(Québec) Après avoir traversé le tunnel passant sous l’anneau de glace, Valérie Maltais a déposé la grande coupe argentée qu’elle venait de recevoir à titre de troisième patineuse de la saison dans les longues distances. Elle y avait glissé la petite bouteille de sirop d’érable qu’on lui avait remise en guise de souvenir.

Avant la mêlée de presse, elle voulait prendre quelques secondes pour savourer le moment avec Remmelt Eldering, l’entraîneur d’origine néerlandaise qui l’a initiée au longue piste après sa fructueuse carrière en patinage de vitesse courte piste. « C’est le premier qui a cru en moi », a-t-elle rappelé peu après.

En 2018, après trois Jeux olympiques en courte piste, Maltais se faisait toute petite dans ce nouveau monde qu’elle découvrait à la fin de la vingtaine. Réussirait-elle vraiment à rivaliser un jour avec des Néerlandaises, pour qui la discipline est un véritable sport national ?

Elle a eu une première partie de la réponse en remportant la médaille d’or à la poursuite par équipes aux JO de Pékin, en février 2022. Maintenant, pouvait-elle le faire toute seule ?

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Valérie Maltais récolte une deuxième troisième place de suite en Coupe du monde.

C’est avec cette quête en tête qu’elle a entamé son cinquième cycle olympique, qui devrait la mener jusqu’à Milan en 2026. Rendue presque à mi-parcours, elle peut confirmer qu’elle est en très bonne voie d’y parvenir.

Moins d’une semaine après avoir connu le meilleur week-end de sa carrière en montant trois fois sur le podium à Salt Lake City, Valérie Maltais a poursuivi sur son élan en finissant troisième au 3000 m lors de la première journée de la Coupe du monde de Québec, vendredi après-midi. Ce résultat lui a permis de terminer troisième au classement cumulatif des longues distances.

Son éternel sourire, déjà rayonnant, irradiait alors qu’elle saluait les 1500 amateurs ravis d’avoir assisté à ce spectacle au Centre de glaces Intact Assurance.

« C’est vraiment spécial d’avoir accompli ça aujourd’hui, non seulement mon deuxième podium [au 3000 m], mais aussi le cumulatif », a-t-elle confié, encore émue, aux représentants des médias. « Ce que ça représente pour moi, c’est de ne jamais avoir lâché et d’avoir toujours cru en moi. »

Troisième également en Utah, la Saguenéenne d’origine avait fort à faire pour répéter l’exploit avec le retour de deux concurrentes de renom, dont son amie Isabelle Weidemann, triple médaillée olympique. S’élançant dans la deuxième de sept paires, la Canadienne a d’ailleurs réalisé le premier temps de référence pour s’installer en tête en 4 min 2,79 s. Du costaud pour l’héroïne de Pékin. Trois paires plus tard, elle s’est fait déloger par la Néerlandaise Irene Schouten, triple médaillée d’or olympique, qui a arrêté le chrono à 4 min 1,11 s.

Dans le départ suivant, Maltais a attaqué son épreuve et enchaîné les tours avec la confiance de la vétérane qu’elle est maintenant devenue.

Dès le premier tour, je sentais que j’avais un bon tempo. À un moment donné, j’ai senti que mon tracé avait décalé un peu. [J’amorçais] mon entrée de virage un peu trop tôt. On en avait parlé à quelques reprises avec mes entraîneurs : comment se réajuster pendant la course. C’est ce que j’ai réussi à faire aujourd’hui. C’est un détail subtil, mais ça montre que ma tête est à la bonne place.

Valérie Maltais

Au milieu de l’épreuve, le coach Muncef Ouardi lui a lancé un encouragement qu’elle n’a pas l’habitude de recevoir : « Tu patines bien ! » « Souvent, les entraîneurs crient : « Sois plus basse, fais ci, fais ça », mais là, c’était plutôt : « Tu l’as ! », s’est exclamée Maltais. Ça m’a marquée ! »

Même si elle voyait double dans les dernières boucles, portée par la foule, elle a arrêté le temps à 4 min 2,73 s, un record personnel au niveau de la mer qui la positionnait deuxième derrière Schouten. Ravie, Maltais a levé l’index droit après avoir enlevé son capuchon, satisfaite de son effort, peu importe l’issue.

Une fin serrée

Tout était possible pour les deux Canadiennes, mais quatre concurrentes étaient encore en lice, et non les moindres. La Norvégienne Ragne Wiklund et la Tchèque Martina Sablikova, classées première et deuxième au monde, ont dû se contenter des cinquième et sixième places.

Ne restait plus que les Néerlandaises Joy Beune et Marijke Groenewoud, deux autres prétendantes que le public connaisseur de Québec savait menaçantes. Les gens retenaient leur souffle quand l’animateur Benoît Lamarche rapportait les temps de passage.

Le suspense a duré presque jusqu’à la toute fin, Beune se glissant au deuxième rang, un dixième devant la Québécoise, tandis que Groenewoud a échoué au huitième échelon.

Assise au milieu de l’anneau, Maltais a vécu ces derniers moments dans un mélange de résignation et d’anticipation. « Je voyais les temps ralentir et j’étais comme : ça se peut que ça se passe ! Je sentais de la fébrilité et l’émotion monter un peu. Une chance que je n’étais pas dans la deuxième paire ! »

La présence des siens a évidemment bonifié l’expérience de la patineuse de 33 ans. « Je suis très émotive en ce moment parce que ma famille est là. Ça fait combien d’années qu’elle est là à me soutenir, à venir dans les arénas, à me voir changer de sport, déménager à Calgary, revenir à Québec ? On dirait que le train n’arrête jamais. »

Après l’épreuve de Québec, où elle s’alignera au 1500 m et au départ de groupe dimanche, la prochaine station sera les Championnats du monde par distance de Calgary, du 15 au 18 février.

« Il est encore tôt pour y penser, mais on ne se mentira pas : c’est sûr que le podium est atteignable aux Championnats du monde, mais ma performance n’empêchera pas les autres de bien faire. C’est la beauté du patinage de vitesse longue piste et ce qui fait que ça me passionne autant. C’est d’aimer le sport, mettre son cœur sur la glace et voir à la fin où on va finir. »

Exactement comme elle l’a fait vendredi, au grand bonheur de tous.

L’or avant le sirop pour Bloemen

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Ted-Jan Bloemen a célébré sa victoire au 5000 m en se permettant une gorgée de sirop d’érable.

Le double médaillé olympique Ted-Jan Bloemen a couronné ce bel après-midi en remportant le 5000 m. Tirant de l’arrière sur son voisin de couloir, l’Italien Davide Ghiotto, l’Albertain de 37 ans l’a graduellement rattrapé à partir de la mi-course, pour terminer en tête en 6 min 13,87s, améliorant de plus de deux secondes son propre record de piste établi un an et demi plus tôt. Le Norvégien Hallgeir Engebraten a complété le podium. À la cérémonie de remise des médailles, Bloemen s’est permis une gorgée de sirop d’érable. À en juger par sa réaction, il l’a trouvé un peu corsé.