Comment Milos Raonic pouvait-il ponctuer son premier match à Toronto après cinq ans d’absence ? Avec un as sortant en deuxième balle pour éliminer Frances Tiafoe, la 10raquette mondiale.

En fait, le Canadien a réalisé quatre as dans le dernier jeu. Il était temps d’en finir. 2 h 44 min d’action, deux arrêts médicaux pour masser son dos et une raquette brisée plus tard, Raonic pouvait enfin célébrer son retour, le poing dans les airs, avec la démarche nonchalante qu’on lui connaît. Il venait de remporter son match d’entrée, contre toute attente, en trois manches de 612-714, 7-64 et 6-3.

À peu près tout le monde comptait Raonic pour battu avant même le début de la rencontre. En fait, lors du tirage au sort, la logique aurait été d’avancer le nom de l’Américain immédiatement dans la colonne suivante.

L’Ontarien disputait seulement son cinquième match en près de deux ans. Face à lui, un Tiafoe en pleine ascension fraîchement débarqué dans le top 10 avec deux titres en poche depuis le début de la saison.

PHOTO COLE BURSTON, LA PRESSE CANADIENNE

Frances Tiafoe

Avec ce gain, Raonic battait un membre du top 10 pour la première fois en trois ans, presque jour pour jour.

« J’ai constaté à travers mes entraînements à quel niveau je pouvais jouer. J’ai toujours dit que quand tu fais les bonnes choses, tout peut arriver, à tout moment », a-t-il mentionné une heure après la rencontre.

Le bon vieux Raonic

Raonic est parvenu à se faire un nom grâce à son service. Son arme principale, toujours aussi létale.

Ce match à la Milos a été défini et décidé par des services puissants, des échanges courts et des schémas assez simplistes. D’une certaine façon, c’est aussi ce à quoi il fallait s’attendre.

Le Canadien de 32 ans n’a jamais été le plus spectaculaire ni le joueur ayant la meilleure dextérité. Donc, après deux ans d’absence et des maux de dos, il fallait s’attendre à ce qu’il serve une recette semblable à celle qui lui avait permis d’atteindre la finale de Wimbledon en 2016.

Raonic a conclu le match avec 37 as, 87 % de points gagnés en première balle et six balles de bris sauvées à sept occasions. D’ailleurs, il était à un as d’égaler son record personnel dans un match de trois manches, établi à Memphis en 2011.

« Je savais que le meilleur moyen de m’en sortir était de m’assurer de l’état de mon service », a-t-il précisé.

Même Tiafoe était consterné par la façon dont Raonic pouvait soit mener les échanges, soit répondre à ses attaques.

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Milos Raonic

La machine canadienne a pris du temps à se mettre en marche, certes. En entame de match, le gaillard de 6 pi 5 po avait du mal à se déplacer, à arriver à temps sur les balles et à juger celles-ci.

Même s’il a perdu un long bris d’égalité de 26 points, c’est à ce moment que le match a pris une nouvelle tangente.

Le favori local a forcé de nombreuses égalités. À chaque changement de côté, les gladiateurs étaient au coude-à-coude. La tension était si forte que, pour une rare fois, Raonic a explosé.

Le déclencheur

Le dernier jeu de ce premier bris d’égalité s’est décidé dans la controverse. Tiafoe menait 13 à 12, et Raonic lui a servi un amorti tombant du côté droit, dans le carré de service.

Tiafoe s’est rendu à la balle, l’a déposée en croisé du côté de Raonic, mais l’Américain a terminé sa course dans le filet. À vrai dire, à l’extrémité du filet, là où est placée une publicité d’une compagnie aérienne.

Même si la balle avait fait deux bonds dans le territoire de Raonic, ce dernier était convaincu que le point irait en sa faveur, puisque son rival avait touché au filet, ce qui est interdit par le règlement.

Cependant, l’arbitre expliquait à Raonic que cette section ne faisait pas partie du filet, puisqu’elle excédait le poteau du terrain en simple.

Raonic et Tiafoe continuaient d’argumenter et, après avoir dit aux joueurs que c’était « un règlement » et non « une question de jugement », le superviseur du match est venu trancher en faveur de Tiafoe.

L’officiel responsable du tournoi, Tony Cho, a expliqué par la suite que « Tiafoe a touché la section entre le poteau de simple et le poteau tenant le filet. Cette section est considérée comme permanente et ne fait pas partie du filet. »

Raonic est retourné à son banc et a fracassé sa raquette sur le mobilier. Une réaction très rare de sa part. Lui qui est habituellement aussi sobre et conservateur que son uniforme.

« Ce qui était mélangeant, c’est qu’il m’avait donné le point, au départ. Et il a changé d’idée. Le point n’était pas de savoir où il avait touché le filet, mais plutôt qu’avec la vitesse et l’angle de la balle, il ne pouvait pas avoir touché au filet avant que la balle ait fait deux bonds. […] Je ne crois pas qu’ils [les officiels] ont été complètement honnêtes, mais c’est ça qui est ça. Je pense qu’ils ont mal géré », a clarifié Raonic, toujours émotif.

Toutefois, ça a semblé le fouetter. Par la suite, il a été plus incisif, plus mordant et soudainement plus en rythme.

La foule a également pris position dans cette altercation. Elle a aussi réservé à son chouchou une ovation debout au terme de la deuxième manche, et le même traitement a suivi à la fin de la rencontre.

Milos Raonic est de retour, et personne ne voudra se rasseoir d’ici la fin de son épopée torontoise.