Jamais un athlète ne sera en paix avec l’idée de régresser. Surtout à 21 ans.

C’est pourtant le constat qui s’impose au terme des quatrièmes Championnats du monde de Madeline Schizas. Du moins, au chapitre des résultats.

Treizième en 2021, 12e en 2022, 13e en 2023 et 18e en 2024.

La patineuse d’Oakville à la personnalité habituellement rose bonbon et à l’optimisme contagieux était méconnaissable dans la zone mixte, près de la salle de conférence de presse de Martin St-Louis, après son programme de vendredi soir.

Sa robe paparmane et la grosse couronne de fleurs qui recouvrait sa tête n’ont pas suffi à faire oublier ses yeux humides, et la déception sur son visage se voyait davantage que son maquillage pourtant intact.

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

Madeline Schizas

Schizas est parvenue à soutirer 112,13 points pour son programme libre, soit au total 171,78, si l’on additionne le résultat de son programme court de mercredi, lui aussi en deçà des attentes. Près de 20 points sous sa meilleure marque cette saison.

« Je suis très déçue de ma performance. C’est tout ce qu’il y a à dire. Ce n’était pas bon », a-t-elle dit en retenant ses larmes entre chaque respiration devant une horde de journalistes curieux de comprendre pourquoi la talentueuse patineuse s’était écrasée ainsi, devant les siens, qui plus est.

D’autant que ses deux premiers éléments, deux triples sauts, avaient été exécutés avec une précision dont Josh Anderson serait jaloux. La troisième figure, exécutée à l’extrême droite de la table des juges, a été fatale. La triple boucle prévue au programme est devenue une double boucle à l’atterrissage fragile.

Changement de dernière minute

Après coup, Schizas a révélé avoir changé son programme à la dernière minute. Ce qui explique pourquoi ses figures ne correspondaient pas à la liste présentée initialement. Quoi qu’il en soit, cette troisième figure aura été le premier chaînon de son programme à se détacher de la chaîne. Du moins, selon la note attribuée par les juges pour ce saut.

Néanmoins, la principale intéressée persiste : « Mes trois premiers éléments ont été vraiment réussis. Je n’ai vraiment eu aucun problème pour les choses que j’ai ratées avant-hier, et les choses qui sont faciles pour moi à l’entraînement ont été des échecs. »

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, LA PRESSE CANADIENNE

Madeline Schizas était déçue après sa performance, vendredi aux Championnats du monde de patinage artistique.

Difficile de tirer un autre constat. Avec les espoirs que fonde en elle la fédération canadienne de patinage artistique, ce genre de résultat, surtout dans un contexte de Championnats du monde à domicile, est inacceptable pour la double championne nationale.

« Ce n’est pas ce que j’ai pratiqué et ce n’est pas ce que je voulais montrer aujourd’hui. Je pense qu’en rentrant à la maison, je devrai réfléchir à ce qui est arrivé et trouver des réponses. J’étais ravie de patiner devant un public canadien et j’ai été absorbée par tout ce soutien et je n’ai pas été en mesure de bien performer », a-t-elle soufflé, tassée sur elle-même, encore ébranlée par sa contre-performance.

Être capable de s’élever

Le talent, la fougue, la minutie et les habiletés de Schizas ne font aucun doute. Elle avait terminé dans le top 5 lors de deux grands prix en plus de prendre la sixième position lors des Quatre Continents en Chine, plus tôt cette saison.

Le principal obstacle dans le développement de l’Ontarienne semble son incapacité à offrir son meilleur patin dans les grands moments. Comme en Championnats du monde.

PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

Madeline Schizas

Au point qu’une journaliste anglophone lui a demandé, sans mettre de gants blancs, si elle consultait un psychologue sportif pour discuter de sa difficulté à tenir la cadence lorsque le tempo devient trop difficile à maîtriser.

« Oui, mais je vais devoir le considérer davantage, du moins plus sérieusement », a répondu la patineuse.

Un revirement de situation particulier, note Schizas.

Longtemps, l’une de mes forces était le côté mental du patinage, mais je pense que c’est parce que c’était le début de ma carrière et que tout était nouveau et stimulant. Je dois retrouver cette joie et je pense que ce sera mon plus gros enjeu dans les prochaines années.

Madeline Schizas

« Je veux retourner aux Jeux olympiques, je veux respecter les critères de sélection », a-t-elle ajouté.

Finissant 19e aux Jeux de Pékin en 2022, ce qui s’explique par le manque d’expérience de l’adolescente qu’elle était à l’époque, peu de choses ont changé depuis deux ans. Pour une athlète censée être en pleine ascension, ça n’a rien de rassurant.

Abandonner serait déraisonnable

Il n’y a pas si longtemps, la Canadienne aspirait à devenir l’une des plus farouches compétitrices au monde. Puis, lorsqu’on observe le niveau des talents générationnels comme Kaori Sakamoto, Isabeau Levito et Chaeyeon Kim, les trois médaillées de la journée, on s’aperçoit que Schizas n’y est pas tout à fait.

Mais elle ambitionne toujours de les rejoindre. À 21 ans, abandonner si tôt serait déraisonnable. « J’espère qu’avec la qualité de mes programmes, je serai capable d’avoir des scores pour rivaliser avec les meilleures au monde. J’ai juste de la misère à tout mettre ensemble quand ça compte. Je vais devoir trouver une solution pour compétitionner avec les meilleures patineuses. »

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, LA PRESSE CANADIENNE

Madeline Schizas

Cette prestation à domicile laissera un souvenir doux-amer à Schizas, car en dépit d’un résultat loin de ses standards, elle aura patiné devant les siens.

Elle souhaitait évidemment faire mieux pour ses parents, ses cousins et ses amis venus l’observer.

Si ce vœu n’a pas été exaucé, elle a bien l’intention de remédier à la situation dans un avenir rapproché, portée par un souhait renouvelé lancé en toute fin de conversation : « Je veux être parmi les meilleures au monde. »