« Quand j’y repense, j’ai encore un peu la chair de poule… »

Au lendemain d’une médaille d’or historique pour le Canada au relais mixte 4 X 5 km des Championnats du monde U23 de Planica, en Slovénie, la fondeuse Liliane Gagnon n’était pas tout à fait descendue de son nuage, lundi après-midi.

À titre d’ultime relayeuse en pas de patin, l’athlète de Québec avait bien résumé l’enjeu à ses trois coéquipiers avant le départ : « Soit tu es le héros, soit tu ne l’es pas… »

Gagnon a choisi la première option, réussissant une fin de course que n’aurait pas reniée Alex Harvey. Après s’être battue pour maintenir sa deuxième position avant la dernière descente vers le stade, elle a effectué une dizaine de pas de patin sans bâtons pour reprendre la Française Maëlle Veyre et la coiffer à la ligne d’arrivée.

Comme il se doit, ses trois collègues – Derek Deuling, Jasmine Drolet et Max Hollmann – l’ont accueillie en… héroïne, avant de la soutenir pour qu’elle ne s’écroule pas dans la neige.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE NORDIQ CANADA

Derek Deuling, Liliane Gagnon, Jasmine Drolet et Max Hollmann

« Sur le coup, c’est sûr que le moment est surréel ; tout le monde fait la fête, tout le monde est super content et tu as de la misère à y croire, a noté Gagnon. Mais j’avais sept heures de route à faire [par la suite]. Tu vas sur les réseaux sociaux, tu regardes les vidéos, toutes les publications, les reprises de la course… Tu le réalises tranquillement : on l’a vraiment fait ! »

Avec trois résultats parmi les dix premières en autant de départs individuels, elle s’était montrée à la hauteur de son statut à ces Championnats du monde U23. Pour sa deuxième participation, elle était néanmoins restée sur son appétit.

Son plus grand regret ? Sa cinquième place au 20 km départ groupé en style libre, à un peu plus de trois secondes d’un podium.

« Ce n’était pas très loin, mais je n’ai pas été capable de me battre jusqu’à l’arrivée pour une médaille. D’avoir eu la chance de le faire au relais, c’était un peu une rédemption. »

C’est un effort d’équipe, mais ramener la médaille d’or à la maison pour le Canada, c’est vraiment gros.

Liliane Gagnon

Le 28 janvier, Gagnon avait mis la table en finissant neuvième d’un 20 km départ en groupe style libre à la Coupe du monde de Goms, en Suisse. Aucune Canadienne n’avait fait mieux en distance depuis la deuxième place de la médaillée olympique Sara Renner, en 2009. Jusque-là, la fondeuse de 21 ans n’avait jamais percé le top 30 en 11 départs sur le circuit.

Ce jour-là, son entraîneur Louis Bouchard racontait à La Presse comment sa protégée s’était probablement fait un peu « intimider » lors du sprint pour le sixième échelon. « Elle va avoir un des meilleurs finishs au monde, c’est sûr », avait-il annoncé, parole presciente que la jeune femme a concrétisée en Slovénie.

« Avant cette neuvième place, mon objectif aux Championnats du monde était peut-être de faire un top 10, a expliqué Gagnon lundi. Là, tu te dis, dans une bonne journée, je pourrais faire un podium et peut-être même gagner. Ça, c’est une autre affaire ! »

Une tape dans le dos

Cette performance en Suisse lui a donné l’« élan » pour les Mondiaux, ainsi qu’à tous les Canadiens, croit-elle.

Originaire de Shawinigan-Sud, Gagnon a été initiée par sa mère et ses grands-parents dans le parc national de la Mauricie. « J’ai commencé avec Skinergie de la Mauricie, un club qui n’existe plus. On était gros max 10 membres à son apogée ! »

À la faveur d’un déménagement dans la région de Québec avec sa mère, militaire à la base de Valcartier, elle s’est développée avec le club régional Skibec Nordique, avant de rejoindre les rangs du Centre national d’entraînement Pierre-Harvey, au mont Sainte-Anne.

Championne nationale junior dès l’âge de 16 ans, elle a pris part aux Jeux olympiques de la jeunesse de 2020 avec Jasmine Drolet, née en Colombie-Britannique de parents québécois. Après trois Championnats du monde juniors, elle a participé à ses premiers U23 l’hiver dernier à Whistler, terminant 12au départ en groupe.

« Elle s’entraînait avec [la fondeuse olympique] Cendrine [Browne] et on voyait ses qualités, a noté Bouchard. On se disait : à un moment donné, ça va arriver, c’est certain. Les jeunes sont à l’école, toutes sortes de petites choses arrivent, ils sont en développement. Ça leur prend un certain temps avant d’être stables. Mais je connaissais son potentiel. »

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L’équipe canadienne sur la première marche du podium

À Planica, Gagnon a vu son coéquipier ontarien Max Hollmann replacer le Canada dans la course au podium en refermant un écart d’une quinzaine de secondes au troisième relais. En dépit d’un bris de bâton, elle s’est maintenue parmi les deux ou trois premières pendant toute sa portion de 5 kilomètres.

Pour le sprint final, elle s’est inspirée de tactiques de sa compatriote yukonaise Sonjaa Schmidt, médaillée d’or surprise au sprint individuel, première épreuve de la compétition, où la Québécoise s’était arrêtée en demi-finale (8e).

« La piste était vraiment mouillée, mais ils avaient salé le parcours, c’était donc très glacé, surtout à l’arrivée parce qu’on ne passait pas souvent. J’ai donc opté pour le free skate comme ma coéquipière. Comme ça, je me sentais plus en contrôle de ma force. Comme je l’ai dit en entrevue après la course, c’était la chose à faire. Les autres l’ont fait aussi, mais peut-être moins longtemps. Il y avait aussi la volonté… Encore une fois, elles se sont fait avoir par une Canadienne qui fait du skate ! »

Pendant que la majorité de ses collègues de l’équipe nationale prennent part à la Coupe du monde de Canmore, qui se conclut ce mardi avec un sprint classique, Liliane Gagnon reprend son souffle à Davos avant de les rejoindre pour la dernière partie de la campagne en Scandinavie. Qui sait si elle leur transmettra sa propre impulsion ?

« Oui, je suis bonne au Canada, mais il y a plein d’autres fondeuses très compétitives. On est proches l’une de l’autre. Si c’est possible pour moi, ce l’est pour plein d’autres. »