Parfois, même le meilleur de nous-mêmes ne suffit pas. Kim Clavel a été quasi irréprochable, samedi soir, mais elle a quitté la Place Bell les mains vides… à la grande surprise de la pugiliste elle-même, de son équipe et probablement de bien des spectateurs.

Bermúdez, dont il s’agissait du dixième combat de championnat du monde en carrière, a vaincu la Québécoise par décision partagée. Un juge a accordé un score de 98-92 en faveur de Clavel, tandis que les deux autres ont remis des cartes de 96-94 pour son adversaire. Bermúdez rentre donc en Argentine avec ses deux ceintures de championne du monde unifiée de la WBO et de l’IBF.

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Bermúdez a obtenu la faveur de deux juges 96-94, tandis que Clavel a reçu une note de 98-92.

Clavel a pourtant été irréprochable stratégiquement. Elle a offert une performance digne des grandes. Elle a été intelligente. Vive. Rapide. Mais ça n’a pas été suffisant.

L’ambiance était d’ailleurs tout sauf lugubre en conférence de presse, après le combat. C’est que ni la pugiliste, ni ses entraîneurs, ni le promoteur Yvon Michel n’étaient d’accord avec la décision des juges. Et ils se sont assurés de le faire savoir haut et fort.

« Je pense que c’était mon combat le plus stratégique, le plus intelligent, a lâché Clavel. J’étais le plus disciplinée défensivement. […] Quand j’ai eu fini mon 10round, j’ai levé mon bras. J’étais certaine qu’on l’avait. Je le sentais. Je n’ai pas de blessures. »

Oui, je me suis fait toucher parfois. Oui, parfois, elle finissait fort, mais on ne gagne pas un round en 10 secondes. J’ai été en contrôle tout le long.

Kim Clavel

« Je suis fière de ma performance, mais je suis frustrée parce que c’est l’avenir, a-t-elle continué avec insistance. En ce moment, j’aurais deux ceintures. Je serais championne du monde unifiée. J’aurais peut-être une revanche contre Plata. Mon rêve, c’est d’avoir les quatre ceintures, et c’est retardé à cause du mauvais jugement d’une personne. Et je n’enlève rien à Bermúdez. Elle cogne dur, elle est bonne, elle a de longs bras, mais techniquement, stratégiquement, j’ai beaucoup plus d’outils qu’elle et je l’ai démontré ce soir. »

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Kim Clavel et Evelin Bermúdez

Son promoteur, Yvon Michel, ne s’était pas gêné pour prononcer le nom du juge Benoit Roussel, quelques minutes auparavant.

« Quand la régie a présenté les juges, j’ai juste dit : on ne veut pas Benoit Roussel. C’est le seul qu’on ne veut pas. Prenez n’importe qui, mais pas lui. On a des statistiques sur lui et ce n’est pas beau, ce qu’on a. Mais c’est lui qu’ils ont pris. »

« J’étais tellement confiant, a-t-il poursuivi. J’avais comme le juge de Chicago : 98-92. Kim a été responsable défensivement, elle a été brillante, rapide. Elle a touché plus souvent, elle a contrôlé l’action. […] C’est sa plus belle performance en carrière. Pour moi, elle est la meilleure boxeuse de la division, elle n’est juste pas championne. »

L’entraîneuse de Clavel, Danielle Bouchard, a eu sensiblement le même discours. Elle a vanté l’intelligence de sa boxeuse dans le ring, sa défensive « solide », sa « belle contre-attaque », sa vitesse et son « jab qui déstabilise ». Tant de raisons qui, croit-elle, auraient dû permettre à sa protégée de soulever les deux ceintures au bout de ses bras.

« Une chance qu’on a eu quelques minutes pour se calmer, a calmement lâché Bouchard. Ce qu’on a ressenti après, c’est beaucoup de la colère. Honnêtement, toute l’équipe est tellement fière de Kim. Vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point le scénario de ce soir a été pratiqué. […] Tout a été répété. Elle a tout fait. Elle a gagné ce combat-là. »

« C’est sûr que ce n’est pas fini »

Malgré son visage rapidement tuméfié, Clavel a été supérieure dès les premiers rounds. Chaque fois que Bermúdez tentait d’attaquer, elle offrait une réponse. Ses enchaînements étaient au point.

Beaucoup plus consciente et en contrôle défensivement que lors de ses derniers combats, la pugiliste de 33 ans était dans sa zone, pas le moins du monde affectée par ce qui se passait autour d’elle. Complètement concentrée sur la tâche.

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Kim Clavel frappe Evelin Bermúdez.

« J’ai été patiente dans ce combat-là, a dit Clavel. Je vais le revisionner, mais les coups les plus propres, je suis certaine que c’est moi qui les ai donnés. »

Bermúdez est néanmoins demeurée droite comme un chêne. Quand la cloche annonçant la fin du combat a sonné, la foule était déjà debout et ovationnait la Québécoise, visiblement convaincue que c’était dans la poche.

Quant à savoir comment elle allait se rebâtir, l’athlète a répondu qu’elle prendrait « un bon deux semaines en dehors du gym ». « On va réfléchir, mais c’est sûr que ce n’est pas fini, a-t-elle assuré. Je suis une championne du monde ce soir. J’ai la capacité d’aller unifier les titres, ça, j’en suis certaine. Et je n’ai pas plafonné. »

C’est un deuxième revers en neuf mois en combat d’unification pour Clavel, dont la fiche est désormais de 17-2-0.

« J’ai essayé de contrôler tout ce que je pouvais contrôler, mais je ne pouvais pas contrôler Benoit Roussel », a-t-elle résumé.