Une « pieuvre » argentine en fin de carrière, imprévisible et charmée par les Montréalaises : voilà l’énigme que devra résoudre Erik Bazinyan pour maintenir son nom parmi les prétendants à l’une des quatre couronnes mondiales des super-moyens détenues par Saúl « Canelo » Álvarez.

Invaincu en 31 confrontations professionnelles, figurant parmi les cinq premiers aspirants des quatre principaux organismes de sanction, Bazinyan doit aiguiser sa patience en attendant un véritable combat d’envergure, à la hauteur de son palmarès.

Depuis un an, son entourage entretient sa motivation en le gardant actif et en lui fixant des objectifs à court terme. Son prochain adversaire s’appelle Billi Facundo Godoy, un Argentin de 37 ans qui s’est bâti une fiche de 41-7 (20 K.-O.) depuis le début de sa carrière amorcée en 2007.

« C’est un dossier complexe », a assuré son entraîneur Marc Ramsay, mercredi midi, à l’issue de la pesée pour le combat présenté ce jeudi soir au Casino de Montréal, dans le cadre d’un gala d’Eye of the Tiger Management (EOTTM).

C’est un vétéran compliqué à affronter, qui est un peu comme une pieuvre. Ce n’est pas un boxeur classique ; c’est un gars qui fait un peu n’importe quoi dans le ring. Alors c’est très dur de prévoir ses mouvements.

Marc Ramsay, au sujet de Billi Facundo Godoy

Si sa force de frappe est « moyenne », dixit le coach, Godoy est rusé, endurant et peut lancer « à courte comme à longue distance ». Son principal fait d’armes est d’avoir tenu 10 rounds en 2015 avant de s’incliner devant le Britannique John Ryder, avant-dernière victime d’Álvarez, le champion incontesté.

« Il a une bonne défensive, a prévenu Ramsay. C’est un gars tough, capable d’en prendre. Il a affronté à peu près tous les meilleurs prospects de sa division. Il a prouvé sa durabilité. S’il a besoin d’accrocher, il va le faire. »

« Une situation critique »

À deux jours du combat, où deux ceintures mineures seront à l’enjeu, Bazinyan (31-0, 28 K.-O.) semblait plus préoccupé par la pesée que par l’identité de son adversaire. Le Lavallois de 28 ans est finalement monté sur le pèse-personne à 167,9 lb, par rapport à 166,3 lb pour Godoy, un poids moyen naturel.

« Oui, c’est un vétéran avec une bonne expérience, qui s’est battu contre John Ryder, a expliqué Bazinyan. Je me bats pour rester actif. C’est mon quatrième combat en un an, et je me concentre sur moi. Je suis sûr que je vais gagner et après, on va aller vers des combats internationaux. »

Pour y arriver, le boxeur québécois devra (encore) laisser une belle carte de visite, comme à son dernier duel en novembre, quand il a passé le K.-O. à Ronald Ellis, un Américain qui avait tenu 10 rounds face à son partenaire d’entraînement Christian Mbilli, l’autre super-moyen invaincu d’EOTTM.

« [Erik] est dans une situation critique, dans le sens où il ne doit pas juste gagner, il doit être impressionnant », a même avancé le vice-président d’EOTTM, Antonin Décarie. « Il doit prouver aux réseaux américains, aux grands décideurs actuels, qu’il est un vrai risque dans la division. »

Dans ce contexte, une « victoire terne » contre Godoy équivaudrait à une « défaite », a tranché l’ex-pugiliste devenu promoteur.

« Ça ne m’inquiète pas »

Charmé par sa première visite au Canada, en particulier par les femmes, le natif de Centenario, petite localité d’une région rurale de l’Argentine, admet avoir tergiversé un peu avant d’accepter ce défi face à Bazinyan.

« Pas à cause de sa fiche parfaite – je me suis souvent mesuré à des adversaires invaincus – mais parce que je ne me suis jamais battu à ce poids », a-t-il précisé par l’entremise d’une interprète.

Oui, il est plus jeune, il est fort, il est chez lui, mais ça ne m’inquiète pas. Je me vois gagnant de ce combat.

Billi Facundo Godoy, au sujet d’Erik Bazinyan

Le père de deux enfants concède néanmoins qu’il en est à ses derniers milles dans le noble art : « La boxe m’a beaucoup donné, mais j’aimerais pouvoir me retirer en santé, sans aucune blessure ou séquelle. »

Bazinyan assure ne pas prendre son rival sud-américain à la légère, même s’il convient avoir « beaucoup à perdre », contrairement à Godoy. « Mais je n’ai jamais pensé à la défaite », a poursuivi le favori local, qui ne s’est incliné qu’une seule fois sur un ring, à son premier de 109 duels amateurs…

S’il fait entièrement confiance au promoteur Camille Estephan et à son entraîneur, qui auront l’intelligence de lui dénicher des vis-à-vis stratégiques, Bazinyan commence à avoir hâte que se dénoue l’impasse créée par Álvarez.

« Mon équipe me trouvera de gros combats cette année. C’est maintenant ou jamais. C’est le temps. »

Avant ces agapes dont il rêve, Erik Bazinyan devra d’abord se farcir une pieuvre, coriace ou pas.

Le Mexicain cuivré détient les clés

PHOTO ED MULHOLLAND, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Saúl « Canelo » Álvarez

Depuis son revers face à Dmitri Bivol chez les mi-lourds en 2022, Saúl « Canelo » Álvarez a rétabli sa réputation d’un des meilleurs boxeurs « livre pour livre » actuel en défaisant coup sur coup Gennadiy Golovkin (pour la troisième fois), John Ryder et Jermell Charlo.

Titulaire des quatre ceintures de champion mondial des super-moyens, le Mexicain cuivré détient toutes les clés – et les gros chèques de paie – de la catégorie des 168 lb depuis un long moment.

« Tout le monde attend un peu sa chance face à Canelo, a résumé l’entraîneur Marc Ramsay. Les gens ne veulent pas prendre de risques face à des gars comme Mbilli ou Erik. »

Le directeur du développement d’EOTTM répondrait « oui » à une invitation de Canelo pour Bazinyan. « Pas seulement lui, mais Caleb Plant, David Benavidez, Demetrius Andrade. Erik est rendu là, maintenant, il faut que ça se passe, c’est tout. »

Mbilli contre Bazinyan ?

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Christian Mbilli

Pratiquement au coude-à-coude au sommet du classement des aspirants chez les 168 lb, Erik Bazinyan et Christian Mbilli pourraient-ils devoir en découdre un jour ? Antonin Décarie n’écarte pas cette possibilité.

« Malheureusement ou heureusement, ça fait un peu partie de la game, a souri le VP d’EOTTM. Si jamais tu as les deux tops au monde, on ne va pas bloquer un des deux pour que l’autre défende son titre. Ce serait un beau problème rendu là. »

Ramsay, leur coach commun, ne voit qu’une façon qu’un tel scénario se matérialise : un choc éliminatoire pour se mesurer à Álvarez. « On devrait alors avoir la confirmation de Canelo par contrat. Il y a tellement de sous impliqués qu’on y penserait peut-être. Sinon, il n’y aura pas de tel duel. »

Le combat de la soirée ?

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Albert Ramirez et Artur Ziyatdinov

Si Bazinyan et Godoy font les frais de la finale ce jeudi soir au Casino, le meilleur combat d’un point de vue sport risque d’être celui opposant le Vénézuélien Albert Ramirez (17-0, 15 K.-O.) à l’Ukrainien Artur Ziyatdinov (15-1, 12 K.-O.). Ramirez en sera à son premier affrontement au Canada depuis sa signature d’une entente de promotion avec EOTTM. Ziyatdinov, qui s’entraîne à Montréal sous la gouverne de Jesse Ross Thompson, est lui-même un ancien poulain de l’écurie québécoise, qui vient de servir de partenaire à Artur Beterbiev avant sa clinique de boxe donnée à Callum Smith, à Québec, le 13 janvier. La ceinture WBA internationale des mi-lourds sera à l’enjeu.

Après deux défaites face à la Belge Femke Hermans en championnat du monde, la Montréalaise d’adoption Mary Spencer (7-2, 5 K.-O.) effectuera pour sa part un retour en se mesurant à l’Américaine Sonya Dreiling (6-3, 2 K.-O.), qui lui concède presque une tête… L’Albertain d’origine Steve Clagett, le Montréalais Avery Martin Duval, le Colombien d’origine Jhon Orobio, le Québécois Wilkens Mathieu et le nouveau venu français Moreno Fendero sont les autres combattants à l’affiche du gala dont le coup d’envoi sera donné à 19 h. La carte est diffusée en intégralité sur le site Punching Grace, qui a fait l’objet d’une refonte complète pour son lancement mardi soir.