« Je me suis toujours senti comme si je nageais seul dans le grand océan de la boxe. Mais maintenant, je suis dans un bateau. »

Le navire, c’est la société de promotion Eye of the Tiger Management (EOTTM). Le boxeur, c’est Steve Claggett, un pugiliste autodidacte de Calgary. Le « Dragon » canadien affrontera ce mardi soir l’Américain Miguel Madueno, en finale d’un gala présenté au Casino de Montréal.

Claggett (36-7-2, 25 K.-O.) y défendra sa ceinture NABF des poids super-légers (140 lb) et tentera de mettre la main sur le titre vacant international des super-légers de la WBO.

Il s’agira de son huitième combat au sein de l’écurie pilotée par Camille Estephan. Le boxeur de 34 ans a auparavant passé toute sa carrière chez les professionnels en tant qu’agent libre.

PHOTO VINCENT ÉTHIER, FOURNIE PAR EYE OF THE TIGER MANAGEMENT

Steve Claggett et Miguel Madueno

« [Estephan] me donne une direction, du soutien », a expliqué Claggett à La Presse, quelques minutes après la pesée officielle qui s’est tenue au Cabaret du Casino, lundi midi.

Il a beau s’apprêter à disputer une rixe importante qui devrait enfin prouver qu’il appartient à l’élite de sa division, l’Albertain répond à nos questions d’une voix posée, d’un calme olympien, et le sourire toujours en coin.

Cet encadrement offert par EOTTM, « c’est quelque chose que je n’ai pas eu pendant longtemps », dit-il. « Je leur en suis reconnaissant. »

Estephan dresse un parallèle entre le parcours de Claggett et celui du personnage de Russell Crowe dans le film Cinderella Man (2005). Le long métrage raconte l’histoire d’un boxeur de la Grande Dépression « qui n’allait nulle part », qui n’était « pas censé devenir une grande vedette ». Alerte au divulgâcheur : la fin du récit est triomphale.

Steve, c’est un peu la même histoire, je pense. Au début de sa carrière, c’était un gars qui prenait des combats à la dernière minute. Il était toujours dans le gym, il a donc développé de bonnes habitudes. Il était amené pour être “l’adversaire”.

Camille Estephan

C’est-à-dire le faire-valoir, le visiteur, celui qui affronte le favori. « Il n’avait pas de coach, littéralement. Il se coachait lui-même. Il ne faisait pas de sparring. Il était tout seul, à Calgary. »

« Et souvent, il a causé la surprise, raconte le promoteur. Souvent, il a été volé. Maintenant, il a un horaire. Il sait que ce n’est plus lui, l’adversaire. Il est dans le coin A, non pas dans le coin B. »

« Steve Claggett est adorable »

Claggett est invaincu depuis le début de son partenariat avec EOTTM, et plus particulièrement avec l’entraîneur Mike Moffa.

En la personne de Miguel Madueno (30-1, 28 K.-O.), « Claggett affronte un vrai adversaire », souligne Moffa.

On va savoir de quoi il est fait, s’il appartient aux ligues majeures.

Mike Moffa

Au-delà des titres, c’est aussi ça qui est à l’enjeu, mardi soir.

« Les promoteurs veulent voir ça. Steve Claggett est adorable, les promoteurs l’adorent. Il donne un spectacle, il force ses adversaires à travailler. Ça fait un combat excitant. »

Même son de cloche pour Marc Ramsay, entraîneur principal chez EOTTM.

« C’est un gars brillant dans le ring, il met beaucoup de pression, il fait craquer ses adversaires. C’est une recette qui lui va bien. Et il a un bon mariage avec Mike Moffa. On voit la progression depuis quelques combats. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Marc Ramsay

Et comme tous les mariages, cette relation ne s’apparente pas nécessairement à un long fleuve tranquille.

« Nous sommes de bons opposants, mais nous sommes des coéquipiers encore meilleurs, souligne Claggett. On travaille bien ensemble. C’est super de travailler avec quelqu’un qui a la même passion pour la boxe que moi. »

Moffa raconte en riant qu’il a eu maille à partir avec Claggett au moins une fois à chacun de ses sept précédents camps d’entraînement. Mais pas cette fois-ci.

« Il s’entraînait toujours à sa manière, dit-il. Dans le passé, il amenait qui il voulait dans son coin. Mais ici, c’est à ma manière. Et il n’était pas habitué à ça. On a eu de petits accrochages. »

Pour ce huitième camp d’entraînement, « ça a été harmonieux du début à la fin ! », indique Claggett. « Ce n’est pas pour rien qu’on a du succès, mais on n’a rien démontré encore. Le meilleur est à venir. »

Et cette fois, fini le coin B. C’est lui, la vedette du gala.

« C’est génial, souffle le boxeur. J’ai l’impression d’avoir été en cavale toute ma vie. Et finalement, j’ai une organisation qui me met dans une course. Je peux maintenant montrer à quelle vitesse je cours. »

« Steven avait besoin de changer d’air »

Même si Steven Butler a disputé deux combats de championnat du monde, son affrontement de ce mardi est « le plus important de sa vie », selon son nouvel entraîneur, l’Américain John Scully.

« C’est comme ça que la boxe fonctionne, dit-il. À peu près tous tes combats sont les plus importants de ta vie. Mais celui-ci particulièrement, après avoir subi cette défaite. »

PHOTO VINCENT ÉTHIER, FOURNIE PAR EYE OF THE TIGER MANAGEMENT

Steven Butler

C’est que le pugiliste montréalais (32-4-1, 26 K.-O.) a perdu lesdits combats de championnat du monde. Celui de mai dernier, contre Zhanibek Alimkhanuly à Stockton, a fait le plus mal : ce dur échec en deux rounds l’a fait se remettre en question pour la suite de sa carrière.

Dans ce contexte, « c’est tout ou rien [boom or bust] » contre le Mexicain Ivan Alvarez (32-14-4, 21 K.-O.) en demi-finale, dixit Camille Estephan.

« Son état d’esprit, c’est de se donner une vraie chance, ultime, de faire tous les sacrifices, estime le promoteur. Je pense personnellement que le focus n’a pas toujours été là à 100 %. T’as la famille, t’as beaucoup de responsabilités. Les tops dans le sport, en boxe ou ailleurs, ils y mettent toute leur concentration. Je ne pense pas qu’il a fait ça jusqu’à maintenant dans sa carrière. »

Du moins, jusqu’à ce camp d’entraînement. Steven Butler a quitté sa « zone de confort » en allant s’installer à Hartford, au Connecticut, ville où est situé le gym de John Scully.

« Je pense que Steven avait besoin de changer d’air, dit Marc Ramsay. De changer ses habitudes qu’il avait ici, à Montréal. »

« Dans la direction qu’on prenait avant, il n’allait pas y arriver, lance quant à lui Estephan. On a essayé deux fois, on a raté deux fois. Il fallait faire un changement drastique. »

John Scully connaît bien la maison, lui qui a travaillé avec Ramsay pour entraîner Artur Beterbiev. Même si Butler était mûr pour un changement, son nouvel entraîneur assure ne pas l’avoir trop brusqué.

« Les gens pensent que les nouveaux entraîneurs vont tout changer. C’est insensé de faire ça. Je le laisse se battre à sa façon, mais on améliore son jab, on le fait penser un peu plus. »

Steven Butler a eu l’encadrement dont il avait besoin. C’est maintenant à lui de faire le travail, croit Camille Estephan.

« Le cheval, tu peux l’amener au puits, mais c’est à lui de boire. »

« Garde un œil sur Imam Khataev »

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Imam Khataev

Camille Estephan fonde de grands espoirs en l’Australien Imam Khataev (4-0, 4 K.-O.). « C’est d’après moi le meilleur qu’on ait signé jusqu’à présent », dit-il. Rien de moins. Le gladiateur de 29 ans affrontera le Mexicain Fernando Galvan, mardi soir. « Il a 60 combats amateurs, il est champion du monde chez les amateurs, il est médaillé de bronze aux Olympiques [à Tokyo]. » Lundi, le regard qu’il a porté à son adversaire pendant qu’ils faisaient la pose après la pesée a été sans contredit le plus sévère du lot. La tension était à découper au couteau, tellement que des têtes se sont tournées dans la salle lorsqu’elle a été relâchée. « On veut le faire monter rapidement, dit Estephan. S’il gagne en santé [ce mardi], on veut aller lui chercher un titre le 13 janvier. »