À 33 ans et 31 ans, les patineurs de vitesse longue piste Valérie Maltais et Laurent Dubreuil continuent de frayer avec les meilleurs au monde de leur discipline. À mi-parcours du cycle olympique menant vers Milan 2026, les deux vétérans expriment leur admiration l’un pour l’autre.

Laurent Dubreuil a posé la question en sachant pertinemment la réponse : « Valérie, à quand remonte ta meilleure saison en courte piste ? 2012-2013 ? »

« Oui, parce que j’avais fait un record du monde et j’avais été vice-championne du monde », a acquiescé Maltais.

« C’est quand même malade ! l’a relancée son coéquipier. Il y a 11 ans entre ta meilleure année dans un sport et dans l’autre ! »

« Et je souhaite que ça ne se termine pas là ! Je me sens encore en bonne forme et je suis capable de fermer l’écart [avec les premières]. C’est motivant pour les deux prochaines années. »

Chacun dans leur auto, de retour du Centre de glaces Intact Assurance de Québec, les deux patineurs de vitesse sur longue piste ont tracé un bilan de leur saison lors d’une vidéoconférence avec La Presse, mardi midi. L’échange rapporté plus haut est survenu spontanément, au moment où Dubreuil prenait le relais de Maltais au micro. Son admiration pour l’athlète de La Baie n’était pas feinte, comme il l’a expliqué plus tard, alors qu’elle avait éteint sa caméra depuis longtemps.

« La première médaille de Val en Coupe du monde en courte piste, ça doit être en 2010-2011. D’en gagner en longue piste en 2024, c’est incroyable ! Ça m’impressionne énormément.

« La deuxième chose qui m’impressionne chez elle, c’est son désir de repousser ses limites et de forcer encore à son âge », a ajouté le récent médaillé de bronze aux Championnats du monde sprint.

« S’il y a une chose pour moi, c’est que je n’aime plus forcer autant ! Au 1000 mètres, une fois sur deux avant la course, ça ne me tente plus. Je sais que ça va faire mal. Je suis un professionnel, je me crinque et je donne un bon effort quand même. Mais je me dis : pourquoi je ne fais pas juste le 500 ? »

PHOTO MATTHIAS SCHRADER, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Laurent Dubreuil

Et Dubreuil de deviser sur la douleur inhérente aux épreuves de 1500 mètres et plus, le rayon d’action de Valérie Maltais. En courte piste, rappelle-t-il, les patineurs apprennent à multiplier les courses durant une même journée. L’aspect tactique est plus important dans un 1500 m, où les concurrents doivent conserver un maximum d’énergie pour produire une accélération pour effectuer un dépassement au moment opportun, par exemple. En longue piste, un 1500 m doit s’exécuter presque à 100 % du début à la fin.

« Les athlètes de courte piste sont exceptionnels ; ils sont ultra en forme. J’ai énormément de respect pour eux, mais j’en ai vu plusieurs faire du longue piste, et quand ils finissent leur premier 1500 mètres, ils sont comme : tab… c’est quoi, cette distance de malade, ça fait donc bien mal ! Ils n’ont jamais vécu ça. »

Voilà pourquoi il louange Maltais, huitième des Mondiaux toutes distances, le week-end dernier en Allemagne, et aspirante à de cinquièmes JO : « Elle pense qu’elle peut être encore meilleure dans deux ans, à 35 ans, sur des distances dures comme celles-là. Elle a plus de guts que moi. »

Au-delà de la performance

Invitée à révéler ce qu’elle estime chez son partenaire d’entraînement depuis 2022, Valérie Maltais relève sa capacité à faire la part des choses après une contre-performance. Elle en a d’abord été témoin aux derniers JO de Pékin, où il partageait un condo au Village des athlètes avec son fiancé Jordan Belchos, lui aussi patineur de vitesse olympique.

Après la vive déception de sa quatrième place au 500 m, Dubreuil a rebondi avec une médaille d’argent inespérée au 1000 m.

« La performance ne détermine pas la personne qu’il est, a-t-elle noté. Ça m’a vraiment inspirée. Ça n’a pas été qu’un moment aux Jeux olympiques ; je le vois chaque jour. Sa confiance règne au-dessus de tout. Il veut être le meilleur. Mais au bout du compte, il est la même personne pour ses enfants, sa femme et le reste de sa famille. C’est une chose que j’admire beaucoup chez lui. »

Les deux protégés des entraîneurs Gregor Jelonek et Muncef Ouardi entendent poursuivre la route ensemble au moins jusqu’aux Jeux de 2026 en Italie.

Progression

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Valérie Maltais

« Progression » : voilà comment Valérie Maltais résume sa dernière saison en un mot. Elle a atteint un objectif de longue date en enlevant le bronze au 3000 m de la Coupe du monde de Salt Lake City, un premier podium sur une distance individuelle. Elle s’est prouvé que ce n’était pas « qu’un coup de chance » en rééditant l’exploit devant les siens une semaine plus tard à Québec. « J’étais nerveuse, mais je suis fière de m’être fait confiance et de m’en être tenue à mon plan, ni plus ni moins. » Malade avant les Mondiaux de Calgary, elle a très mal vécu une déconvenue lors de la première journée de compétition (10e au 3000 m). Elle se reproche de ne pas avoir adapté ses attentes, ce qui l’a fait décrocher durant la course : « Ça m’a rendue émotive, mais je me suis bien relevée de tout ça. » Médaillée d’argent à la poursuite par équipe, la championne olympique estime qu’Isabelle Weidemann, Ivanie Blondin et elle ont beaucoup de travail à abattre pour espérer reconquérir un titre qu’elles ne retrouveront « pas facilement ». Étonnamment, elle n’a pas évoqué sa première place au classement général au départ en groupe.

Résolution de problèmes

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Laurent Dubreuil

« Résolution de problèmes » : voilà comment Laurent Dubreuil résume sa dernière saison en un… quelques mots. Après avoir atteint l’acmé de sa condition physique durant l’été, il s’est blessé à un genou, mal qu’il a traîné aux premières compétitions. « Ce n’était pas catastrophique, mais c’est le moins bon que j’ai été au 500 m depuis la période avant la pandémie. » Après un changement de lames en Pologne – une première en trois ou quatre ans –, il s’est relancé pour retrouver son sommet à la Coupe du monde de Québec et aux Championnats du monde par distance, où seul le patineur générationnel Jordan Stolz l’a privé d’or. Gagnant de 36 médailles individuelles sur le circuit, l’athlète de Lévis aimerait atteindre le chiffre magique de 50. Sa médaille de bronze au Mondial sprint était sa huitième et il souhaite se rendre à dix. « De façon réaliste, si je veux y arriver, ça m’en prendra une aux Championnats du monde l’an prochain, parce qu’il n’y en a pas durant une année olympique. » Le champion a encore du pain sur la planche.