Simon Kean est fier de sa carrière. Mais le boxeur trifluvien raccroche tout de même ses gants avec un peu d’amertume.

« L’objectif ultime de tout boxeur, de tout athlète professionnel, c’est de faire de l’argent, a expliqué Kean mardi, après avoir officialisé cette annonce entouré des siens. Ce n’est pas d’être champion du monde, de gagner la Coupe Stanley. C’est de faire du cash, d’assurer son avenir.

« Cette chance d’un gros combat pour assurer mes vieux jours, je ne l’aurai pas. J’ai perdu. J’ai redoublé dans les classements, il va falloir que je travaille », a-t-il poursuivi.

Cette défaite dont il parle, c’est celle sans appel subie par K. -O. au troisième round contre Joseph Parker. Au lieu de repartir de ce combat avec les ceintures Intercontinentales des lourds de l’International Boxing Federation (IBF) et de la World Boxing Organization (WBO) et de se préparer à livrer un lucratif combat de championnat du monde, il est plutôt reparti de Riyad, en Arabie saoudite, avec sa deuxième défaite chez les pros et une commotion cérébrale.

À 35 ans, malgré une fiche fort enviable de 23-2 et 22 K. -O., il ne se voit plus remonter un à un les échelons menant vers ce coup d’argent.

« C’est long gravir les échelons, et quand tu retombes, c’est à vitesse grand V », note-t-il.

Il a déjà placé ses pions pour la suite de sa carrière. Détenteur d’un permis d’entrepreneur général, Kean a lancé une compagnie de finition de murs intérieurs et lancera dans les prochains mois une compagnie de toiture, lui qui a une formation de couvreur.

À la boxe pour changer de vie

Avec le recul, Kean voit bien tout ce que la boxe lui a apporté.

« La boxe m’a changé en tant que personne. Je n’ai pas commencé la boxe parce que c’était un bon complément pour ma condition physique, mais bien parce que j’étais un petit voyou et que j’aimais me battre », a-t-il reconnu.

« À un moment donné dans ma vie, j’ai eu des problèmes (il a été incarcéré pendant quelques mois) et j’ai dû me demander si je continuais dans cette voie ou si j’essayais de faire une carrière avec la boxe. Je ne le voyais pas, mais les gens autour de moi disaient que j’avais du potentiel, que j’étais athlétique. Ça m’a transformé comme athlète et comme personne », a-t-il soutenu.

Son parcours amateur de 70 combats l’a mené jusqu’aux Jeux olympiques de Londres. Après avoir battu le Français Tony Yoka, le Québécois s’est incliné devant le géant kazakh Ivan Dychko.

« C’est ce dont je suis le plus fier de ma carrière, mais si c’était à refaire, je n’irais pas, lance-t-il d’un trait. Je passerais chez les professionnels à 20 ans au lieu de 26. C’est clair que c’est très prestigieux, mais les deux gars que j’ai affrontés aux Jeux, je ne suis même pas passé proche d’affronter des boxeurs de ce calibre chez les pros, sauf Parker.

« La boxe professionnelle et la boxe amateure, ce sont deux sports différents. Je boxais pour la fédération nationale sans aucun appui financier, je devais travailler. La fédération pense à elle, à son avenir, avant de penser à ses boxeurs. […] En passant chez les pros à 20 ans, j’aurais gagné six ans dans ma vie professionnelle. J’aurais eu mes réponses six ans plus tôt. »

« Le Grizzly » a fait le saut chez les professionnels en 2015 et a signé 15 victoires de suite avant la limite avant d’encaisser un premier revers face au cogneur Dillon Carmen. S’il a vengé cet échec, il estime que c’est celui qui lui a fait le plus mal.

« C’est ce qui m’a fait prendre le plus grand pas de recul, car j’ai perdu face à un adversaire moins bon que moi », a-t-il dit.

Kean n’a pas de regret en tirant un trait sur sa carrière, sauf peut-être de ne pas avoir ajouté un gérant à son entourage.

« Un gérant qui veille sur toi, qui est capable de te dire si ton entraîneur ou ton thérapeute n’est pas bon, qui a du recul », explique-t-il.

Un gérant qui lui aurait peut-être dit qu’il n’était plus le favori de son écurie chez les poids lourds ? S’il assure avoir été bien traité tout au long de son association avec Eye of the Tiger Management, il est amer que le groupe de Camille Estephan ait déroulé le tapis rouge pour Arslanbek Makhmudov à son arrivée.

« Si un jour je reprends du service, ce sera pour lui casser la gueule ! », lance-t-il, terminant sa dernière entrevue avec La Presse Canadienne comme toutes celles qu’il a accordées à l’agence nationale au cours de sa carrière : sans se défiler et sans filtre.