Une Ferrari était stationnée devant la Place Bell mardi midi. Rouge, comme il se doit. Sauf erreur, le bolide n’était pas la propriété de Kim Clavel, mais il incarnait parfaitement la thématique ranimée par la boxeuse pour son combat de retour le 28 avril à Laval.

Après sa défaite par décision unanime contre Yesica Nery Plata le 13 janvier, Clavel a laissé tomber le bleu azur pour renouer avec le « rouge Ferrari » qui l’avait conduite à un premier titre mondial en juillet 2022 au Casino de Montréal.

Le changement n’est pas qu’esthétique. La pugiliste de 32 ans assure avoir procédé aux ajustements nécessaires en vue de son affrontement de 10 rounds contre la Mexicaine Naomi Arellano Reyes (9-2, 5 K.-O.) qui mettra en jeu les ceintures des mi-mouches (108 lb) internationale du WBC et intercontinentales de l’IBF et la WBO.

« Ce combat-là, je le prends vraiment pour me construire pour un éventuel combat revanche contre Nery Plata, a annoncé Clavel en conférence de presse. Les petites choses que je n’ai pas faites contre Nery Plata et qui m’ont coûté la victoire : être alerte défensivement, accrocher quand c’est le temps, prendre l’espace dans le ring, aller me promener. Ces choses, je veux les mettre en action le 28. »

À l’annonce du combat, le mois dernier, Clavel avait souligné qu’elle devait « parfois être une petite bum » entre les câbles pour parvenir à ses fins.

« Elle a l’impression que c’est tricher, mais ce n’est pas tricher, l’avait corrigée le promoteur Yvon Michel. Ce sont seulement des subtilités. […] J’ai connu des boxeurs comme ça qui voulaient être tellement purs sur le ring. Tu ne peux pas être juste pur. Tu dois être plus efficace. »

Le président du Groupe GYM avait cité en exemple Bernard Hopkins et Andre Ward, « probablement les plus grands spécialistes pour embêter les adversaires ». « Elle a seulement besoin de comprendre ça un peu. »

Quelques semaines plus tard, Clavel (16-1, 3 K.-O.) se dit prête à mettre cette nouvelle attitude à l’œuvre contre Arellano Reyes, qui revient elle aussi d’une défaite. Mais pas au point de brider son style offensif.

Je ne le perdrai jamais, ça fait partie de ma personnalité. En 17 combats, il n’y en a jamais eu d’ennuyant. Ça va toujours rester. Il s’agit de le faire intelligemment, boxer pour gagner. Ça ne fera pas un combat plate à regarder [pour autant]. C’est juste qu’il faut gagner, la victoire est importante à ce moment-ci de ma carrière. Il ne faut pas que je la laisse s’échapper.

Kim Clavel

Sans travestir sa nature, la native de Joliette veut « être plus alerte, plus concentrée ». « Mon style reste le même. Il est captivant, il y a beaucoup d’énergie. En deux minutes, ça va vite. C’est sûr que ce ne sera pas ennuyant, mais je vais aller chercher la victoire avec une concentration hors pair. »

La préparation

Aux dires de l’entraîneuse Danielle Bouchard, sa protégée a travaillé spécifiquement sur cette facette durant son stage préparatoire.

« On a fait de beaux ajustements en lien avec [l’aspect] cognitif, c’est-à-dire une belle concentration. Kim a retrouvé une belle joie de vivre. La défaite n’a pas été facile, mais tout ça, c’est du passé. […] Ce sera un combat enlevant comme d’habitude. On aura une Kim qui va rebondir et qui va vous surprendre par moments, j’en suis convaincue. »

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Kim Clavel et son entraîneuse Danielle Bouchard

Le clan Clavel a introduit des « doubles tâches » à l’entraînement, comme exécuter un sprint en état de fatigue et répondre ensuite à une consigne particulière, par exemple toucher une lumière de telle couleur.

« Ça ajoute un petit défi de concentration dans la tâche, a expliqué Bouchard. C’est une chose, mais il y en a beaucoup d’autres. »

Sur la recommandation de la nouvelle retraitée Marie-Ève Dicaire, la boxeuse s’est également adjoint les services de Jean-François Ménard, préparateur mental pour Mikaël Kingsbury, le Canadien de Montréal et une panoplie d’athlètes olympiques. Elle a d’ailleurs l’impression d’aller « à l’université » en lisant son livre L’olympien au bureau, rédigé en collaboration avec l’ex-journaliste Marie Malchelosse.

« Rendu à un certain niveau, c’est l’élite mondiale, tout le monde est bon, a exposé Clavel. C’est dans la tête que ça se passe. Il faut être fort mentalement. On travaille beaucoup le cognitif, la concentration, qui est hyper importante entre chaque round et à chaque moment. Je ne dois rien laisser de l’extérieur venir déranger mon intérieur. »

Pour la première fois de sa carrière professionnelle, l’ex-championne mondiale remontera dans le ring après une défaite. Elle a puisé dans son expérience en boxe amateur pour se rassurer. À son premier affrontement international, elle s’était inclinée devant la Roumaine Steluta Duta.

« Ça avait été un combat très difficile, un retour sur terre sur la scène internationale. Trois ans plus tard, aux Championnats du monde avec Danielle, on a eu Steluta Duta au tirage au sort. J’avais été chercher la victoire. Ça prend une force mentale, de la concentration, du caractère, de la persévérance. C’est ce que j’aurai le 28. »

Une revanche ?

Cet affrontement est évidemment capital puisque le promoteur souhaite organiser une revanche contre Nery Plata dès le 7 octobre à la Place Bell.

« Kim voudrait que ce soit Plata pour le prochain coup, a dévoilé Yvon Michel. Je peux aller chercher ce combat de deux façons : positionner Kim comme aspirante obligatoire et l’obliger à venir ou discuter avec elle et tenter d’en venir à une entente négociée pour la convaincre de revenir ici. On a déjà commencé à discuter avec elle. »

La Mexicaine a même sondé l’intérêt de GYM de devenir son promoteur, apparemment déçue des offres qu’elle a reçues depuis son unification des titres WBA et WBC. Yvon Michel n’est pas fermé à l’idée, mais à une condition : qu’elle accorde une revanche à la Québécoise à l’automne.

« Ça prend absolument une victoire [de Kim] pour se repositionner, mais je tire tous azimuts pour être certain qu’en octobre, elle se batte en championnat du monde, a-t-il indiqué. Ce serait prioritairement conte Nery Plata, sinon ce sera contre [l’Argentine Evelin] Bermudez », championne IBF et WBO.

Clavel, qui doit participer à une caravane aux quatre coins du Québec au printemps, assure qu’elle ne se projette pas si loin.

« On parle d’une revanche, mais pour l’instant, je n’y pense même pas, a certifié la première aspirante du WBC. C’est mon combat du 28 qui compte, rien d’autre. »

« Le combat le plus important de ma carrière »

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Sur l’écran à l’arrière : la prochaine adversaire de Kim Clavel, la Mexicaine Naomi Arellano Reyes

L’ex-championne mondiale a pu exercer son espagnol avec Naomi Arellano Reyes, qui a participé à la conférence de presse de façon virtuelle depuis la région de Los Angeles, où elle réside depuis quelques années.

La Mexicaine de 28 ans se remet d’une défaite subie le 8 octobre en Californie, son premier face-à-face disputé à l’extérieur de son pays natal.

« C’est une boxeuse très forte, mais moi aussi, je me suis bien préparée pour gagner ce combat », a déclaré Arellano Reyes par l’entremise d’un interprète.

Avant ce deuxième revers, elle avait enregistré cinq gains consécutifs, dont quatre par K.-O. Elle a vaincu par décision l’ex-multiple championne mondiale Carina Moreno, sa plus grande réussite en boxe jusqu’à maintenant.

« Ce sera le combat le plus important de ma carrière parce que j’affronte une adversaire très forte en Kim. Ce sera aussi la deuxième fois que je me battrai à l’extérieur de mon pays. »

Arellano Reyes a visionné la bagarre Clavel-Nery Plata du 13 janvier, évaluant « que les deux auraient mérité de gagner ». « C’était un combat très serré. »

Elle estime également qu’elle aurait dû recevoir la faveur des juges lors de sa dernière défaite contre la jeune gauchère américaine Gabriela Fundora, qui s’est déroulée dans la catégorie supérieure des 112 lb. « Il y a des choses que vous n’avez pas vues à la télévision. Je suis fière de ce que j’ai fait comme travail pendant le combat. »

Kim Clavel ne partage pas totalement l’évaluation de sa future rivale : « C’est vrai qu’elle a su déranger Fundora par sa pression physique. C’était un combat un peu plus serré que ce que les cartes ont dit, mais je ne donnais pas la victoire à Naomi. »

Arellano Reyes a prévenu la vedette québécoise de la boxe de ne pas penser trop vite à une revanche contre Nery Plata. « Je me prépare vraiment fort pour ce combat et il ne faut pas parler tout de suite de victoire de la part de Kim. »

Simon Drouin, La Presse