Des résultats en baisse, un énervement palpable, un enfant à venir et un mariage surprise: la carrière longtemps si rectiligne de Roger Federer a pris une trajectoire floue à l'entame de sa saison sur terre battue cette semaine à Monte-Carlo.

   Battu ces trois dernières années par Nadal en finale de Monte-Carlo et de Roland-Garros, le Suisse paraît plus fragile que jamais au moment d'aborder son premier match sur la surface face à l'Italien Andreas Seppi mercredi.

   Il a pleuré à Melbourne après sa défaite en finale face à Nadal. Ses yeux étaient rouges encore après sa sortie en demi-finale de Miami contre Djokovic et un match où il fracassé sa première raquette depuis des années. Il fusille du regard ceux qui l'interrogent sur son déclin ou son absence d'entraîneur. C'est clair: Federer n'est plus le seigneur souverain et sans états d'âme des belles années.

   «A la limite je préfère, ça le rend plus humain que lorsqu'il mettait des +branlées+ à tout le monde», glisse le Français Gilles Simon. Pas certain cependant que cela console le Suisse qui, en un an, a beaucoup perdu: sa place de N.1 mondial, de la confiance et un paquet de matches.

   «Il y a deux, trois mecs qui le tiennent bien», constate Gaël Monfils, 10e mondial, alors que Federer reste sur cinq revers contre Nadal et quatre contre Murray. «Il a commencé à perdre contre des joueurs qu'il avait l'habitude de dominer. C'est difficile à encaisser», note l'Espagnol Fernando Verdasco.

   Résultat, le Suisse n'a pas encore remporté le moindre tournoi à ce stade de la saison pour la première fois depuis 2000. Il avait alors 18 ans et n'était encore qu'un surdoué capricieux, prêt à dégoupiller à tout moment.

   S'il a réussi à mettre en sourdine ce caractère ombrageux pendant des années - peut-être son plus grand exploit - Federer donne aujourd'hui l'impression, défaite après défaite, que le gamin cyclothymique est de retour. 

      «Avant de devenir N.1 mondial, il pouvait être très nerveux. En gagnant moins, en étant plus frustré, il retombe un peu là-dedans», observe Simon.

   De fait, le N.2 mondial montre des signes d'agacement inédits depuis des lustres. Sur le court mais aussi en dehors. Lundi, une table ronde avec les neuf premières têtes de série était organisée à Monte-Carlo. Un seul absent: Federer, que même les responsables de l'ATP n'ont pas réussi à joindre pendant la majeure partie de la journée. Une éclipse inimaginable dans un passé récent.

   La question est inévitable. Federer est-il encore concentré à 100% sur le tennis? «Tout le monde se pose la question», avoue le joueur suisse Stanislas Wawrinka, un proche de Federer.

   L'annonce de la naissance de son premier enfant prévue pour cet été, puis celle de son mariage samedi dernier, n'a fait que relancer les spéculations quant à son degré d'implication à quatre mois de son 28e anniversaire.

   «Il vieillit, c'est normal qu'à son âge on commence à penser mariage et enfants. Et puis il a déjà accompli tellement de choses...», estime le Russe Nikolay Davydenko. Rassasié Federer? Lassé après toutes ces années à jouer au super héros et à répondre aux sollicitations?

   «Il y a un peu de frustration qui est arrivée mais je pense qu'il a très envie de gagner ce 14e Grand Chelem, nuance Monfils. Je ne le sens pas chuter, je pense même qu'il faudra faire attention à lui dans les semaines qui viennent car il va être revanchard. S'il a finalement décidé de venir à Monaco c'est qu'il a des choses à prouver.»

   «Il peut toujours gagner un Grand Chelem», souligne Verdasco. «Dans un bon jour, ça reste le meilleur joueur du monde», assure Simon. Sauf que les bons jours se font rares ces derniers temps.