Rarement la tension sportive a-t-elle été aussi palpable que lors de la cinquième manche de la finale masculine des Internationaux de Grande-Bretagne, hier, à Wimbledon.

Écrasés par l'enjeu, Roger Federer et Andy Roddick ont offert un spectacle d'une incroyable intensité.

Le premier tentait d'établir un record avec un 15e titre en tournois du Grand Chelem, le second rêvait de rejoindre son rival et tous les grands champions du passé au palmarès de Wimbledon. Ils s'étaient d'ailleurs tous donné rendez-vous - les Sampras, Borg, Laver, McEnroe... - pour être témoins de l'exploit de l'un ou de l'autre.

Au bout d'un marathon de plus de quatre heures et 16 minutes, Federer s'est imposé 5-7, 7-6 (6), 7-6 (5), 3-6, 16-14. «Le tennis est un jeu où il faut un gagnant et un perdant, a rappelé le Suisse après le match. Aujourd'hui, j'ai eu la chance de sortir vainqueur, mais Andy a été fantastique.»

Le match a pris fin sur une rare faute directe de Roddick dans la 30e partie de la cinquième manche. L'Américain n'a d'ailleurs cédé son service qu'une seule fois dans toute la partie et le sort a voulu que ce soit sur le dernier point du match et ce malheureux coup droit raté.

«L'an dernier (face à Rafael Nadal), j'ai perdu un match marathon comme celui-ci, a encore rappelé Federer. Aujourd'hui, c'est moi qui ai gagné. Je suis sûr qu'Andy pourrait revenir l'an prochain et gagner à son tour.»

Le champion suisse est maintenant seul au sommet du tennis masculin avec ses 15 titres majeurs, glanés dans les quatre tournois du Grand Chelem, dont six à Wimbledon.

«Ce n'était pas vraiment le genre d'objectif que j'avais quand j'étais enfant, mais j'ai vraiment une belle carrière et je viens de vivre un mois extraordinaire, a déclaré Federer en conférence de presse. La boucle est bouclée... mais ma carrière est loin d'être terminée.

«Ce soir, il y avait tant de légendes dans le stade. Surtout Pete. Je sais ce que ce record signifiait pour lui. D'une certaine manière, j'ai le sentiment de le partager encore avec lui. C'est un tel champion. Il en a encore gagné un de plus que moi ici à Wimbledon.

«Quand j'étais enfant, j'étais nerveux quand un ami venait me voir jouer. Ensuite, c'était mes parents. Maintenant, ce sont des légendes... Maintenant tout le monde peut venir, cela ne me rend plus nerveux.»

Federer, qui aura 28 ans au mois d'août, a assuré vouloir poursuivre sa carrière «encore plusieurs années».

Longtemps indécise

Dépourvu de magie, le niveau de jeu a néanmoins été très relevé pendant toute la finale: Federer a réussi pas moins de 50 as, Roddick n'a commis que 34 fautes directes. Certes, le Suisse n'a pas été en mesure de déployer son jeu habituel face à un adversaire en pleine maîtrise de ses services, mais il a su s'accrocher.

Après avoir perdu la première manche en cédant sur la seule balle de bris qu'il a accordé à son rival dans cette manche, Federer a bien failli perdre aussi la seconde. Mené 6-2 au bris d'égalité, il a réussi un incroyable retour, alignant six points pour se sortir d'une situation délicate.

On croyait ensuite que le Suisse avait fait le plus difficile en remportant un autre bris d'égalité dans la troisième manche, mais Roddick a réussi un deuxième bris de service très tôt dans la quatrième manche et le match a basculé dans sa cinquième manche d'anthologie.

«Je ne sais pas comment je m'en serais sorti si j'avais perdu la deuxième manche, a concédé Federer. Andy jouait tellement bien. J'aurais probablement changé mon plan de match, Andy aurait pu être plus agressif. Cela n'aurait sûrement pas été facile.»

Rester concentré

En cinquième manche, les deux joueurs ont longtemps échangé des parties à sens unique. «Le plus difficile était de rester concentré en répétant toujours les mêmes gestes, les mêmes situations, les mêmes frustrations, a expliqué Federer. Andy ne me laissait pas beaucoup d'occasions sur son service. J'essayais de ne pas lui en laisser. Ce match aurait pu durer encore des heures...»

Les 77 parties de la finale en font la plus longue de l'histoire du Grand Chelem, brisant le record de 71 établi en 1927 en Australie. La dernière manche de 30 parties et 95 minutes est également la plus longue manche finale de l'histoire, loin devant les 20 parties disputées à Roland-Garros en 1927.

L'exploit de Roddick

Inconsolable après sa défaite, Roddick a néanmoins disputé le meilleur match de sa carrière. L'Américain n'avait que 21 ans, en 2003, quand il a remporté le US Open. Depuis, il court après un deuxième titre du Grand Chelem qui confirmerait sa place parmi l'élite du tennis.

Hier, il s'est incliné pour la quatrième fois en finale d'un tournoi majeur, toujours face à Federer (Wimbledon en 2004 et 2005, US Open en 2006). «Je n'ai jamais été aussi près... et aussi loin de gagner à Wimbledon, a expliqué Roddick en conférence de presse. Je crois avoir bien joué, mais Roger est vraiment un grand champion, le plus grand, et il a trouvé la façon de gagner ce match.

«Je suis très déçu, mais je pense vraiment que j'ai le jeu pour gagner un jour à Wimbledon. Je vais revenir l'an prochain...»

«Désolé Pete, j'aurais aimé le retenir», a-t-il lancé en direction de son compatriote Pete Sampras, dans les gradins. Ce dernier partageait le record de 14 titres du Grand Chelem avec Federer jusqu'à hier.

La victoire de Federer lui a permis de reprendre le premier rang du classement mondial à l'Espagnol Rafael Nadal. «C'est dommage que Rafa (Nadal) n'ait pas eu sa chance. Mais en tennis, ça change très vite. Je suis juste heureux d'être redevenu numéro un en gagnant un tournoi, pas seulement en profitant de son absence.»

Avec Agence France-Presse