À son dernier match, il y a un mois, Carlos Alcaraz battait Novak Djokovic en finale de Wimbledon. Comme rien n’est donné dans le tennis moderne, le numéro un mondial a eu toute la misère du monde à se débarrasser de l’infatigable et impétueux Ben Shelton.

Le résultat de 6-3 et 7-6 (3) indique mal la façon dont l’entrée en scène d’Alcaraz s’est vraiment déroulée.

« Il ne m’a pas laissé jouer mon style de jeu », a indiqué Alcaraz après la rencontre.

Habituellement, les premiers matchs des têtes de série sont assez routiniers. Or, dans le cas de l’Espagnol, il avait affaire à un jeune gaucher en pleine progression. Débarqué dans le top 100 à la fin de la dernière saison après un passage dans la NCAA avec l’Université de la Floride, Shelton est un joueur puissant capable de fantaisie, mais, surtout, extrêmement sûr de lui.

Jamais le joueur de 20 ans n’a été intimidé. Alcaraz et lui ont même rigolé à quelques reprises, en plus de confirmer à plusieurs reprises certaines balles jugées à l’extérieur, par franc-jeu. Même si cette rencontre était disputée sur le court central, elle avait des allures de match sans enjeu, entre deux potes, au parc du quartier.

De peine et de misère

Évidemment, le match revêtait une signification autrement importante. Si Shelton l’a compris rapidement, Alcaraz, lui, a mis du temps à se mettre en marche.

« Ce n’est pas très chouette de commencer un tournoi face à lui, a rigolé la première tête de série. J’avais de la difficulté à trouver mon rythme. Et c’est important de faire de longs échanges en début de tournoi, mais aujourd’hui, c’était une bataille différente. »

PHOTO MARK BLINCH, LA PRESSE CANADIENNE

Carlos Alcaraz a été embêté toute la soirée sur son premier service.

Son premier jeu au service a duré plus de huit minutes. Cette séquence d’entrée prouvait d’abord que Shelton avait ce qu’il fallait pour rivaliser avec son adversaire. Puis que la soirée pourrait devenir longue et exigeante si Alcaraz ne revenait pas à son calibre habituel.

En fait, le joueur de 21 ans a été embêté toute la soirée sur son premier service. Même si à certains moments on se serait cru à Madrid ou à Barcelone vu la quantité de drapeaux espagnols et de ¡Vamos, Carlos!, Alcaraz n’a jamais vraiment été en mesure de s’installer et d’imposer son rythme.

Ce constat a beaucoup à voir avec ses ennuis au service. Sa deuxième séquence au service a été tout aussi complexe que la première, nécessitant une autre égalité.

Seulement 58 % de ses premiers services ont été mis en jeu. Une fois en jeu, cependant, Carlito retrouvait ses aises. Il a sauvé les trois balles de bris auxquelles il a fait face pendant la rencontre. Pour le reste, il a été fidèle à lui-même, même si on sentait tout au long du match qu’un caillou l’embêtait dans ses chaussures.

Toutefois, Alcaraz n’avait pas joué depuis quatre semaines, il apprivoisait la surface dure de Toronto et il jouait contre un adversaire qui s’était sonné pour mission de gâcher la fête en devenant la vedette de celle-ci.

Shelton, pour le plaisir

Il est arrivé tout sourire sur le court central. Le jeune frisé au regard taquin donnait vraiment l’impression qu’il entrait sur le terrain pour s’amuser d’abord et avant tout.

Avec sa grosse serviette rouge et sa longue chaîne autour du cou, la 41e raquette mondiale a défait tous les préjugés qui auraient pu effleurer l’esprit des quelque 12 000 spectateurs.

PHOTO JOHN E. SOKOLOWSKI, USA TODAY SPORTS

Ben Shelton

Dès sa première séquence au service, il a envoyé des missiles à 215 et 218 km/h. Dans les gradins, des murmures et des regards surpris. Ses frappes ont même grimpé autour des 230 km/h pendant la rencontre. Avec son service très arqué, Shelton a fait sensation.

Avec ses coups droits francs et puissants, ses amortis et la flopée de gros retours en service, le gaucher a talonné Alcaraz du début à la fin.

« Je n’ai jamais joué contre quelqu’un qui frappait la balle aussi fort. C’est complètement fou ! », a déclaré le vainqueur. Il a même ajouté que le cordage de sa raquette a même failli se rompre.

L’Espagnol a montré des signes d’impatience en début de deuxième manche. Chose rare pour celui qui n’a perdu aucun match d’entrée cette saison.

Quart de finaliste aux Internationaux d’Australie, Shelton a dominé son adversaire au chapitre des as, des coups gagnants et des fautes directes.

« Je pense qu’il sera sur le circuit très longtemps. On n’a pas joué souvent un contre l’autre, mais il est très offensif. »

Si Alcaraz parvient à remporter le tournoi, ou à faire un bout de chemin considérable, parce qu’il aura trouvé son rythme rapidement, il pourra remercier Ben Shelton.