À cinq jours de son combat au Madison Square Garden contre Tureano Johnson (20-2, 2 K.-O.), David Lemieux (40-4, 34 K.-O.) affirme qu'il ne se laissera pas déranger par le terrible drame vécu par son compatriote Adonis Stevenson.

« J'en serai à mon 45e combat en carrière chez les professionnels, a lancé le Québécois vendredi lors de son entraînement médiatique au Gym Sherbatov, à Laval. On est conscient des risques chaque fois qu'on monte sur le ring, mais je n'y pense pas sur le ring et je n'y penserai jamais. »

Comment fait-il pour en faire abstraction et comment y parviendra-t-il cette fois ? « Je dois me préparer de mon mieux pour ne pas mal paraître sur le ring et ne [pas] avoir [de problèmes] de santé. Il y a toujours des scénarios comme ça, c'est triste quand ça arrive à un de nos proches, mais comme boxeur, je sais que ça fait partie des risques. Tu dois avoir une force au-dessus de toi de ton bord. »

Un collègue lui a demandé si des boxeurs comme Stevenson et lui, réputés d'abord pour être de puissants cogneurs, n'étaient pas plus à risque.

« Adonis ne se fait pas tant frapper dans un combat. Tu n'es pas dans les souliers du boxeur. Tu ne sais pas comment il est déshydraté, comment il s'est réhydraté. Est-ce que son cerveau manque d'eau ? C'est dur à dire, car c'est un coup de poing de trop. » - David Lemieux « C'est dur de voir un de nos gars tomber dans un coma comme ça après tant de belles années de boxe, poursuit-il. J'espère qu'il va s'en sortir. Mes pensées à sa famille et à lui. »

ONDE DE CHOC

Le drame vécu par Adonis Stevenson a secoué le monde de la boxe et a éveillé encore davantage les consciences.

« Je mentirais si je disais que ça ne réveille pas », confie le vice-président d'Eye of the Tiger Management, l'écurie de David Lemieux, Steven Butler, Yves Ulysse Jr. et plusieurs autres. « On est conscient des risques, mais on ne croit pas que ça peut nous arriver. On s'est dit qu'on allait parler à chacun des gars. Il ne faut pas exagérer [la situation], mais en même temps, c'est une raison de plus pour laquelle il faut s'assurer que le boxeur arrive en condition parfaite pour les combats. Ça nous a donné un petit signal d'alarme encore plus fort.

« Si on a des doutes qu'un de nos gars n'est pas au sommet de sa forme, on ne peut aller de l'avant, poursuit Antonin Décarie. C'est principalement un accident dans le cas d'Adonis, je ne suis pas dans la garde rapprochée et je ne sais pas exactement ce qui s'est passé, mais est-ce que ça se peut qu'il n'ait pas été dans une condition physique optimale ? Je n'en ai aucune idée et je ne veux pas le supposer. »

« Je regarde seulement nos gars et j'espère que ça aura un impact sur leur préparation. On va juste s'assurer que nos athlètes soient prêts. » - Antonin Décarie, d'Eye of the Tiger Management

Marc Ramsay, entraîneur de David Lemieux, mais aussi d'Eleider Álvarez, Artur Beterbiev et plusieurs autres boxeurs de haut niveau, est agacé par la polémique qui a suivi le drame de samedi dernier.

« Dans les derniers jours, tout le monde a donné son opinion. Il y a des gens qui ont fait du millage sur les réseaux sociaux juste parce qu'ils voulaient se faire voir. Ce n'est pas le bon moment, il y a une famille qui est en train de passer une épreuve qui est vraiment un cauchemar. »

Marc Ramsay ne fait pas l'autruche pour autant.

« Il ne faut pas avoir peur d'en parler avec ses athlètes si c'est un sujet. Ça n'est pas le cas en ce moment. Ma règle numéro un, au-delà des victoires, c'est de les protéger avec le plus d'argent possible dans les poches et le moins de dégâts physiquement. Garder leur intégrité. C'est une tâche que je prends très au sérieux. Pour les combats, mais pour la carrière dans sa globalité. Qu'on pense à Antonin [Décarie]. À un certain moment, j'ai fait un meeting avec lui. Je lui ai dit que le calcul était simple, il n'y avait plus rien à aller chercher par rapport à ce qu'on laisse en santé. C'est maintenant. Il m'a bien écouté. J'aime mieux deux combats trop tôt que deux combats trop tard. »

UN ADVERSAIRE REDOUTABLE

Au dire de l'entourage de David Lemieux, Tureano Johnson sera un adversaire beaucoup plus redoutable que le précédent, Gary O'Sullivan, battu par K.-O. dès le premier round à la suite d'un percutant crochet de la gauche.

« Il sera plus compliqué parce qu'il change complètement de position entre gaucher et droitier, pas seulement entre les rounds, mais dans le même round, dit l'entraîneur Marc Ramsay. Et il a une force de frappe comparable à O'Sullivan. Ça prend une approche spéciale. On a eu plusieurs partenaires d'entraînement, on changeait de partenaire entre les rounds, il a fallu emmerder David pendant le camp d'entraînement pour qu'il soit fin prêt. C'est un gars qui boxe beaucoup mieux qu'O'Sullivan. »

Ramsay connaît bien ce Johnson. Il a essayé de le convaincre de venir boxer au Québec il y a quelques années. « J'ai fait les approches en même temps qu'[Eleider] Álvarez et [Oscar] Rivas. On l'a fait venir à Miami. On avait eu de bons pourparlers. Sa mère gérait sa carrière. Mais on a pris des directions différentes. Je l'ai recroisé une fois par la suite, mais j'ai suivi sa carrière de près. »

Le coach de Lemieux dit le connaître sous toutes ses coutures. 

« Je connais ses forces et ses faiblesses depuis très longtemps. Je ne sais pas à quel point il peut comprendre à quel point je l'ai observé longtemps avant de l'approcher. J'ai continué à l'observer par la suite parce qu'il est dans la catégorie de mes gars. » - Marc Ramsay

Le combat de David Lemieux sera disputé à New York et diffusé par la plateforme numérique DAZN, un acteur déjà important dans le monde de la boxe. Son adversaire de 29 ans est le premier aspirant de la WBA, le troisième de la WBO et le sixième de l'IBF. Il constitue un passage obligé si Lemieux veut obtenir son combat tant attendu contre le champion Canelo Álvarez.

« DAZN, c'est une nouvelle chaîne, dit-il. C'est déjà gros et ça risque d'être encore plus gros. Ça a pris la place de HBO. Mon but, c'est d'avoir le monde entier qui me regarde. Si DAZN peut être gros à long terme, je vais bien performer et on va être avec eux. »

Une victoire rapprochera Lemieux d'Álvarez. « On avait un objectif, affronter Canelo, dit Marc Ramsay. On veut forcer les gens à nous donner ce combat. Une belle victoire va peut-être nous rendre inévitables. »

David Lemieux a l'expérience du mythique Madison Square Garden puisqu'il y avait combattu Gennady Golovkin en combat de championnat du monde en 2015.

« Contre Golovkin, on a eu la prévente la plus rapide de l'histoire. C'était rempli, l'atmosphère était spectaculaire. Ça va être plein le 15 décembre. Je sais à quoi m'attendre. C'est toute une scène pour la boxe. C'est différent des autres places. »

Johnson prédit une victoire par knock-out au cinquième round. « J'ai hâte de voir ça, répond Lemieux. Johnson est beaucoup plus dans le trouble qu'il le pense... »