Lorsque l’inévitable question survient, Camille Estephan prend une grande respiration. Puis pèse ses mots. « Ça fait mal à la boxe, des agissements similaires. »

« C’est du bullying, c’est inacceptable », ajoute le promoteur d’Eye of the Tiger Management (EOTTM).

Estephan parle notamment des propos que son principal compétiteur, Yvon Michel, a tenus à l’endroit du juge Benoît Roussel et de la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) après la défaite de Kim Clavel par décision partagée, samedi dernier.

En conférence de presse à la suite du combat, Michel a avancé que le juge Roussel, un officiel à la renommée internationale, n’aurait pas dû juger l’affrontement, sous prétexte que son équipe avait « des statistiques sur lui, et ce n’est pas beau ». Roussel a eu tendance à privilégier les combattants visiteurs affrontant ceux du Québec ici, par le passé, selon Michel.

Mais Estephan fait aussi, et surtout, référence aux révélations du journaliste Martin Leclerc, de Radio-Canada Sports, voulant que le promoteur de GYM ait fait irruption dans le vestiaire de la RACJ ce soir-là, en s’en prenant verbalement à la responsable des officiels, Sylvie L’Écuyer, et à l’arbitre Albert Padulo fils, qu’il a confondu avec le juge Roussel.

Michel a depuis démenti avoir agi de la sorte dans les médias, mais n’a fait que nuancer ses propos sur le juge Roussel.

Peu importe, selon Estephan. Le mal a été fait.

« Je n’ai pas vu le combat, dit-il, voulant être transparent. J’ai vu les faits saillants. J’ai vu les entrevues qui ont été faites après. Le travail d’un juge, ce n’est pas facile. […] Ça ne veut pas dire qu’un individu ne peut pas avoir une mauvaise soirée. Mais je ne suis pas là pour juger du travail de Benoît Roussel. Moi, je le respecte énormément. Je vois ses accomplissements. »

Il déplore que l’image de la boxe professionnelle en prenne pour son rhume depuis samedi. Ça lui « fait de quoi » d’entendre des gens parler du sport qui le « passionne » comme d’un « cirque ».

On est tous passionnés par ce sport, et se faire garrocher des roches de même, ça me fait vraiment de la peine. On doit s’aider, et on ne s’est pas aidés. Oui, des émotions peuvent monter, mais ce sont des choses qu’on peut régler. Il ne faut pas laver son linge sale à l’extérieur.

Camille Estephan

La réponse d’Estephan est longue, et sentie. Et elle n’est pas finie.

« Ça me fait vraiment de quoi. Je tiens à dire que d’après moi, la Régie au Québec fait un excellent travail. Il n’y a aucun doute. Ils sont là pour les bonnes raisons. »

« C’est très, très bien géré, continue-t-il. De la part de la boxe professionnelle, je veux qu’on s’excuse à ces gens-là. »

Estephan confirme qu’en tant qu’organisateur d’un évènement du genre, « tu peux donner ton opinion » par rapport au choix des juges. « Il y a toujours un droit de regard là-dessus, mais c’est la Commission qui décide en fin de compte. »

« On est à la merci de ça »

Pour Marc Ramsay, des situations comme celles vécues par le Groupe Yvon Michel samedi, « ça fait partie un peu de la business ».

« Le combat comme tel est un combat qui était très serré, estime l’entraîneur. Je l’ai regardé moi-même. On est dans un sport jugé. On voit ça dans le patinage artistique. On voit ça dans plein d’autres sports. On est à la merci de ça. »

Lui aussi a dû accepter des décisions avec lesquelles il n’était pas d’accord. « Parfois, même, j’ai eu des décisions [de mon côté] que je ne pensais pas avoir. »

À RDS, Michel a expliqué qu’il voyait Roussel « comme le juge pivot » au sein des trois officiels ; les deux autres étaient Américains.

Ramsay est plutôt d’avis que c’est généralement le juge neutre qui fait pencher la balance. Il donne l’exemple du combat d’Artur Beterbiev contre l’Anglais Callum Smith, en janvier prochain. Il prévoit qu’un juge québécois et un juge du Royaume-Uni officieront ce pugilat. Mais c’est la sélection du troisième individu qu’il examinera plus précisément.

« Quand on tombe dans les juges neutres, là, j’aime ça avoir une liste. On peut choisir là-dedans, on regarde les tendances des juges, voir s’ils y vont plus pour les techniciens ou les gars un peu plus rough. Tu peux avoir une sélection, mais avec notre propre régie, c’est plus rare. »

Ces entrevues avec les membres d’EOTTM ont eu lieu dans le cadre de la pesée officielle en vue du gala de mercredi, mettant en vedette Mary Spencer en finale, dans un combat de championnat du monde revanche face à la Belge Femke Hermans.

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L’entraîneur de Spencer, Samuel Décarie-Drolet, est-il satisfait du choix de ceux qui décideront du sort de sa protégée pour cet affrontement ?

« Pour être honnête avec vous, je n’ai même pas regardé le choix des juges », lance-t-il.

« Ça va être à nous de ne laisser aucun doute dans la tête des juges, en offrant la meilleure performance possible. »