Jusqu’à tout récemment, l’image de Félix Auger-Aliassime était irréprochable. Son ascension était fulgurante et son rendement était égal à la hauteur de son potentiel. Mais le vent a tourné en 2023.

Les contre-performances et les blessures se sont succédé. Ses détracteurs attendaient le moment opportun pour lui remettre au visage son manque de constance. Pour la première fois de sa jeune carrière, le Québécois de 23 ans a essuyé de nombreuses critiques.

En raison d’une blessure à un genou et d’une autre à une épaule, Auger-Aliassime a dû non seulement sacrifier plusieurs tournois, mais surtout baisser pavillon devant des adversaires prenables. Il a terminé la saison avec une fiche de 23 victoires et 19 défaites.

Auger-Aliassime était cependant serein, souriant et semblait autrement plus léger qu’en cours de saison lorsqu’il s’est entretenu avec La Presse, mardi matin, de sa propriété en Europe. Il revenait tout juste d’un entraînement.

Le tennisman a brisé la glace d’entrée de jeu : « Ç’a été une année très compliquée. »

Son bilan de la plus récente saison ne tient qu’en une phrase : « C’est la première année depuis le début de ma jeune carrière où j’ai été aux prises avec un défi différent du passé, où chaque année, c’était de mieux en mieux. »

À pareille date l’année dernière, il tenait la sixième position du classement mondial. À son réveil mardi matin, son nom était à la 29e position du classement. « J’ai fini 29e et c’est la réalité. Je l’accepte complètement. Je n’ai aucun malaise dans la position dans laquelle je suis. »

Cependant, ce n’est pas parce qu’il est en paix avec cette position qu’il souhaite y rester. Le classement demeure néanmoins un bon indicateur du rendement d’un athlète. Comme un miroir, le classement ne fait aucun cadeau. Il est le reflet d’une réalité parfois dure à accepter.

Une période compliquée

PHOTO PIERRE ALBOUY, ARCHIVES REUTERS

Félix Auger-Aliassime termine l’année au 29e rang du classement de l’ATP.

Auger-Aliassime se rappelle trop bien son passage le plus creux de la saison. Ça s’est passé à Toronto, le jour de son anniversaire. Sur le court central, il a baissé pavillon sèchement en deux manches devant le qualifié Max Purcell.

Cette défaite était sa huitième en neuf matchs. « C’était compliqué, se souvient-il. Parce que j’avais du mal à même enchaîner les entraînements de qualité. »

Il est cependant fier de la manière dont il a géré cette séquence peu reluisante. Où le niveau et la confiance n’y étaient pas, tout simplement. « Psychologiquement, il n’y a jamais eu de moments difficiles. J’ai eu des creux, mais très brefs. Dès que je perds le match à Toronto, je suis triste, je suis déçu, mais ça passe très vite. »

Néanmoins, lorsqu’il se présente devant les médias à la suite de ses défaites à la chaîne, il doit faire face à ses responsabilités. Même s’il avoue ne pas lire ce qui s’écrit à son sujet, il sait mieux que quiconque que cette période a été la plus complexe de sa carrière. Il n’avait donc pas besoin de se le faire rappeler chaque semaine.

Qu’est-ce qu’on peut dire d’autre ? Quand c’est une année compliquée, c’est une année compliquée.

Félix Auger-Aliassime

En vérité, le bruit généré par les médias ou les internautes ne l’atteint pas. Sa priorité était plutôt de continuer d’exister dans la tête de ses rivaux.

« Pour moi, c’est ça qui est important. C’est de garder le respect de mes compétiteurs. Depuis que je suis adolescent, j’ai toujours trouvé que j’avais ma place parmi les meilleurs joueurs du monde. Et pour moi, c’était plus un statement de dire que je n’étais pas parti, que j’avais eu des mois difficiles, mais que je suis à un niveau où je peux battre les meilleurs joueurs du monde. »

Auger-Aliassime parlait à ce moment de son titre remporté à Bâle, à la fin du mois d’octobre. « C’est venu sauver la saison, on peut le dire », a-t-il déclaré en déposant un sourire. Les semaines précédentes à l’entraînement s’étaient bien déroulées et le droitier entretenait le désir de gagner de nouveau. Il l’a fait en disposant de Holger Rune (6e au monde) en demi-finale et d’Hubert Hurckacz (11e au monde) en finale.

« C’est arrivé comme je le voulais. C’était beaucoup de satisfaction pour mon équipe et moi après une année très compliquée. C’est passé par l’acharnement au travail, la discipline, être en forme physiquement le plus possible et garder la conviction que je peux gagner. »

L’apprentissage

PHOTO FABRICE COFFRINI, AGENCE FRANCE-PRESSE

Félix Auger-Aliassime a remporté le tournoi de Bâle à la fin du mois d’octobre.

À 23 ans, le gagnant de cinq titres sur le circuit de l’ATP est encore une éponge. Chaque défi est une occasion d’apprendre et de grandir.

Pour la première fois, il a dû gérer un corps qui ne voulait pas contribuer. Les blessures se sont répétées et ont miné son rendement. Le genou gauche, notamment, est devenu le caillou dans son soulier.

Il l’a notamment forcé à rater plus d’un mois d’activité entre Roland-Garros et Wimbledon, entre autres.

Et cette saison en dents de scie aura permis au Québécois de tirer des leçons. « La prochaine fois, on veut mieux gérer cette phase-là, pour prendre le temps qu’il faut pour revenir sur le court quand je me sens à un très bon niveau pas juste physique, mais de jeu. On ne veut pas refaire des matchs comme à Roland-Garros où j’étais vraiment blessé et mal en point. Ou Wimbledon lorsque j’ai fini par avoir mal au genou durant le match. »

Autrement dit, Auger-Aliassime admet que la gestion de sa blessure a été défaillante, parce qu’il ne s’était jamais retrouvé dans cette situation auparavant. « À l’avenir, je vais essayer de ne pas prendre autant de temps. »

Il va y avoir d’autres blessures dans ma carrière, mais de prendre autant de temps à revenir à un très bon niveau, c’est ce que je veux améliorer.

Félix Auger-Aliassime

En attendant, il a déjà les yeux rivés sur la prochaine saison. Il a recommencé l’entraînement intensif il y a quelques jours et, au moins, il pourra prendre un peu de temps pour lui avant de s’envoler pour l’Australie, contrairement à la saison dernière.

Après avoir dévoré les documentaires Tour de France : au cœur du peloton et Beckham, il tentera de trouver quelque chose d’autre pour se distraire.

« Ça montre leur mentalité, leur résilience, leur passion. Jusqu’où, comme sportifs, il y a toujours cette recherche dans cette limite physique et psychologique. Ça m’a motivé à repousser cette limite et à faire les efforts qu’il faut, parce que tu vois que ça peut finir par payer. »

Et c’est justement ce désir d’en faire plus qui animera Auger-Aliassime en 2024.