(Toronto) Dix villes dans le monde organisent des tournois de catégorie Masters 1000. Parmi elles, il y a Miami, Monte-Carlo, Rome et Shanghai. Il y a aussi Toronto. En fait, il y a York.

Nous sommes lundi matin, la grande aiguille est à mi-chemin entre le huit et le neuf, et c’est le début du vrai tournoi. Les qualifications sont derrière nous, et trois Canadiens entameront leur parcours dans le tableau principal de l’Omnium Banque Nationale au courant de la journée.

Pourtant, il n’y a pas d’engouement.

PHOTO NICHOLAS RICHARD, LA PRESSE

Les rues pratiquement désertes de York

À vrai dire, sur le site même, les gens se sont massés lors du week-end de la famille. Dans les corridors, le bruit court qu’il s’agissait d’un record d’assistance pour la première fin de semaine du tournoi.

À l’extérieur du stade Sobeys, cependant, il est presque impossible de savoir qu’un tournoi de tennis professionnel appartenant à la catégorie de tournois la plus prestigieuse après les majeurs a lieu dans la Ville Reine.

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Les rues pratiquement désertes de York

En fait, c’est cette appellation qui fait défaut. Le nom du tournoi, l’Omnium Banque Nationale de Toronto, n’est pas fidèle à la réalité.

De prime abord, lorsque l’idée de venir couvrir le tournoi a été approuvée, je me voyais déjà sillonner le centre-ville de Toronto, étirer mon cou par-dessus la foule pour trouver les bons restaurants et me fier à la tour du CN pour retrouver mon chemin, comme l’étoile Polaire.

En réalité, le tournoi a lieu à York, sur le campus de l’université du même nom.

York, à ne pas confondre avec New York, parce qu’ici, la nouveauté n’existe pas.

Cette banlieue universitaire est située à 30 minutes au nord de Toronto. C’est comme si l’Omnium Banque Nationale avait lieu aux Outlets de Mirabel. Mais sans les magasins, les commerces et les restaurants.

C’est lundi et j’ai la fringale. Le déjeuner à l’hôtel est hors de prix et les bagels bon marché servis dans la salle des médias ont été de bons soldats lors des deux premières journées, mais en voyage, l’innovation est de mise.

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Les rues pratiquement désertes de York

Depuis l’hôtel, à Vaughan, prononcé comme le nom de famille de la skieuse prénommée Lindsey, je m’assure qu’il y a un restaurant-déjeuner à quelques minutes de marche du stade.

Et pas nécessairement le restaurant le plus huppé. Pensez à un restaurant qui sert du café et des beignes. Voilà, c’est celui-là.

La carte indique que la succursale la plus proche du stade est à 1,5 kilomètre. Puisque j’étais arrivé tôt, je me suis décidé à y aller. Pas au pas de course, mais en marchant rapidement. La simple idée de pouvoir déguster une roussette au miel était suffisante pour prendre mes jambes à mon coup, malgré le ciel qui s’assombrissait.

Entre le stade et la destination, le constat le plus frappant a été de voir à quel point la ville était déserte. Vide comme le trou au milieu d’un beigne à l’érable.

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Les rues pratiquement désertes de York

Pourtant, c’était férié en Ontario. C’était le premier jour du plus gros évènement de l’année à York. C’était lundi matin. La nuit était partie se coucher depuis un bail. Mais il n’y avait personne. À chaque intersection, les feux ne tournaient au vert pour personne. C’était comme allumer une lampe de poche en plein désert.

Malgré les pavillons universitaires, les résidences et les bureaux, les seuls êtres humains croisés pendant mon escapade portaient des vestes de bénévole pour le tournoi.

Pendant ce temps, je m’imaginais le parc Jarry animé, la rue Jean-Talon occupée et la station Parc bondée.

Ici, le ventre vide, un virevoltant aurait pu passer et personne n’aurait pu en être témoin.

Ma montre intelligente indique soudainement que je suis arrivé à destination. Autour de moi, cependant, aucun restaurant au lettrage attaché. À l’intersection, je m’aventure quelque peu dans toutes les directions du point cardinal, mais rien. La carte m’avait menti.

Il n’y avait donc aucune possibilité de manger un Timbit ou de boire un double-double à quelques minutes de marche du stade Sobeys. En fait, il n’y a aucun moyen de déjeuner avant d’aller assister à l’Omnium Banque Nationale.

Les seuls restaurants aperçus pendant la marche servaient des Whopper ou des 12 pouces. Et ils étaient fermés à cette heure, bien entendu.

Difficile d’imaginer une offre aussi limitée à Indian Wells, à Madrid ou à Paris.

Encore plus difficile de concevoir l’absence d’un emblème canadien aussi important que le huard et le sirop d’érable à proximité d’un lieu de rassemblement aussi considérable.

Je suis donc retourné au stade bredouille et affamé. Sous une pluie battante, sans parapluie et seul. Un moment pour le moins glorieux.

En retournant au stade, 43 minutes après mon départ, les alentours n’étaient pas plus animés. Sur le site, toutefois, les gens arrivaient pour attendre, car aucun match ne serait joué avant longtemps à cause des averses.

Ma randonnée urbaine s’est terminée devant le grille-pain de la salle des médias, 3,13 kilomètres de marche plus tard. Avec mes cinquième et sixième bagels depuis samedi après-midi, picorés en pensant au muffin explosion de fruits avec lequel je m’étais imaginé commencer la journée.