(Toronto) Gabriel Diallo est sorti du terrain la mine basse, mais il est arrivé en salle de conférence de presse la tête haute. Perdre en deux manches disputées de 4-6 et 5-7 contre Alex de Minaur, 18joueur mondial, l’a déçu, mais l’ensemble de son tournoi lui donne espoir pour la suite.

Diallo s’est pointé mercredi après-midi sur le court 1, le troisième en importance du site de compétition, le torse bombé et avec l’envie de prolonger ce qui était déjà une semaine de rêve.

La veille, il avait défait Daniel Evans, 21raquette mondiale. Sa première victoire en carrière sur le circuit ATP. À son deuxième match, il faisait face à de Minaur, septuple vainqueur sur le circuit.

Si Diallo ne peut rivaliser en expérience avec ses adversaires, le jeune homme de 21 ans peut assurément le faire grâce à sa puissance. Le gaillard de 2,03 m a été fumant tout au long du match. Bien entendu, chaque athlète préfère identifier ses défauts avant ses qualités dans leur bilan, mais dans ce match, Diallo a vraiment très peu de choses à se reprocher.

Seul son premier service l’a lâché à des moments cruciaux. Or ce coup fait partie intégrante de tous ses succès. Il a même souligné à ses entraîneurs sur le côté du terrain, en plein match, combien il se trouvait démuni sans son service. Avec seulement 57 % de premiers services réussis et de points gagnés en première balle, il est pratiquement impossible de défaire un membre du top 20 mondial.

PHOTO CHRIS YOUNG, LA PRESSE CANADIENNE

Gabriel Diallo au service

« Je dois encore peaufiner mon service, ma première balle après mon service et essayer d’aller chercher un peu plus de constance en fond de terrain, puis améliorer mes volées, mais globalement, c’était quand même une belle expérience », a précisé Diallo après la rencontre.

Diallo a tout de même brillé à divers moments grâce à son coup droit, son audace et sa capacité à oublier rapidement.

Notamment dès le deuxième jeu du match au service de de Minaur, où il a forcé cinq égalités. Ou au troisième jeu de la deuxième manche, lorsqu’il a sauvé deux balles de bris. Ou encore, dès le jeu suivant, lorsqu’il s’est offert trois balles de bris. Après avoir converti la troisième, il s’est arrêté, le regard serré, pour accueillir la charge des applaudissements d’une foule qui en demandait encore.

Diallo a cependant été victime de son service, lui qui aura été brisé à deux autres reprises. Reste que face à l’opposition impressionnante et délirante de l’Australien, Diallo a continué à être créatif. Au lieu de rester en fond de terrain et d’accepter le sort qui lui était réservé, il a tenté d’être l’agresseur, en montant au filet ou en étant ambitieux sur certaines balles.

Ce qui est tout à l’honneur de ce joueur qui en était à son cinquième match seulement sur le meilleur circuit au monde.

« J’ai un style de jeu assez agressif, puis lui, c’est quelqu’un qui n’a aucun problème à rester près de la ligne de fond et à tout ramener. Plus tu frappes fort, plus la balle revient vite. »

Face au mur

Alex de Minaur a montré au public canadien pourquoi il est considéré comme l’un des meilleurs joueurs défensifs du circuit.

Jouer contre lui revient pratiquement à frapper contre le mur d’une école. Et le mur ne perd jamais.

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Alex de Minaur

Le joueur de 24 ans était imperturbable. Il courait et atteignait chaque balle. Affronter un joueur de ce genre peut rendre fou, car il n’y a aucune issue possible. Il voit tout, il anticipe tout et il retourne tout.

Il ne rate jamais. Il ne te donne rien. Il va à toutes les balles. Il a une bonne vision, il anticipe très bien. Je dirais cependant que sa plus grande force est la manière dont il compétitionne. C’est le joueur le plus combatif que j’ai affronté.

Gabriel Diallo, en riant d’impuissance

De Minaur a gagné 43 % des points en retour de premier service. Tandis que Diallo en a gagné seulement 28 %.

L’Australien arrive d’une finale à Los Cabos et Diallo a appris à ses dépens que toute la puissance du monde ne peut pas rivaliser contre une raquette qui agit comme un aimant.

Une semaine réussie

Diallo s’était présenté à Toronto avec le désir d’apprendre, certes, mais aussi pour prouver qu’il avait sa place dans ce genre de tournoi, comme il l’avait révélé à La Presse en marge de l’Omnium Banque Nationale.

Puisqu’il a atteint ses deux objectifs, il retourne à la maison avec le sentiment du devoir accompli.

« Je [suis allé] chercher mon premier match, mais je suis un peu déçu que ça s’arrête maintenant. Mais une année, c’est long. Une carrière, c’est long. Si tu es trop dur avec toi-même, ta carrière peut être très longue », a-t-il ajouté.

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Gabriel Diallo

Il faut essayer de tirer le positif de la semaine.

Gabriel Diallo

Le Montréalais fera un bond de huit places au classement grâce à sa victoire au premier tour, passant du 141e au 133rang, en plus de toucher la somme non négligeable de 47 620 $.

Au-delà des statistiques et de la bourse, Diallo n’a pas seulement confirmé les attentes, il les a dépassées.

« Ce match m’a ouvert les yeux. J’ai appris beaucoup. Juste à voir l’attitude des joueurs professionnels, la façon dont ils prennent soin d’eux. »

Il retourna maintenant à la table à dessin pour se parfaire, mais dorénavant, son crayon sera mieux taillé.