Georges St-Pierre et Kevin Owens peuvent en témoigner : les Québécois actifs dans certaines disciplines sont souvent plus connus à l’étranger qu’à la maison. Mais leurs succès ont fini par se rendre ici et en faire des personnalités bien connues du grand public.

À plus petite échelle, c’est la situation d’Émile-Charles Baillargeon-Laberge. Ce Lavallois est mieux connu sous le nom de Speedball Mike Bailey. À 32 ans, ce lutteur au charisme débordant s’est produit aux États-Unis, au Japon, en Angleterre et en Allemagne.

Ce vendredi, à Albany, il sera une des têtes d’affiche de Bound for Glory, plus grand spectacle annuel d’Impact Wrestling, considéré comme la troisième organisation de lutte aux États-Unis, derrière la WWE et l’AEW.

Il y sera à titre de champion de la division X, soit le titre secondaire, qui revient souvent aux lutteurs qui se distinguent par la qualité de leurs combats. L’adversaire de Bailey sera Frankie Kazarian.

« Kazarian est plus vieux, mais il bouge encore très bien. Ce sera un des meilleurs combats de la soirée », prédit Handsome JF (Jean-Frédéric Clément, de son vrai nom), qui assurera la description en français de l’évènement avec le légendaire Marc Blondin.

Ceinture noire

Comme pour bien des lutteurs, la « carrière » de Baillargeon commence dans le sous-sol de la maison familiale, sur des matelas, vers l’âge de 7 ans.

Sauf qu’à 11 ans, il s’inscrit à un autre sport de combat, le taekwondo. « Je suis ceinture noire, quatrième dan », dit-il fièrement au bout du fil, de son domicile en Pennsylvanie.

Il suffit de le voir lutter une fois pour comprendre l’influence des arts martiaux. Comme le faisait King Tonga à l’époque de Lutte internationale, il lutte nu-pieds, et ses coups de pied sont d’un réalisme renversant. Son style de lutte, ses cheveux foncés, mi-longs, et son allure de négligé font dire à Handsome JF qu’il est un mélange de Ricky The Dragon Steamboat – une légende des années 1980 – et de Karate Kid.

« Ricky Steamboat, c’est un peu loin, mais c’est l’exemple que les gens connaissent le plus, reconnaît Baillargeon, amusé. Comme lui, j’essaie d’amener les arts martiaux dans ma lutte. »

Voyez un combat de Speedball Mike Bailey

Ce qui le rend populaire ? « C’est l’appréhension, croit Handsome JF. Ses coups rentrent très bien. »

Peu importe l’histoire qu’il raconte pendant le combat, les gens ont hâte de voir ce qu’il va faire. Il a une connexion avec la foule. Il rentre avec son mouthpiece blanc, il sourit. Même ceux qui prennent toujours pour les méchants n’ont pas le choix de prendre pour lui !

Handsome JF, descripteur des combats d’Impact Wrestling

Son lien avec les arts martiaux lui viendra en aide, puisque de 2016 à 2021, il a dû travailler surtout au Japon et en Europe. Il a en effet été arrêté en se rendant lutter aux États-Unis sans visa de travail. La sanction : interdiction d’entrer au pays pendant cinq ans.

Sachant qu’il est aujourd’hui une tête d’affiche d’une fédération relativement importante, comment voit-il cet épisode ?

« C’est dur à dire. C’est facile de supposer tout ce qui aurait pu arriver si j’avais pu lutter aux États-Unis, rappelle-t-il. Ç’aurait pu être mieux, mais ç’aurait pu être pire. J’ai passé cinq ans à voyager partout dans le monde et je suis fier de mon parcours. »

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DE SPEEDBALL MIKE BAILEY

Le lutteur québécois Speedball Mike Bailey (à gauche) en action

L’identité

Là où Baillargeon se démarque, c’est aussi dans son identité. Aux yeux de plusieurs, le milieu de la lutte est le royaume de la testostérone, où les montagnes de muscles dégagent une image hyper masculine.

Or, Baillargeon est répertorié à 5 pi 8 po et 174 lb. Sur son compte Twitter, on peut lire qu’il s’identifie comme « he/they », dénomination commune chez les personnes non binaires.

Je crois plus ou moins aux genres. J’ai le contraire d’une forte identité de genre, je n’ai aucun attachement à m’identifier comme un homme.

Émile-Charles Baillargeon-Laberge, dit Speedball Mike Bailey

L’été dernier, lorsqu’il est devenu champion de la division X, le site Outsports, qui s’intéresse aux membres de la communauté LGBTQ+, titrait que Baillargeon était le premier lutteur de cette communauté à remporter une ceinture en simple à Impact. L’article a chicoté le lutteur.

« Je suis difficile là-dessus, admet-il, parce que je n’ai jamais affronté les défis que les personnes trans affrontent. Ça ne me dérange pas que les gens m’identifient comme un homme. Ce n’est pas que je n’étais pas à l’aise avec l’article, mais j’aurais préféré qu’ils mettent de l’avant quelqu’un qui représente plus les obstacles de la communauté LGBTQ+ que moi. »

Baillargeon cite en exemple Gisele Shaw, également chez Impact. « Elle s’identifie comme trans, elle a beaucoup de succès, elle représente bien Impact et a participé à des défilés de la fierté, énumère-t-il.

« À mes yeux, accepter les gens tels qu’ils sont, c’est pas mal la base. »

En bref

L’origine du surnom Speedball

« Une speedball, c’est le coussin que les boxeurs frappent à l’entraînement. Michael Ryan, qui écrivait beaucoup sur la lutte québécoise avant sa mort, a dit de moi, à mes débuts, que je bondissais comme une speedball. J’aime le surnom, ça fait un peu mystérieux et c’est comme un hommage à lui. J’aime aussi le surnom parce que c’est que quelqu’un d’autre me l’a donné, au lieu que ça vienne de moi. »

L’origine du nom Mike Bailey

« Mon grand-père, Lucien Baillargeon, se faisait appeler Lou Bailey quand il jouait au hockey aux États-Unis. Baillargeon est très dur à prononcer pour les anglophones ! Mais honnêtement, je le regrette un peu. Au début, tu te trouves un nom de lutteur comme si tu vas lutter à la télévision aux États-Unis. J’aurais préféré garder mon vrai nom. »

Description en français

Les évènements majeurs d’Impact sont maintenant présentés en français, sur la plateforme payante FITE, avec Marc Blondin et Handsome JF à la description. Les deux hommes travaillent ensemble depuis un peu plus d’un an. Blondin a d’ailleurs lancé, le mois dernier, son autobiographie, intitulée Soyez-y, mesdames et messieurs. On devine qu’un type qui a côtoyé des personnages comme Macho Man Randy Savage, Jake The Snake Roberts et l’Ultimate Warrior a quelques histoires à raconter…