Comme celui de Paul McCartney, le chemin de Katherine Sebov a été long et sinueux. Il l’a tout de même menée aux Internationaux d’Australie. À 24 ans, la Torontoise est revenue à la maison pour gagner et poursuivre sa route, dans l’espoir de percer une fois pour toutes.

Sebov n’a pas atteint la finale des Internationaux des États-Unis à 19 ans comme Bianca Andreescu et Leylah Annie Fernandez. Elle n’a pas non plus reçu l’étiquette de prodige comme Eugenie Bouchard à une certaine époque.

La Canadienne sillonne encore les tournois ITF à 25 000 $ et les rondes de qualifications. Qui plus est, elle gagne. La fin de semaine dernière, à Toronto, elle a remporté son troisième titre ITF en carrière.

« C’est le résultat de ce que j’ai fait auparavant. Le travail que j’ai mis au cours des dernières années est payant aujourd’hui. J’ai confiance en mes moyens, je sais de plus en plus où j’en suis avec mon jeu et ce que j’ai à faire pour gagner », a-t-elle révélé deux jours après sa victoire.

Le nom de Sebov est sans doute inconnu pour plusieurs. Même pour des amateurs de tennis. Son succès n’a peut-être pas l’ampleur la plus démesurée, mais il est tout de même digne d’intérêt dans la mesure où il existe différentes avenues pour obtenir une place permanente sur le circuit de la WTA. Ce dont rêve la 199e raquette mondiale.

Son développement ne peut être comparé à celui d’Andreescu ou de Fernandez. Deux prodiges, deux joueuses générationnelles, deux cas exceptionnels.

Diminuer le succès de Sebov en le comparant à celui de ses compatriotes serait injuste, car sa réalité se rapproche davantage de celle de la majorité des joueuses de tennis professionnelles.

Je crois personnellement que c’est mieux d’éclore un peu plus tard, parce que ça te donne une chance, selon mon expérience, de maturer en tant que personne, plutôt que de devoir négocier avec la pression du circuit trop jeune.

Katherine Sebov

Sebov a plusieurs outils dans son coffre et de la manière dont elle joue, se comporte et s’améliore depuis le début de la saison, ses chances d’évoluer sur le meilleur circuit au monde augmentent à chaque tournoi. « Le jour où j’obtiendrai davantage de succès, je pourrai mieux le gérer que si j’avais dû le faire à l’adolescence. »

Jessica Pegula, Ons Jabeur et Caroline Garcia, respectivement troisième, quatrième et cinquième au classement mondial, sont toutes sorties de l’ombre à la mi-vingtaine. Auparavant, elles ont rongé leur frein dans les tournois et les circuits de moindre importance. Dorénavant, elles trônent au sommet du tennis féminin.

Ce genre de parcours, à développement plus tardif, doit aussi être pris en exemple, comme le souligne Sebov. « Il y a des gens qui jouent pendant 10 ans sur le circuit ITF. Elles jouent parce qu’elles aiment leur sport, pas parce qu’elles font beaucoup d’argent […]. Et dans une certaine mesure, elles méritent plus de respect que quelqu’un qui éclot hyper rapidement. Ces personnes ne doivent pas être regardées de haut. »

De Melbourne à Toronto

En janvier, Sebov est parvenue à se qualifier pour la première fois dans le tableau principal d’un tournoi du Grand Chelem. Elle a battu trois joueuses en qualifications, mais a été malchanceuse : le tirage au sort lui a donné un duel de premier tour contre Garcia. Elle s’est inclinée en deux manches de 6-3 et 6-0. Néanmoins, cette riche expérience lui a donné une bonne erre d’aller pour le reste de la saison. « J’ai eu beaucoup de temps là-bas pour regarder les autres joueurs. Ça m’a permis de me comparer et de voir comment ça fonctionnait au quotidien sur le circuit. »

PHOTO TIRÉE DU SITE DE TENNIS CANADA

Katherine Sebov

Pouvoir observer et côtoyer les meilleures, en vrai plutôt qu’en vidéo, lui a aussi été bénéfique pour apprendre à la vitesse grand V.

Chose certaine, l’Ontarienne est convaincue de pouvoir faire sa place.

Ça m’a permis de voir que je pouvais jouer à un haut niveau et que je pouvais rivaliser avec des joueuses de ce calibre. Je suis sur la bonne voie.

Katherine Sebov

Quelques semaines plus tard, voilà qu’elle triomphe chez elle, à Toronto. « Chaque coin, chaque terrain est familier. Je m’entraîne sur cette surface, je joue tout le temps sur ces courts », relance-t-elle sur le fait d’avoir pu évoluer en terrain connu.

Elle avait pris une pause pour se concentrer à fond sur l’entraînement après son aventure australienne. Ce tournoi servait notamment de remise à niveau. « Gagner est un beau bonus, affirme-t-elle. Je n’avais aucune attente. En fait, je ne me crée jamais d’attentes avant un tournoi. Je veux juste jouer le plus de matchs possible. »

Le grand objectif de Sebov serait de durer. D’avoir une carrière s’échelonnant sur plusieurs années. C’est pourquoi elle ne tient pas une liste d’objectifs à réaliser à court terme, avec des cases à cocher dans les semaines ou les mois à venir. Lorsqu’elle rêve, elle pense à long terme.

Son chemin est peut-être plus long et plus sinueux, mais chaque détour est une occasion d’apprendre et de grandir. Qu’elle soit lisse ou rocailleuse, Sebov se rendra au bout de sa route de la même manière : « La tête baissée, en travaillant fort, et surtout, en restant moi-même. »