plus comme il y a 10, 15 ans. Le niveau est tellement relevé qu’il faut réussir en groupe. »

Après quoi Viel est retourné vaquer à ses occupations. Il a sans doute terminé la journée avec du rock, du folk, de l’alternatif ou même du métal dans les tympans, parce que ce n’était pas jour de compétition.

Mais ce week-end, ce sera autre chose. Il aimerait assurément changer de refrain et enfin monter sur le podium cette saison. « Mais après, il ne faut jamais oublier qu’on est chanceux de faire ce qu’on fait. »