« On est rendu, oui, un des meilleurs pays. C’est clair. Les résultats le prouvent », laisse entendre Sylvain Bruneau au bout du fil.

Environ une heure et demie s’est écoulée depuis la victoire du Canada contre l’Italie en finale de la Coupe Billie Jean King quand le responsable du tennis féminin chez Tennis Canada nous passe un coup de fil en direct de Séville. « Ç’a été 90 minutes d’embrassades et d’émotions ! », s’exclame-t-il.

Alors, c’est comment, de remporter ce premier titre mondial canadien de l’histoire au tournoi féminin ?

« C’est l’euphorie, répond-il. On n’est pas tellement habitués à ça parce que le monde du tennis, c’est individuel. Quand tu remportes des titres [individuels], il y a beaucoup de joie et de grandes sensations, mais de remporter cette compétition-là en équipe, les joueuses, toute l’équipe derrière les joueuses, pour le Canada… C’est tout autre. »

« C’est un accomplissement énorme, gigantesque, des filles et de toute l’équipe », ajoute-t-il.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Sylvain Bruneau

M. Bruneau est impliqué dans la Coupe Billie Jean King – auparavant la Fed Cup – depuis 20 ans en tant qu’entraîneur, capitaine, responsable du tennis féminin et d’autres titres. Ce championnat du côté féminin, jumelé à celui du côté masculin à la Coupe Davis l’année dernière, « témoigne du progrès fait au sein du tennis au Canada », affirme-t-il.

« On est rendu, oui, un des meilleurs pays. C’est clair. Les résultats le prouvent. »

« Une rencontre à la fois »

Tout au long du tournoi, Sylvain Bruneau était, évidemment, en contact avec l’entraîneuse de l’équipe canadienne, Nathalie Tauziat, ainsi qu’avec la capitaine, Heidi El Tabakh. Entre eux, le mot d’ordre était d’y aller « une rencontre à la fois ».

Le premier mandat était d’abord de traverser la phase de groupe, où le Canada était jumelé à l’Espagne et à la Pologne.

On savait qu’on était capables de le faire. On savait qu’on devait bien jouer. On a sorti une carte de notre jeu qui a surpris plein de monde : on a fait jouer Marina Stakusic, qui a seulement 18 ans.

Sylvain Bruneau

Stakusic venait de remporter trois tournois Challenger. Dans les semaines qui ont précédé sa participation à la Coupe Billie Jean King, M. Bruneau a passé beaucoup de temps avec elle.

« Je l’ai préparée à Montréal, je suis allé avec elle en Californie, nous fait-il savoir. […] On avait eu des conversations doucement, tranquillement, sans mettre trop de pression. Juste pour la mettre dans un climat de confiance, pour m’assurer qu’elle sache qu’elle a ce qu’il faut. Parce qu’elle a très peu joué à ce niveau-là. »

La jeune athlète, 258e mondiale, a été sensationnelle, surtout en finale, alors qu’elle disputait le premier match contre l’Italienne Martina Trevisan. Elle l’a battue en deux manches.

PHOTO MANU FERNANDEZ, ASSOCIATED PRESS

Marina Stakusic

« C’est admirable, c’est impressionnant, comment elle s’est comportée, comment elle a géré tout le truc, de dire Bruneau. De livrer le tennis qu’elle a livré contre une joueuse qui a beaucoup plus d’expérience qu’elle dans des évènements de la sorte… [Ç’a été] magique. »

Il y a aussi Leylah Annie Fernandez, qui a joué « un tennis impeccable » en demi-finale contre la 7e mondiale, la Tchèque Marketa Vondrousova. Elle a repris là où elle avait laissé en finale.

« Leylah a été Leylah. On savait qu’elle était pour livrer la marchandise et être solide. Elle est très forte sous pression », lâche-t-il en poussant un petit rire. Un rire de celui qui connaît bien sa joueuse.

Bientôt la fin

Ce triomphe canadien survient à peine quelques semaines avant le départ de Sylvain Bruneau de Tennis Canada. Trente-cinq ans après avoir fait son entrée dans les bureaux de la fédération, il partira en décembre pour être analyste au Réseau des sports (RDS).

« C’est quand même quelque chose ! Les étoiles se sont comme alignées. Je suis tellement heureux d’avoir vécu ça. »

Avoir cette victoire-là au moment où je fais un petit tournant dans mon éducation de tennis, c’est un grand plaisir. Une grande émotion.

Sylvain Bruneau

Mais bon, l’heure n’est pas à la nostalgie. Elle est à la fête. Au moment de notre entretien, il est 21 h en Espagne. La soirée est jeune.

« La pression est tombée. Je pense que c’est important, dans des moments comme ça, de prendre le moment d’en profiter et de célébrer. Ça fait partie de la victoire.

« C’est certain qu’on va faire ça correctement, mais le plan, maintenant, c’est d’aller s’amuser. »