Félix Auger-Aliassime l’admet d’entrée de jeu : son début de saison est « un peu en dessous » de ses attentes. Le principal intéressé reste toutefois optimiste pour le reste de l’année. Après tout, deux facteurs jouent en sa faveur : le temps et le talent.

Le Québécois a dû faire l’impasse sur le début de la saison sur terre battue en raison de douleurs à un genou. Après son élimination précoce au deuxième tour au tournoi de Miami, l’athlète de 22 ans s’est momentanément retiré de l’action pour se reposer.

Comme Roger Federer, il est rarissime pour Auger-Aliassime de déclarer forfait pour un tournoi auquel il était inscrit. La dernière fois, c’était à Roland-Garros en 2019. Il renouera cependant avec la terre battue cette semaine, au tournoi de Madrid, en préparation des Internationaux de France. Entre-temps, cette pause d’un mois aura été bénéfique.

De chez lui, à Monaco, Auger-Aliassimne, neuvième raquette mondiale, est lucide et honnête vis-à-vis son début de saison. Ses résultats sont en deçà des espérances, ou du moins des standards établis en fin de saison dernière.

« Je pense que c’est tout à fait normal, reconnaît-il, peu après avoir terminé de souper. Ce sont des cycles qui font partie d’une carrière. Là, je suis bien. Ça m’a fait du bien de me reposer un peu. »

En réalité, son début de campagne est loin d’être terrible. Il a remporté 12 de ses 19 matchs. C’est plutôt l’illusion qu’il doit gagner chaque tournoi, comme l’automne dernier, qui déforme la perception et les attentes à son égard.

Auger-Aliassime préfère voir le verre à moitié plein : « J’ai gagné contre les joueurs que je dois battre sur papier et après, j’ai perdu contre de très bons joueurs, deux fois contre [Daniil] Medvedev notamment. Malgré des ennuis avec mon genou, je suis resté compétitif lors des tournois. »

Il regrette néanmoins d’avoir été incapable de surfer sur la vague victorieuse de la fin de la dernière saison, pendant laquelle il marchait sur les eaux.

Après les Internationaux des États-Unis, le grand gaillard a enchaîné les tournois : la Coupe Laver, Astana, Florence, Anvers, Bâle, Paris-Bercy, les finales de l’ATP et la Coupe Davis. Il a fini par triompher à cinq de ces tournois. Il a ensuite pris quelques jours de repos avant de s’envoler pour l’Australie et de redémarrer la machine.

Néanmoins, cet énorme volume l’a rattrapé sur le plan physique, émotionnel et mental au cours de l’hiver. Regrette-t-il d’avoir joué autant de tennis ? « J’ai eu la réflexion avec mon équipe. » Finalement, « je n’ai aucun regret par rapport à ce que j’ai décidé de faire ».

PHOTO GEOFF BURKE, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Félix Auger-Aliassime croit que son énorme volume de matchs de la fin de la dernière saison l’a rattrapé au cours de l’hiver.

Au terme des Internationaux des États-Unis, il a pris le temps de réfléchir à la suite des choses. « J’ai décidé de tout faire et j’ai gagné à peu près tous les tournois. C’était un bon challenge que j’ai réussi à relever et j’en suis fier. C’était une première pour moi de jouer autant de matchs et de gagner autant en si peu de temps. »

C’est comme s’il ne savait plus comment perdre : « J’étais serein, j’avais mes repères sur le terrain, je savais comment gagner des matchs. J’avais vraiment cette confiance que j’avais tout pour gagner. »

Il aurait donc été cruel, et même un peu curieux, de freiner cette envolée. Auger-Aliassime reconnaît en revanche avoir « un peu sous-estimé la charge émotionnelle, physique et mentale que ça demandait ».

Le genou et la terre battue

« Ce n’est pas parfait encore, mais ça va dans la bonne direction », explique le nouvel ambassadeur de la marque Dior à propos de son genou.

Auger-Aliassime a été épargné par les blessures depuis le début de sa carrière. Il prend un soin jaloux de son corps et ça lui a permis d’éviter les ennuis de santé. Les trois dernières années ont été « formidables » à cet égard et cette pause imposée lui a fait réaliser bien des choses.

« Le fait de me lever chaque jour et d’avoir mal quelque part, ça m’a ouvert les yeux. Comme quand tu as un rhume et que tu as de la misère à respirer, tu te rappelles des moments où tu respirais facilement et où tu ne pensais pas à ça, parce que c’était acquis. »

PHOTO JIM RASSOL, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Félix Auger-Aliassime renouera avec la terre battue cette semaine, au tournoi de Madrid, en préparation de Roland-Garros.

En ce sens, les dernières semaines d’entraînement ont représenté un défi intéressant. L’idée étant de trouver l’équilibre entre en faire suffisamment pour rester en forme, mais de ne pas trop en faire pour éviter d’aggraver son état.

« Je n’ai pas encore trouvé la perfection, parce que c’est un ajustement constant. Il faut parfois pousser hors de sa zone de confort, parce que c’est là qu’on va chercher la progression. Mais en même temps, il y a des jours où il y a une lassitude, où tu es plus fatigué et où l’entraînement sera peut-être un peu moins de qualité. Ce n’est pas une science exacte. »

Il reprendra le collier à Madrid, sur terre battue. Une surface difficile pour les articulations, mais sur laquelle il aime s’exprimer. À l’approche de son premier match, il se situe quelque part entre la crainte et la fébrilité.

« Par rapport à ce que j’ai, ce qui me fait le plus mal, ce sont les flexions. Les glissades ont été un peu compliquées au début, mais là ça va beaucoup mieux. Je me sens prêt à aller jouer à Madrid. […] Mais personne autour de moi ne sait combien de temps ça prendra avant de revenir à 100 % », précise le Québécois.

Du brasse-camarade

Par ailleurs, les esprits se sont échauffés au tournoi de Monte-Carlo entre plusieurs joueurs du top 10 mondial. Daniil Medvedev et Alexander Zverev ont eu maille à partir devant les médias et Taylor Fritz a dirigé certaines flèches à l’intention de Stefanos Tsitsipas. « C’était drôle de regarder ça aller de chez moi », admet Auger-Aliassime.

Ces situations étaient devenues rares sous l’ère Federer-Nadal, mais elles étaient monnaie courante dans les années 1980 et 1990. « On peut compétitionner, mais en imitant ce qu’ont fait les joueurs de la génération précédente, en restant polis et respectueux », explique-t-il.

« C’est vrai que par leurs interventions, on sent qu’entre Medvedev, Tsitsipas et Zverev, il y a un peu un triangle et ils ne semblent ne pas trop s’apprécier, mais bon, ça fait partie du jeu. D’un côté, ce n’est pas plus mal. »

Le droitier est de nature plus diplomate, calme et posée. Il serait donc surprenant de le voir mêlé à ces enfantillages. Il est néanmoins primordial pour lui de se rappeler la raison pour laquelle il est là, à jouer sur les terrains les plus prestigieux du monde.

« La réalité, c’est qu’on n’est pas là pour se faire des amis. Des amis, j’en ai à Montréal qui resteront mes amis, peu importe ce qui arrive. On est là pour faire avancer notre carrière, on veut tous la même chose chaque semaine et il n’y en a qu’un qui va l’avoir. Je pense toutefois qu’il faut qu’on montre un bon exemple. Pour moi, c’est très important. »

Bienvenue chez Dior !

La société française Dior a annoncé samedi, au lendemain de l’entrevue de Félix Auger-Aliassime avec La Presse, avoir fait du Québécois son nouvel ambassadeur. Le géant de la mode en a fait l’annonce sur Twitter. Le joueur incarne selon l’entreprise « l’esprit et la signature intemporelle des créations masculines ». Il rejoint donc Emma Raducanu, gagnante des Internationaux des États-Unis en 2021, comme visage de la marque. Auger-Aliassime était aussi déjà commandité par Adidas, Babolat, TAG Heuer et Renault, depuis janvier.

Nicholas Richard, La Presse