Ça ne va pas pour les joueurs canadiens cette saison. Encore moins sur terre battue. Pourtant, il y a quelques années, grâce au centre national, il était possible de croire à une éventuelle autorité des joueurs d’ici lors des tournois importants disputés sur sable rouge.

Destinés sans aucun doute à longer les tableaux des rendez-vous les plus prestigieux, les Canadiens rampent plus qu’ils ne se tiennent debout depuis des mois.

Qu’ils soient poussés par le vent ou la simple ambition de poursuivre sur leur lancée de la fin de saison, les représentants de l’unifolié se pointent à la porte d’Auteuil avec peu de rythme, un minimum de momentum et très peu de confiance.

Chez les hommes, Félix Auger-Aliassime a dû rater pratiquement un mois d’activité pour soigner une blessure à un genou. La semaine dernière, il s’est retiré du tournoi de Lyon en raison d’ennuis à une épaule. Le Québécois a perdu deux de ses trois matchs sur terre battue en 2023.

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Félix Auger-Aliassime et Alexei Popyrin à Rome

Pourtant, il y a un an à peine, à pareille date, il avait donné du fil à retordre à Novak Djokovic et à Rafael Nadal, à Rome et à Roland-Garros.

Il fut une époque où les prouesses d’Auger-Aliassime sur terre battue laissaient envisager une éventuelle maîtrise de cette surface qui appartient davantage aux Européens. D’autant plus que le centre national de Tennis Canada, à Montréal, avait innové avec l’ajout de terrains de terre battue au stade IGA.

À quelques jours d’un autre Roland-Garros, la prophétie ne s’est pas encore avérée.

Selon Robby Ménard, entraîneur, spécialiste des statistiques avancées et analyste, « sur la terre battue, son service perd un peu de son efficacité ».

Cependant, il fait surtout mention de sa blessure à un genou. Sur une surface aussi impardonnable que la terre battue, l’état physique d’Auger-Aliassime pourrait expliquer une partie de ses insuccès. « Ses déplacements sont un peu moins précis, donc il fait des fautes directes. Et sur terre battue, ton jeu de jambes devient l’élément clé. Félix est un peu moins bon présentement en jeu de jambes. […] Dès que ça sera à point, il redeviendra solide. »

L’autre faille dans le jeu de la 10e raquette mondiale réside dans ses entames de match. Lors de ses 10 derniers matchs, l’athlète de 22 ans a perdu la première manche à cinq reprises. Les cinq autres fois, il a dû gagner sept jeux pour remporter le set. « Il s’améliore lors de la deuxième partie des matchs, donc il y a aussi l’effet psychologique, mais ce n’est pas inquiétant, parce qu’il est bon dans les deuxièmes parties de match », poursuit Ménard.

Une question d’ADN

Ça ne va guère mieux pour ses compatriotes par les temps qui courent.

Denis Shapovalov a perdu deux de ses trois matchs sur terre battue. Bianca Andreescu est zéro en deux. Leylah Annie Fernandez sort du lot, avec cinq victoires en 10 matchs, mais dans des tournois de moindre envergure.

Pour Ménard, cette léthargie sur terre battue s’explique par l’ADN des joueurs. Même si les athlètes deviennent progressivement plus polyvalents et que Tennis Canada s’est donné les moyens de ses ambitions, un joueur ne peut jamais renier sa nature profonde.

« Quand on compile des stats, on se rend compte que l’ADN du joueur va toujours rester l’ADN du joueur », dit-il à propos des jeunes athlètes de 11 à 15 ans dont il est responsable du développement.

Présentement, les joueurs canadiens n’ont pas l’ADN tennistique nécessaire pour dominer sur terre battue. « Ça ne veut pas dire qu’un Canadien ne pourrait jamais avoir l’ADN d’un joueur de terre battue. Ça ne veut pas dire qu’un gars de l’Espagne n’aura pas un jeu offensif. Chaque type de joueur est moulé à une surface. »

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Milos Raonic

Il donne l’exemple de Milos Raonic, dont le style de jeu se marie parfaitement aux surfaces gazonnées. Ou le contre-exemple de Shapovalov, qui est imparfait sur terre battue, parce que son jeu s’y porte mal. C’est pourquoi il n’a jamais accédé au troisième tour à Roland-Garros.

Au cours de l’entretien, Ménard a expliqué au sujet d’Auger-Aliassime que « même s’il ne joue pas bien à Roland-Garros, il doit juste revenir en bonne forme physique. Quand tu as un problème de genou et que tu n’es plus capable de bouger, tu pars mal tes matchs, parce que tu fais attention ».

Cette analyse s’applique également à Bianca Andreescu, victime d’une blessure à une cheville il y a quelques semaines à peine.

Il serait ambitieux de miser le moindre centime sur les Canadiens à Roland-Garros, mais comme le groupe est encore très jeune, l’optimisme est toujours de mise pour le reste de la saison et pour les années à venir.