Markéta Vondroušová ne fait rien comme tout le monde. Parmi les éléments la distinguant dorénavant de ses contemporains, il y a un sacre à Wimbledon, le tournoi le plus prestigieux du tennis.

C’est grâce à une volée à deux mains du revers que la grande Tchèque au coup droit hors de l’ordinaire a pu mettre fin à une quinzaine dont elle se souviendra toute sa vie.

Vondroušová est non seulement la première gauchère à remporter un titre majeur depuis 2018, mais elle est aussi la championne la plus tatouée de l’histoire de l’All England Club.

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Markéta Vondroušová s’est laissée tomber sur le sol après sa victoire.

« J’ai fait promettre à mon entraîneur de se faire tatouer pour la première fois si je gagnais un tournoi majeur. […] Je pense que nous irons demain », a-t-elle lancé au centre du terrain pendant que son entraîneur semblait regretter quelque peu d’avoir pris un tel pari depuis son box.

En l’emportant samedi en deux manches identiques de 6-4 contre Ons Jabeur, la joueuse de 24 ans a un peu réalisé l’impossible.

À peine remise d’une opération à un poignet subie il y a un an, la 42raquette au classement mondial est devenue la première joueuse ne faisant pas partie des têtes de séries à gagner le tournoi anglais. Et elle l’a fait en campant dans le rôle de négligée, qui plus est. Ce qu’elle a fait pendant tout le tournoi. Chaque fois, cependant, elle a trouvé le moyen de gagner. Comme une championne, car c’est ce qu’elle est, désormais.

« Je ne sais pas trop comment j’ai fait, a-t-elle dit nerveusement. Aucun retour au jeu n’est facile, et on ne sait jamais à quoi s’attendre. »

Le parcours d’une combattante

Avec son style peu orthodoxe, il aurait été extrêmement audacieux de prédire une telle conclusion au début du troisième majeur de la saison.

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Markéta Vondroušová

Même si elle avait atteint la finale de Roland-Garros en 2019, Vondroušová passait sous le radar depuis.

Avant d’avoir le dessus sur Jabeur, elle s’était débarrassée de quatre têtes de séries. Pourtant, il n’y a rien d’extraordinaire dans le jeu de la Tchèque. C’est d’ailleurs pourquoi la victoire de la Tunisienne, sixième tête de série, semblait acquise avant même le début de la rencontre.

Toutefois, le tennis est un sport où chaque jeu est un recommencement. Or Vondroušová a été plus efficace, plus incisive et plus opportuniste.

Dix fois les joueuses ont brisé leur adversaire. Un chiffre énorme, pour que les néophytes puissent bien saisir combien le service n’a pas été un avantage dans ce match.

Dans ce contexte, il suffit de briser au bon moment. Et Vondroušová l’a fait six fois en sept occasions. Un rendement bien supérieur à celui de sa rivale.

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Ons Jabeur

Dans les deux manches, la future championne a brisé à 4-4 pour ensuite servir pour la manche.

Plutôt défensive du début à la fin, Vondroušová a compris rapidement comment malmener son adversaire, et comme les instructions de Marilou quand vient le temps de se préparer un bon plat, ça semblait si simple pour la gauchère.

Grossièrement, il fallait rebondir sur le service affaibli et craintif de Jabeur, la laisser attaquer et commettre elle-même des erreurs et tenir le plus longtemps possible en fond de terrain.

Ainsi, en 80 petites minutes, Vondroušová est entrée dans l’histoire en ayant la certitude de ne jamais en sortir.

Une autre défaite

Même si la championne a dignement gagné cette rencontre, on n’aurait pas complètement tort de parler de la défaite de Jabeur plutôt que la victoire de Vondroušová.

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Ons Jabeur

Après tout, le match était à la portée de la Tunisienne.

L’athlète de 28 ans sortait d’une séquence formidable pendant laquelle elle avait fait tomber Bianca Andreescu, Petra Kvitová, la championne en titre Elena Rybakina et Aryna Sabalenka.

On était en droit de s’attendre à une balade sur la pelouse contre une Vondroušová sortie de nulle part.

Toutefois, la conclusion du tournoi a été cauchemardesque. Elle peinait à retenir ses larmes lorsque Kate Middleton, la princesse de Galles, lui a remis son trophée de finaliste. Elle a soulevé l’assiette d’argent à bout de bras en tentant de contenir sa tristesse de ne pouvoir soulever l’autre.

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Ons Jabeur n’a pu retenir ses larmes en soulevant son trophée.

« C’est la défaite la plus douloureuse de ma carrière », a-t-elle déclaré sans détour sur le court central, entre de courtes respirations et des larmes comme une rivière sur ses joues.

Les astres étaient pourtant alignés pour elle, avant de voir une météorite prénommée Markéta bousiller ses plans.

Finaliste à Wimbledon et aux Internationaux des États-Unis la saison dernière, Jabeur comptait sur cette chance de grossir le groupe des grandes championnes. Toutefois, au terme de cette autre quinzaine, elle demeure peut-être la meilleure joueuse active sans titre majeur.

C’est une journée difficile, mais je vous jure que je n’abandonnerai pas et que je reviendrai encore plus forte.

Ons Jabeur

Ses lacunes au service lui ont coûté le tournoi. Ça avait aussi été un problème dans ses autres matchs, mais elle avait pu compenser avec les autres coups de son arsenal. Elle a conclu la finale avec un taux de réussite inférieur à 50 % en premiers services et en points gagnés sur premières et deuxièmes balles.

Contre une Vondroušová ultradéfensive et tout aussi à l’aise sur les balles coupées que sur les balles à effet, elle a trouvé chaussure à son pied.

Jabeur a raté trop de points importants. Suffisamment pour s’en vouloir. Le tableau s’était pourtant ouvert parce qu’elle a étouffé les menaces. Une à une.

Le sacre tant attendu devra attendre. Avec l’émergence des plus jeunes et la progression du talent, Jabeur pourrait toutefois regretter d’ici quelques années de ne pas avoir su mettre la main sur ce fameux titre, samedi.

« C’est ça, le tennis. Je vous promets de revenir un jour et de gagner ce tournoi », a promis Jabeur à la foule londonienne avant de se retirer pour laisser toute la place à sa tombeuse.

Les tournois sont de plus en plus difficiles à gagner et le temps passe à la vitesse d’un service de Sabalenka. Seul l’avenir nous dira si cette déception se transformera en une hantise éternelle ou en catapulte vers une place dans l’histoire.