Lorsqu’elle a remporté son premier titre majeur en double féminin, dimanche aux Internationaux des États-Unis, Gabriela Dabrowski n’a pas célébré.

Pendant que sa partenaire Erin Routliffe ne tenait plus en place, prise entre des cris et des larmes, Dabrowski a à peine levé les bras. Elle a ramassé tranquillement la raquette lancée par sa coéquipière et l’a déposée sur leur banc, juste avant de retrouver Routliffe pour une accolade.

« De l’extérieur, ça avait l’air comme si c’était juste une autre victoire, mais à l’intérieur, j’étais surexcitée ! J’étais aussi un peu sous le choc et soulagée que le tournoi soit enfin terminé », raconte-t-elle au bout du fil, de retour à Tampa Bay, en Floride.

De mémoire, lors de ses deux triomphes en double mixte, à Roland-Garros en 2017 et en Australie en 2018, elle était demeurée tout aussi imperturbable. À son avis, ce manque d’exubérance s’explique par la concentration nécessaire pour devoir ultimement l’emporter. « Si j’avais pensé au fait que c’était une finale de tournoi majeur, je n’aurais certainement pas été en mesure de garder mon calme et ma concentration comme je l’ai fait. »

Comme si son état d’esprit n’avait pas eu le temps de s’adapter au fait qu’elle était devenue la première Canadienne à gagner un majeur en double féminin entre le dernier point et le moment de célébrer.

PHOTO GEOFF BURKE, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Gabriela Dabrowski et Erin Routliffe après leur victoire

Un grand accomplissement

Trois jours avant son entretien avec La Presse, Dabrowski et Routliffe, 16es têtes de série, prenaient la mesure de Laura Siegemund et de Vera Zvonareva en deux manches en finale. Toutefois, Dabrowski n’a pas eu trop le temps d’en profiter. Le calendrier continue de tourner et elle devait déjà se préparer au Masters 1000 de Guadalajara, au Mexique.

« Je sens que je ne peux pas complètement le réaliser, parce que j’ai encore du pain sur la planche. J’ai seulement eu quelques jours pour me reposer. »

Mais au-delà du titre et de ses deux semaines de compétition, l’Ottavienne a été complètement vidée par la charge d’émotion accompagnant un titre de cette ampleur. Elle a donc dû prendre une petite pause, bien malgré elle. « J’étais épuisée. Ce sont des montagnes russes d’émotions. »

La clé, à son avis, pour pouvoir remporter les grands honneurs, aura été de mentir à sa propre personne. De détourner son esprit pour faire en sorte d’éviter de penser au moment présent. De se projeter dans un autre contexte. Aussi paradoxal que cela puisse paraître.

« Je crois qu’il faut oublier que c’est une finale de Grand Chelem, parce que ça peut devenir une source de distraction, raconte la joueuse de 31 ans. […] J’ai essayé de me faire croire que c’était un match de premier tour et qu’on avait été déplacées sur le court Arthur Ashe et qu’on avait fini notre match sous le toit. »

Du tennis de qualité

Dabrowski et Routliffe disputaient leur quatrième tournoi ensemble. Après Montréal, Cleveland et Cincinnati, les deux joueuses se sont finalement mises au diapason.

Dabrowski a louangé sa partenaire tout au long de l’entrevue. « On est restées soudées pendant tout le tournoi, peu importe ce qui se passait. Au premier tour, on a eu un mauvais départ, mais on a fini en force. On a gagné en raison de notre chimie et notre compatibilité », a-t-elle lancé.

PHOTO MANU FERNANDEZ, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Erin Routliffe et Gabriela Dabrowski en action

Routliffe, d’ailleurs, est une joueuse canadienne représentant le drapeau néo-zélandais depuis 2017. Qu’à cela ne tienne, partager cet honneur avec une compatriote a ajouté à la valeur de ce triomphe.

Triomphe lui permettant de réintégrer le top 10 mondial en double. Dabrowski loge dorénavant au neuvième rang. Même si ce sacre à New York représente jusqu’à maintenant l’apogée de sa carrière, la Canadienne ne croit pas jouer nécessairement le meilleur tennis de sa carrière.

Elle soutient tout de même avoir bien joué tout au long de la saison. « Je ne me souviens pas d’avoir vraiment eu de si mauvaises performances », ajoute-t-elle.

Pour le Canada

Ce titre vient mettre un baume sur la saison difficile des joueurs canadiens. Aucun représentant de l’unifolié n’a survécu jusqu’au deuxième tour en simple à Flushing Meadows.

« Je pense que le Canada peut compter sur des joueurs incroyables qui pourront faire beaucoup mieux que moi à long terme », précise Dabrowski.

Selon la vétérane, les détracteurs des jeunes joueurs canadiens sous-estiment à quel point le train de vie des athlètes est exigeant et éreintant, expliquant peut-être cette soudaine baisse de régime.

« Le circuit professionnel est extrêmement difficile. Les gens ne comprennent pas. Trente-cinq semaines par année sur la route, dans des hôtels différents, dans des environnements divers, prendre des vols à la dernière minute, défendre ses points à chaque tournoi. »

C’est pourquoi elle « ne jugera jamais » le rendement de ses compatriotes. En attendant, elle brille et pour une fois que le double fait les manchettes, elle ne s’en plaindra pas.